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Raison et opportunité
Par David Ruzié, professeur émérite des universités, spécialiste de droit international
Article mis en ligne le 29 septembre 2010

Au cours de son récent entretien avec Mahmoud Abbas, le président du CRIF, Richard Prasquier, a eu raison de faire remarquer que « les constructions…. dans le passé n’avaient……pas créé de point de focalisation, et…..l’arrêt n’avait pas été une pré-condition aux négociations ».

Mais, il n’en demeure pas moins que lorsque des négociations sont ouvertes au sujet, notamment, des frontières et de Jérusalem, il n’est peut-être pas opportun de prendre certaines initiatives, susceptibles de rendre plus difficiles la mise en œuvre des solutions, qui seront adoptées, à l’issue de ces négociations.

Compte tenu de l’ampleur des constructions envisagées, il est difficile de les justifier par le seul « développement démographique naturel », encore que si ces constructions étaient envisagées, en hauteur, sans accroissement de la superficie au sol, elles susciteraient peut-être moins de controverses.

En tout état de cause, quand on sait que plus de 5 ans après leur évacuation de la bande Gaza, les 8 000 Israéliens concernés n’ont pas tous été réinstallés, on imagine le problème que posera très certainement le sort des Israéliens « installés » au delà des limites de la Ligne verte (y compris à Jérusalem).

Il faut savoir, en effet, qu’à l’heure actuelle près d’un dixième de la population juive d’Israël se trouve dans cette situation (300 000 en Cisjordanie et 200 000 à Jérusalem-Est).

Il est évident que les Palestiniens se leurrent s’ils s’imaginent que tous ces Israéliens ont vocation à revenir en deçà de la Ligne verte ; mais on ne peut raisonnablement pas davantage imaginer que les autorités israéliennes officielles s’attendent à ce que le futur accord de paix consacre le maintien du statu quo.

Indépendamment du problème de l’établissement de la capitale du futur Etat palestinien, il faut prendre en considération les impératifs d’une délimitation rationnelle des frontières de ce nouvel Etat, qui devra être d’un seul tenant (en tenant déjà compte de sa division en deux, avec la bande de Gaza à l’Ouest et la Cisjordanie à l’est).

Il ne peut être question de multiplier des enclaves israéliennes ou d’envisager un découpage du futur Etat palestinien, qui rappellerait, de fâcheuse mémoire, les Bantoustans sud-africains, à l’époque de l’apartheid.

Certes, il y a bien une minorité d’Israéliens irresponsables, qui considèrent, au nom de l’histoire (encore que la notion de « frontières » était inconnue à l’époque et que les limites des Royaumes juifs aient varié de l’extrême à l’infiniment petit….) que toute portion de terre située entre la Méditerranée et le Jourdain est « Terre d’Israël ».

Mais au même titre qu’on ne peut accepter que le droit international prenne en compte la charia, de même il n’y a aucune raison que des considérations historiques ancestrales puissent constituer un titre juridique.

Nolens volens, les frontières d’Israël à l’est restent à définir et une réaction de légitime défense ne peut étayer qu’une situation transitoire.

Certes, il semble que le Premier ministre israélien ait invité à une reprise discrète des constructions, mais il n’en demeure pas moins que toute nouvelle construction rend plus difficile le règlement final.

Il ne suffit pas d’affirmer comme l’a fait, il y a quelques mois, Benyamin Netanyahou que « Jérusalem n’est pas une implantation, c’est notre capitale », encore faut-il préciser ce qu’englobent les limites de la ville.

S’il s’agit de l’ancienne Jérusalem-Ouest, c’est à dire de la ville moderne qu’Israël a annexée dès 1948, au lendemain de la guerre d’indépendance, qui l’a conduit à venir au secours de la population juive assiégée de Jérusalem, il n’y a pas de problème, encore que la société internationale ne reconnaisse pas cette annexion. D’ailleurs, aucune ambassade étrangère n’est installée dans la ville.

Mais, s’agissant de construire à Jérusalem-Est, c’est à dire au-delà de la « Ligne verte » (ligne de cessez-le-feu de 1949, franchie par les troupes israéliennes au cours de la Guerre de Six jours), la question pose problème.

La controverse à propos du projet de construction à Ramat Shlomo, qui fit grand bruit, au printemps dernier, est, tout à fait, révélatrice de l’ambiguïté, qui plane sur cette question.

Même parmi les partisans de ce projet, il n’y a pas accord : pour les uns, il s’agit bien d’un quartier de Jérusalem et pour les autres, il s’agit d’une « implantation », située, non à Jérusalem-Est, mais au nord de Jérusalem, donc en Cisjordanie.

De fait, « la politique d’Israël concernant Jérusalem, qui est celle qui est a été menée par tous les gouvernements israéliens depuis 42 ans », évoquée, à l’époque, dans un communiqué du Bureau du Premier ministre, a conduit à un tel développement des « implantations » juives au delà de la « Ligne verte » qu’on ne sait plus où s’arrêteront les limites de la ville.

Car, à partir de constructions, dans des dimensions raisonnables, aux limites traditionnelles de la ville, sont venues, progressivement, s’ajouter de nouvelles constructions, à la périphérie de Jérusalem, de telle sorte que ces nouveaux quartiers apparaissent comme autant d’avancées en Cisjordanie.

Et il n’est pas certain qu’il soit exact d’affirmer, comme l’a également dit, à la même époque, le Premier ministre israélien que « construire à Jérusalem, c’est comme construire à Tel-Aviv », car Tel-Aviv est en plein territoire israélien, alors qu’il faut bien admettre, à moins de contester la nécessité d’accepter la création d’un Etat palestinien, que Jérusalem est aux confins du futur Etat palestinien.

A l’heure actuelle, la ville compte 700 000 habitants (soit le 10ème de la population d’Israël) et plus de 200 000 Israéliens habitent, effectivement, déjà, dans ce qui fut, autrefois, Jérusalem-Est.

D’environ 40km2, en 1967, la superficie de Jérusalem-Est et ses abords est pratiquement passée à 110km2.

Or, il faut savoir – et le projet de construction à Ramat Shlomo s’inscrit dans cette perspective - que le gouvernement israélien actuel, même si, formellement, du moins, il a accepté l’idée d’un Etat palestinien, s’efforce d’entourer Jérusalem de constructions juives, afin de rendre pratiquement impossible un rattachement d’une partie de Jérusalem au futur Etat palestinien.

Ainsi, apparaît l’interférence entre deux points essentiels de la négociation : les frontières et le statut de Jérusalem, car les limites de celles-ci rejoignent le tracé de celles-là.

Sans doute, comme nous l’avons écrit, ici même, à différentes reprises, il n’est pas sûr que le camp palestinien soit fondamentalement acquis à la légitimité de l’Etat d’Israël. Mais, du moins, au regard de la société internationale, y compris de l’opinion publique, dont Israël ne peut pas faire fi, même en dépit de son manque d’impartialité, la raison et l’opportunité devraient dicter une modération dans les paroles et les actes officiels pour permettre à Israël de « remonter le courant ».



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