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Liban : l’heure de vérité
Par Michaël Béhé à Beyrouth © Metula News Agency
Article mis en ligne le 28 février 2005

La révolte contre l’occupation syrienne et ses collaborateurs locaux, qui bat son plein dans tout le Liban, a désormais adopté le nom d’Intifada ou encore « Intifada de l’indépendance ».

Le pays traverse, en ce moment, des heures dramatiques, durant lesquelles un « mano a mano » s’est engagé, entre, d’une part, la population libanaise, toutes confessions et toutes tendances réunies, soutenant l’« opposition du Bristol » et ouvertement épaulée par les diplomates américains, présents dans notre capitale, et d’autre part, le gouvernement collaborationniste du Président Lahoud. Lequel gouvernement est de plus en plus isolé et ne doit sa survie qu’à la présence sur notre sol des 14’000 soldats syriens et aux directives qu’il reçoit du centre de leur service de renseignement, basé à Anjar, à 55 kilomètres à l’est de Beyrouth.

Hier, le gouvernement a pris la décision de risquer l’épreuve de force, en déclarant illégal tout nouveau rassemblement. Officiellement, il s’agissait d’empêcher des affrontements potentiels entre manifestants indépendantistes et leurs adversaires prosyriens. Dans les faits, cependant, le cortège organisé par le pouvoir n’avait réuni qu’à peine 500 personnes, alors que l’on comptait plus de 50’000 opposants sur la place des Martyrs, qu’ils ont rebaptisée entre-temps « place de la Liberté ».

Plusieurs milliers d’indépendantistes ont, par ailleurs, passé la nuit dernière dehors, par crainte que le quadrillage militaire de la ville et de ses accès, ordonné par le pouvoir, ne les empêchât de revenir aujourd’hui. Le déploiement de l’armée libanaise n’a pourtant pas eu le résultat attendu, puisque, à l’heure où j’écris ces lignes, la place est noire de monde. Les manifestants suivent sur de grands écrans le débat parlementaire qui s’est ouvert ce matin place de l’Etoile, à la suite de la motion de défiance déposée par l’opposition. On devrait connaître le résultat du vote tard dans la soirée, même si, arithmétiquement parlant, le gouvernement dispose d’un nombre suffisant de députés pour sauver sa tête. Une majorité de députés, dont tout le monde ici a conscience qu’elle n’est absolument pas représentative de la volonté populaire de l’immense majorité des citoyens libanais. Reste que l’issue de la consultation parlementaire demeure incertaine, après que plusieurs députés du pouvoir ont annoncé qu’ils soutiendraient la motion de défiance.

Quoi qu’il en soit, le démantèlement de l’équipe gouvernementale, s’il était obtenu par voie parlementaire, ne ferait que précipiter le dénouement « libanais » de cette crise, qui semble toutefois inéluctable à court terme. Mais au-delà des décisions libanaises, se déroule un autre face-à-face, opposant celui-là la Syrie à l’ONU, aux Etats-Unis, à toute la communauté internationale, de même, et c’est une nouveauté, que de façon apparente, à la quasi-totalité des Etats arabes.

Pendant que Béchar al-Assad ploie sans rompre sous la pression mondiale, annonçant une nouvelle réduction de ses effectifs au Liban et un redéploiement dans la vallée de la Békaa - solution qui ne satisferait personne - les drapeaux libanais ornent tous les toits du pays. Dans la rue, les écharpes rouges et blanches, symboles de notre révolte, ont pris possession du bitume. Hier, c’est par dizaines que l’on reconnaissait les responsables politiques sur la place des Martyrs. Chrétiens et musulmans brandissaient, côte à côte, les portraits de Michel Aoun, Kamal Joumblatt (le père de l’actuel leader du PSP druze, assassiné par les Syriens), Rafic Hariri, Béchir Gemayel, Samir Gagea et Hassan Khaled. La foule scandait des slogans marquant son unité, tels que « le Liban est notre religion » et d’autres, exigeant le départ de l’occupant syrien. L’apogée de la réunion concorda toutefois avec l’intervention de la députée du Liban-Nord, Nayla Moawad, dont le mari, ex-président de la république, fut également éliminé par les services syriens. Nayla Moawad est arrivée de sa ville de Zghorta el-Zaouiyé, à la tête d’une cinquantaine d’autobus et d’une importante délégation de personnalités politiques. Madame Moawad fut accueillie à la tribune par un tonnerre indescriptible d’applaudissements, les drapeaux libanais s’agitant avec ferveur au-dessus des têtes. « Qui a tué Rafic Hariri ? », a demandé la députée, la foule répondant à sa question d’une seule voix : « la Syrie ! » - « Qui a tué Kamal Joumblatt ? » - la foule : « la Syrie ! » - « Béchir Gemayel ? » - « la Syrie ! » - « Hassan Khaled ? » - « la Syrie ! » - « Et qui a tenté d’assassiner Marwan Hamadé ? » - « la Syrie ! » - « Nous voulons savoir qui a assassiné René Moawad », a lancé sa veuve aux milliers de manifestants, qui répondirent à nouveau en accusant l’occupant venu de Damas.

L’ancien ministre des Affaires Etrangères et l’un de nos historiens les plus réputés, Jawad Boulos, a souligné les propos de Nayla Moawad, démontrant également ce qui ressort des événements de ces derniers jours : soutenus par la communauté internationale dans son exigence de l’application de la résolution 1559, la population libanaise ne craint plus ses tortionnaires. « Nous ne pouvions rien dire lorsque René Moawad a été assassiné, mais aujourd’hui, seize ans après, nous sommes là et nous exigeons de connaître la vérité » a ainsi déclaré Jawad Boulos. Samir Frangié, un journaliste écouté et un intellectuel largement respecté a, quant à lui, commenté les velléités syriennes d’effectuer un nouveau redéploiement : « notre frontière ne s’arrête pas à Mdeirej (extrémité occidentale de la Békaa NdA), mais à Masnaa (frontière internationale sur la route Beyrouth-Damas NdA). Nous tenons à la Békaa comme nous tenons à Beyrouth et à la montagne ».

Dans le même temps, le pouvoir et la Syrie, visiblement aux aguets, multiplient les tentatives en vue de dresser les Libanais les uns contre les autres, essayant de raviver les tensions confessionnelles à l’aide de provocations triviales. Dans un même effort, les responsables de Damas et ses agents diffusent la menace d’une reprise de la guerre civile en cas de retrait de leurs troupes de notre territoire. Ces remarques ont eu pour effet de provoquer la colère de David Satterfield, le sous-secrétaire d’Etat américain pour le Proche-Orient. Satterfield, présent dans notre capitale, a ainsi exprimé sa pensée : « Les menaces de violence, d’instabilité ou d’insurrection qui pourraient se produire si le Liban obtenait sa souveraineté et son indépendance sont inacceptables et elles constituent une insulte à la conscience du monde ». L’envoyé de Washington a également insisté sur la nécessité de l’application immédiate et « totale » de la 1559 et a précisé que cette résolution impliquait le départ « total » des services de renseignement syriens. Monsieur Satterfield est revenu avec force sur l’obligation libanaise de désarmer tous les groupes armés présents sur notre territoire et, particulièrement, le Hezbollah, que les USA considèrent comme une organisation terroriste, et qui serait activement impliqué dans des actions terroristes contre Israël. Le sous-secrétaire d’Etat a indiqué que les Etats-Unis, Israël, mais aussi l’Autorité Palestinienne exigeaient que ces ingérences cessent immédiatement.

David Satterfield a encore affirmé « avoir pleine confiance dans le peuple libanais et ses institutions, y compris son armée ». Cette remarque pourrait valoir son pesant d’or, au moment où nous avons nous-mêmes constaté, sur le terrain, que la troupe fraternisait avec les manifestants et qu’elle n’empêchait pas son afflux vers le centre de Beyrouth. Il m’est apparu que plusieurs officiers prenaient sur eux de désobéir au gouvernement fantoche et à ses tuteurs étrangers ; c’est signe que les Américains pourraient savoir de quoi ils parlent et que nous pourrions disposer d’une vraie force armée sitôt après la libération du Liban. Une armée qu’on n’enverrait pas affronter les patriotes libanais mais qui pourrait, par exemple et au contraire, assurer le respect de l’état de droit jusqu’aux confins de la république... 



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