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Nouvelles de Palestine
Par Sami El Soudi © Metula News Agency
Article mis en ligne le 15 mars 2005

La trêve du Caire et le Hamas

Ce soir va se tenir au Caire une importante réunion, dont le but attendu est d’obtenir de tous les composants de l’échiquier palestinien une « accalmie » d’un an. Cette accalmie permettra la conduite des négociations par Mahmoud Abbas avec les Israéliens, en vue de la création d’un Etat palestinien et de la transformation du Hamas d’organisation terroriste en parti politique. Le ministre Mohamed Dahlan avait déjà annoncé, voici quelques jours, qu’un accord avait été atteint, mais de sérieuses dissensions à l’intérieur du Hamas menacent la proclamation de la trêve.

En fait, le Hamas est proche de l’implosion, tant le désaccord entre les représentants de l’organisation situés dans les territoires et ses dirigeants, situés à l’étranger, s’est creusé durant les dernières semaines. Le schisme est favorisé par l’exclusion de Damas du numéro un de l’organisation, Khaled Mashal, sous les pressions américaines, dans le cadre des exigences de la résolution 1559 du Conseil de Sécurité de l’ONU. Mashal et ses collaborateurs, exilés séparément au Liban et dans des pays du Golfe persique, se trouvent désormais dans une situation d’« éloignement » et d’isolement, qui les affaiblit politiquement. A Gaza, suite à l’élimination par Israël des leaders historiques du mouvement, notamment le cheikh Yassine et le Dr. Rantissi, ainsi qu’à cause de la crainte d’autres liquidations, la conduite du Hamas est morcelée entre les mains de plusieurs chefs de moindre importance. Ceux-ci sont tentés par les propositions du Président élu de l’Autorité Palestinienne d’intégrer le parlement national et le Fatah, tout en abandonnant la lutte armée. Nous observons également que des émissaires français et espagnols sont venus rencontrer le leadership du Hamas à Gaza, afin d’encourager ses membres à participer à la métamorphose qui leur est proposée par Mahmoud Abbas ; en contrepartie, ces émissaires ont assuré que leurs pays oeuvreraient afin d’exclure l’organisation islamique de la liste européenne des mouvements terroristes.

Le Hamas participera aux législatives de juillet

Par une décision digne du plus grand intérêt, le Hamas, urbi et orbi, vient d’annoncer qu’il participera aux élections législatives du 17 juillet en vue de désigner les 124 députés du parlement palestinien. Il s’agit là, à ne pas s’y tromper, de l’initiative la plus révélatrice de la métamorphose de l’organisation terroriste. Celle-ci coïncide avec la ligne adoptée par Abou Mazen dans ses discussions difficiles avec les Américains et les Israéliens, qui n’ont de cesse d’exiger de sa part le désarmement, manu militari, de toutes les organisations terroristes palestiniennes. Abbas plaide, avec un certain succès, que les partisans de ces mouvances représentent environ 30% des composantes de la population et qu’il vaudrait mieux, pour tout le monde, les intégrer pacifiquement à la vie politique, plutôt que les affronter et en faire, ainsi, des opposants ad aeternam à tout processus de coexistence avec Israël. Notre président assure, en même temps, qu’il ne tolérera aucune activité terroriste de la part de ces organisations, et que nos forces de sécurité annihileront ponctuellement toute cellule qui enfreindrait, par des actions violentes, la démarche de pacification qu’il a entreprise. Qui plus est, Monsieur Abbas s’est engagé auprès de ses interlocuteurs à déposséder de leurs armes les organismes terroristes, de « façon graduelle et volontaire ».

Le grand défi politique

Madame Rice ainsi que le général Sharon, sans se ranger aux arguments du premier des Palestiniens, ont cependant décidé de ne pas lui mettre des bâtons dans les roues et de juger sa ligne d’action en fonction de ses résultats. Dans cette dialectique et dans une démarche qui a de quoi surprendre un grand nombre de personnes, le gouvernement israélien a accordé un sauf-conduit à tous les représentants d’organisations terroristes désireuses de se rendre au sommet du Caire. En d’autres termes, les responsables du Hamas et du Jihad islamique - hautement recherchés par les services de l’Etat hébreu - ont passé ou passeront devant ses « douaniers » à Rafah, en route vers le Nil, avec l’assurance de pouvoir réintégrer Gaza en toute impunité. Malgré ces mesures exceptionnelles, on apprenait hier que les dirigeants du Hamas ne se rendraient vraisemblablement pas en Egypte. Ils ont justifié cette décision par un prétendu refus israélien de laisser voyager certains de leurs membres ; mais, pour avoir vérifié cette information à la source, en en parlant directement avec les intéressés, je suis en mesure de vous affirmer que ce prétexte est dénué de tout fondement factuel. La décision du Hamas de Gaza est en fait conditionnée par le refus, annoncé par les dirigeants en exil de l’organisation terroriste, de participer à la trêve. Les représentants du Hamas à Gaza m’ont fait savoir « qu’ils n’étaient pas encore prêts à rompre avec Mashal », ajoutant cependant « que la crise était très grave et qu’elle pouvait aboutir à la scission de l’organisation en un parti politique intra-muros, qui acceptera la trêve, et un organisme campé à l’étranger, qui se rapprochera encore de l’Iran et du Hezbollah libanais ». Quoi qu’il en soit, le Hamas de Palestine pourrait entériner l’accord du Caire de manière tacite - sans le commenter mais en l’appliquant à la lettre - même s’il ne participait pas à la rencontre de ce soir.

Au sujet de cette rencontre, il faut également noter que le Front Populaire, qui a rejeté le principe de l’« accalmie » n’y participera pas. Par contre, et cela est significatif, un ministre syrien, probablement le ministre des Affaires Etrangères, Farouk al-Charrah, prendra part aux débats et à la décision qui s’ensuivra. Il faut discerner, dans cette nouvelle approche de la Syrie, qui était jusqu’à présent opposée, elle aussi, à toute forme de cessez-le-feu avec « l’ennemi sioniste », constituant le soutien principal, voire le commanditaire, de toutes les organisations terroristes palestiniennes, et qui se déclarait opposée à la création d’un Etat palestinien, un changement de stratégie. De fait, Damas fait mine en tout cas de se plier à l’exigence US sine qua non de la voir « jouer un rôle positif dans la construction d’une solution pacifique au conflit ». Suivant les signes de ces derniers jours en provenance de la junte alaouite, il semblerait que le régime de Béchar al-Assad ait décidé d’entreprendre des manœuvres d’urgence en vue de sauver sa peau. Mais, quelles que soient les motivations de Damas, sa participation à la décision de cessez-le-feu, ce soir au Caire, est plus que symbolique, car, d’un point de vue tactique, on voit mal les organisations terroristes maintenir leur niveau de dangerosité sans le support logistique et actif de la Syrie.

Libération de nos villes et retour des vieux démons

Conformément aux prévisions de mon ami Ilan Tsadik dans son article d’avant-hier et en réfutation de celles de samedi dernier du quotidien français Le Monde, qui ne voyait « pas de perspectives d’une relance du processus de paix », l’armée israélienne va évacuer dès demain la ville de Jéricho. La décision a été prise hier soir, dans un hôtel d’Herzelyia, par le ministre israélien de la Défense, Shaoul Mofaz et par notre ministre en charge des Services de Sécurité, Nasser Youssouf. L’évacuation de Tulkarem suivra dimanche, à moins d’un attentat terroriste entre-temps, et à la fin mars, ce seront quatre grandes cités palestiniennes qui auront obtenu d’être entièrement gérées par l’AP. A noter que la demande principale de Youssouf, sur laquelle achoppait l’accord de désengagement de Jéricho, à savoir l’enlèvement du check post israélien sur la route de Ramallah, a été finalement acceptée par les Israéliens. Les autres points de contrôle resteront par contre en place jusqu’au 15 avril, date de la prochaine réunion de ce panel, à laquelle les participants jugeront du succès des premiers retraits et décideront des évacuations suivantes en conséquence.

L’évacuation de Jéricho permettra, à brève échéance, la réouverture du casino palestinien aux joueurs israéliens. Un casino qui laissait aux plus corrompus de nos dirigeants, par ailleurs toujours en place, en partage avec certains amis de Monsieur Sharon, une bonne partie des quelques 200’000 Euros de bénéfice que l’établissement générait annuellement. Ce palais luxueux fait face à un immense camp de réfugiés, dissimulé derrière un haut « mur de séparation » en tôle, dans lequel Juffa et moi avions pris l’habitude, avant le déclenchement de l’Intifada, de nous rencontrer tous les quinze jours. Malheureusement, je doute que les choses aient changé au point qu’une partie de la manne parvienne désormais de « l’autre côté de la rue », là où la Palestine en a pourtant le plus besoin...

Abbas et les Arabes vont abandonner le droit du retour. La balle sera dans le camp de Bush et de Sharon.

Le mieux n’étant pas, dans cette région du moins, l’ennemi du bien, scrutons encore, dans cette actualité chargée, la déclaration essentielle que fera Mahmoud Abbas, ce soir au Caire. Dans un acte d’un courage politique assez exceptionnel, notre président informera le peuple palestinien et toutes ses composantes que le moment est venu d’abandonner l’exigence historique du retour de tous nos réfugiés en Israël-Palestine. Cette initiative, soutenue ardemment par le roi Abdallah de Jordanie, qui a demandé aux autres pays arabes d’amender leur proposition de paix globale à Israël en ce sens, fait tomber l’un des écueils les plus conséquents sur le chemin de la coexistence et de la paix. Abbas rejoindra ainsi les termes de l’initiative Ayalon-Nusseibah, qui relevait l’incompatibilité de l’exigence du retour avec n’importe quelle perspective de paix négociée avec les Israéliens. Abou Mazen appellera au réalisme, en suggérant d’accueillir un certain nombre de Palestiniens résidants dans les pays limitrophes dans la partie cisjordanienne du futur Etat de Palestine ; quelques dizaines de milliers d’exilés devraient pouvoir s’installer en Israël par mesure humanitaire de la part de Jérusalem ; quant au statut des autres, notre président demandera aux pays hôtes de leur accorder les pleins droits de citoyenneté - ce qui est loin d’être le cas actuellement - et à la communauté des nations, de réunir des fonds qui serviront à leur dédommagement, à titre personnel, et à la construction d’infrastructures décentes, en vue de leur intégration permanente sur leur lieu de résidence.

C’est grâce à la clarté de son discours, à son réalisme calme et confiant, que Mahmoud Abbas convainc ses interlocuteurs, et, principalement, son partenaire israélien Ariel Sharon, de la sincérité de sa volonté d’accéder à une paix « réaliste ». Sharon a désormais compris que le nouveau guide de la cause palestinienne avait réellement l’intention de construire la Palestine à côté d’Israël et qu’il n’usait pas d’un double discours rappelant le « porte-avions » de feu Yasser Arafat. Ceci dit, il doit être tout aussi clair que nous attendons de notre « partenaire » qu’il prenne en compte les nécessités existentielles de notre peuple et qu’il passe prochainement à la réalisation des « concessions douloureuses » dont Sharon n’a cessé de parler durant ses années de pouvoir. Car sans concessions douloureuses réciproques, il sera tout à fait impossible de vivre, à la fois côte à côte et de façon séparée et indépendante, sur ce minuscule confetti qui nous sert de patrimoine commun



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