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Faoda
Par Sami El Soudi © Metula News Agency
Article mis en ligne le 10 avril 2005

Faoda, le chaos.
Je le pressentais déjà lors de mon dernier article lire, le nouveau président de l’Autorité Palestinienne, Monsieur Mahmoud Abbas, est en train de perdre tout contrôle sur les événements. Ce qui est encore plus inquiétant, c’est que je ne vois vraiment pas comment cette tendance apocalyptique pourrait s’inverser...

Ainsi, cela fait déjà trois bonnes semaines que le raïs se montre incapable de nommer des nouveaux chefs aux postes de responsables de nos différents services de sécurité. Ces postes sont vacants, depuis qu’Abbas se trouva contraint d’en limoger les détenteurs ou que certains d’entre eux eurent, de leur propre initiative, présenté leur démission.

En l’état, donc, les services de sécurité ne sont pas dirigés, ce qui signifie dans les faits que chacun fait plus ou moins ce qu’il entend de ses armes. Sur le terrain, cela se traduit par une inaction quasi généralisée de nos forces, qui regardent les graves détériorations dans le maintien de l’ordre se produire sous leur nez et qui, faute de recevoir les ordres adéquats, laissent faire. Les limogeages décidés par Abbas avaient été rendus nécessaires du fait de l’inefficacité préoccupante de nos policiers, mais depuis, les choses ont encore largement empiré.

Je vois trois raisons principales à ce chaos qui gangrène l’autorité de Monsieur Abbas :

  • La trop grande proximité existant entre les gendarmes et les voleurs, héritée des choix de Yasser Arafat. Souvent un policier de l’Autorité, le jour, se transforme en terroriste du Hamas, la nuit.
  • L’opposition d’une partie non négligeable du Fatah - les Arafatiens -, derrière le 1er ministre Ahmed Qoreï (de plus en plus ouvertement hostile à Abbas), à la solution de la création d’un Etat Palestinien en Cisjordanie et dans la bande de Gaza et, partant, leur refus d’accéder à une solution politique définitive avec les Israéliens. C’est Qoreï qui bloque la nomination des nouveaux chefs de la sécurité.
  • La désorganisation endémique et le manque de discipline chronique de nos forces de l’ordre et de leurs officiers. Plus que jamais, on s’aperçoit que l’uniforme ne fait pas le gendarme. Arafat régnait sur le petit monde de la sécurité par le biais de la « corruption tolérée » et par la terreur. Abbas, qui ne recourt ni à l’un ni à l’autre de ces expédients, ne trouve pas comment impulser une dynamique positive dans ce troupeau de près de 50’000 têtes.

Les proportions de la catastrophe sont telles, que le président n’a pas pu faire arrêter les membres des Martyrs des Brigades Al-Aksa qui avaient mitraillé son cabinet de travail. Les hommes que l’Autorité avait lancés à la poursuite des insurgés, avec mission de les appréhender, se sont contentés de les verbaliser, laissant à plusieurs de ces individus la possibilité de conserver leurs armes. A Tulkarem on a pu assister à une tragi-comédie du même genre : les forces spéciales, venues mettre au pas les hommes du Fatah local, qui avaient mis en fuite des policiers et brûlé leur campement, ont finalement bu le thé avec les agresseurs. Les policiers avaient tenté d’intercepter des voleurs de voitures...

Dans ces conditions, les événements politiques et internationaux prennent des tournures franchement négatives. L’Autorité s’étant montrée incapable de remplir les engagements qu’elle avait pris la veille du transfert du contrôle des deux premières villes palestiniennes, le processus de transfert est gelé. Connaissant ses limites, Mahmoud Abbas ne presse même pas l’administration Sharon de reprendre le mouvement.

Dans la rue, le Hamas et le Jihad retrouvent de la popularité. Tout le monde a ici en tête que Monsieur Abbas a autorisé les mouvements islamistes à participer aux élections législatives de cet été. Pour le président, ces élections devaient fournir l’occasion d’asseoir définitivement sa prédominance et d’éloigner des postes-clés les derniers Arafatiens (ou néo-Arafatiens [1]), à commencer par le 1er ministre Qoreï lui-même. Mais à l’intérieur du Fatah, des voix de plus en plus nombreuses se font entendre afin de reporter cette consultation, qui pourrait avoir l’effet inverse de celui escompté, à savoir, un renforcement significatif du Hamas et le maintien des Arafatiens. Bien évidemment, si Mahmoud Abbas décidait de renvoyer cette consultation électorale à plus tard, les relations entre le Fatah et le Hamas ne pourraient que se détériorer, mettant en danger le projet du président de politiser les partis islamiques afin de leur faire déposer les armes.

Mais pour le moment, le Hamas et le Jihad islamique remportent des succès sur tous les fronts : ils conservent leurs armes, utilisent la Houdna pour se requinquer après les terribles coups subis de la part des Israéliens et de plus, ils présentent l’apparence de « ceux qui s’en remettent à la décision des urnes »...

Circonstances plus que difficiles, donc, pour Abou Mazen, qui devait très prochainement se rendre à Washington pour y rencontrer le Président Bush. L’Administration US a informé notre président que le moment n’était plus opportun à la rencontre prévue et que si nous insistions pour qu’elle ait lieu, George W. Bush serait contraint de constater publiquement que nous « ne faisons rien afin de combattre le terrorisme ». Sans voir le président américain, comment lui faire comprendre que nous avons, ici et immédiatement, besoin d’au moins 1’000 cadres supplémentaires de la CIA pour rendre à Mahmoud Abbas son contrôle sur nos forces armées et pour commencer à envisager une opération de mise à pied des organisations terroristes qui aurait des chances raisonnables de réussir. Je sais que les services US lisent attentivement la Ména et je leur suggère vivement de considérer cette espèce d’appel au secours indirect.

L’autre échéance qui nous fait claquer des dents, c’est la perspective approchante du désengagement israélien de Gaza. Abbas, Dahlan et les Israéliens oeuvrent afin qu’il se déroule de façon coordonnée et que les territoires qui seront abandonnés par Tsahal soient remis en bon ordre aux représentants de l’AP. Dahlan fait état de ce désir partout où il en a l’occasion. Mais face à lui, il y a désormais Ahmed Qoreï et sa mouvance, qui n’hésitent pas à affirmer publiquement « qu’il ne faut pas se mêler du désengagement de Sharon ». En clair, les partisans de la « non coordination » du retrait avec les Israéliens sont favorables à une immense faoda (chaos), qui se terminera, sans l’esquisse d’un doute possible, par des attaques des islamistes contre des agglomérations juives d’avant 67 et par une reconquête totale de la bande par l’armée israélienne, y compris une opération type « bouclier à Gaza », contre les organisations terroristes. Le but de cette option arafatienne des choses :

1) laisser faire le sale boulot aux Israéliens, tout en se préparant à les fustiger copieusement,

2) mettre fin au processus de paix engagé par Abbas et Sharon et donc à la création d’un Etat palestinien indépendant, accompagné de la fin de l’état de belligérance et

3) prendre le pouvoir à Ramallah sans coup férir, en maintenant l’Autonomie entre une fausse guerre et une fausse paix, dans l’espoir d’un pourrissement de la situation régionale, qui donnerait, plus tard, aux Palestiniens la possibilité d’établir leur Etat de la rivière à la mer.

Pas brillants, les oracles en ce dimanche matin, n’est-ce pas ? D’autant plus qu’hier, les soldats israéliens de la brigade Golani, qui gardent la « Voie Philadelphie », entre Rafah et l’Egypte, ont abattu trois adolescents palestiniens. Au départ, ils étaient cinq et deux d’entre eux ont réussi à regagner Rafah sans encombre. Ils ont été immédiatement et longuement entendus par les services de Moussa Arafat et de Mohamed Dahlan :

Les cinq jeunes gens font partie des bandes de contrebandiers de la tribu Abu Sema Dana ; ils sont connus, à la fois par nos services et par les Israéliens, comme faisant partie de « l’organisation des tunnels ». Le but de leur mission consistait à aller constater l’état des énormes travaux qu’ont récemment entrepris les Israéliens sur l’axe Philadelphie. Ces derniers ont commencé à élever un mur de béton tout le long de la frontière, afin de protéger leurs ouvriers à la fois des regards des contrebandiers et de leurs balles. Derrière cette protection, ils comptent creuser un canal très profond, qu’ils rempliront d’eau de mer, et qui empêchera le forage des tunnels sous la frontière. Les Israéliens progressent à la vitesse grand V, espérant terminer au moins le gros œuvre avant le début de leur redéploiement, dans un peu plus de deux mois.

Les cinq jeunes avaient pour ordre de ramper jusqu’au premier mur, en direction d’une section où il n’est pas complètement achevé, puis de se diviser en deux groupes, l’un partant vers la gauche, l’autre vers la droite, le long du mur, pour pouvoir rapporter à leurs commanditaires exactement ce que « les juifs sont en train de construire ». Mais pour leur malchance, les 5 jeunes ont été remarqués par un garde alors qu’ils rampaient dans le sable ; le garde a procédé aux sommations d’usage - y compris aux tirs en l’air - mais les adolescents ont continué d’avancer. C’est seulement alors que les Israéliens ont ouvert le feu sur les jeunes gens, tuant sur le coup Ashraf Moussa, Khaled Aânam et Ahmad al-Jezer.

Cette version des faits, corroborée par les militaires des deux camps, et par les témoignages des rescapés, ne fait aucun doute ; aussi ai-je été fort surpris par la dépêche émise par l’agence AFP et distribuée dans tous les pays arabes et musulmans (pas seulement, Sami, on la retrouve ce matin dans Le Monde et dans Proche-Orient Info. Ndlr.). D’ordinaire, je ne me mêle pas des rapports de presse, mais de constater que cette agence a pris le parti de reproduire les âneries à la Al-Dura qu’ont rapportées « des témoins » m’amène à m’interroger.

Selon l’AFP, « des jeunes de 14 à 16 ans jouaient au football le long de la frontière israélienne, à proximité d’une base militaire du camp de réfugiés de Rafah (faux, la base militaire appartient aux fortifications de la Voie Philadelphie. Ndlr.), quand des soldats leur ont tiré dessus, tuant trois d’entre eux. Ils précisent (les témoins anonymes) que les victimes n’étaient pas armées ».

Jouer au football le long de la « Voie Philadelphie » ? L’AFP prend vraiment les Palestiniens pour des imbéciles ne sachant pas lire les centaines d’écriteaux, en arabe, décrivant le danger de mort qu’il y a à s’approcher de la frontière. Cette agence reprend, une nouvelle fois, des témoignages établissant le caractère démoniaque de nos adversaires, « qui tuent des enfants jouant au foot ! » en cette circonstance. Mais que recherche cette agence, en déchaînant, au Caire, à Casablanca et à Téhéran, par cette image, fausse autant que satanique, la haine des foules contre les gens avec lesquels nous sommes appelés à vivre en bon voisinage ? L’AFP fait-elle la promotion de la guerre à tout prix et à tout jamais ?

Je trouve les faits gravissimes, surtout que l’AFP connaît pertinemment la situation qui prévaut à proximité de l’axe Philadelphie. Elle sait à la fois que personne ne songerait à venir y jouer au football - il y a pour cela toutes les étendues nécessaires dans la région de Rafah - et que des acolytes des organisations terroristes sont toujours prêts à aller raconter la version délirante et victimaire d’une opération, si celle-là tourne mal. Le fait est que les représentants un tant soit peu responsables des agences présentes depuis longtemps dans la région ne répercutent pas ces dangereuses sottises et refusent de jeter de l’huile sur le feu de ce conflit.

Je n’ai, quant à moi, pas entendu ni eu connaissance de témoignages (hormis celui rapporté par l’AFP. Ndlr.) allant jusqu’à prétendre que les jeunes jouaient au foot le long de l’une des frontières les plus dangereuses du monde. Peut-être parce que personne n’y croirait. J’ai vu, par contre, le témoignage d’un certain Ali Abou Zeïd, prétendant « que les adolescents jouaient au foot dans un terrain vague, lorsque l’un d’entre eux a shooté le ballon vers la frontière ». Les jeunes se seraient précipités derrière la balle et ce serait à ce moment que Zeïd aurait entendu les tirs.

Mais... on n’a pas retrouvé de ballon. Il n’y a pas de terrain vague praticable pour le foot à proximité du lieu du drame (je connais parfaitement le voisinage et je défie quiconque de montrer le contraire !). Et vous, quand vous étiez gamins, que vous jouiez au ballon et qu’il sortait des limites du terrain, chez vous, tous les joueurs allaient le chercher ensemble ? Voyez-vous une bonne raison pour que nous, les Palestiniens, nous soyons intellectuellement plus limités que vous ne l’êtes, surtout lorsque nous savons - pour ceux d’entre nous qui vivent à Rafah -, tous, qu’il y a danger de mort à s’approcher de la frontière ?

En tous cas, la nouvelle de la mort des trois garçons a suffi pour démontrer la fragilité de la Houdna et l’impossibilité de la perpétuer tant qu’on laisserait le Hamas en possession de ses armes. Les organisations terroristes on « riposté » pendant la nuit, tirant une soixantaine d’obus de mortiers et de Qassam sur les implantations juives ainsi que sur les villes israéliennes limitrophes. Des habitants d’implantations, armés, ont tenté d’en découdre avec leurs voisins palestiniens ; ils en ont été empêchés par leur armée.

D’où l’avantage de posséder une armée, une vraie, lorsque l’on émet l’intention de vivre en paix...


Notes :

[1] Néo-Arafatiens, qui rejettent les méthodes d’Arafat mais qui conservent l’essentiel de ses principes, comme le droit au retour et la non irrévocabilité de tout accord avec Israël.



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