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France Syrie : la grande illusion
Hélène Keller-Lind
Article mis en ligne le 8 août 2010

Un rapport d’information sur la place de la Syrie dans la communauté internationale aux aspects assez étonnants, voire affligeants, a été suivi d’effet avec la nomination de Jean-Claude Cousseran comme émissaire chargé de relancer le volet israélo-syrien du processus de paix Nomination qui coïncide par hasard avec la sortie du rapport du Département d’État américain sur le terrorisme pour 2009 qui montre à quel point cette nomination française est illusoire.

Le rapport d’information sur la place de la Syrie dans la communauté internationale de la Commission des Affaires étrangères de l’Assemblée Nationale sorti le16 juin dernier était présenté au CAPE à Paris le 22 juin par Elisabeth Guigou, ancien ministre de la Justice, députée socialiste de la Seine Saint Denis et présidente de la mission d’information.

La poursuite d’une ouverture vers la Syrie préconisée



De toute évidence l’ancien ministre était acquis à l’idée que la Syrie était un pays relativement fréquentable et avait donc sa place dans le concert des nations. Elle invoquait d’ailleurs « la présomption d’innocence » chère à son cœur en évoquant les aspects les plus sombres du régime de Damas, pourtant décrits en détail dans le rapport...Présomption d’innocence oubliée lorsqu’elle parla d’Israël et de son gouvernement actuel, dont, à l’en croire il n’y a pas grand chose à attendre.

La France a un rôle important à jouer, estiment les rapporteurs, compte tenu de « l’ostracisme américain » auquel la Syrie est soumise. « La Syrie a effectivement une mauvaise image à Washington, à cause notamment de son rôle en Irak – NDLR on verra plus bas que les choses sont un peu plus complexes et solidement étayées...- , et il est évident que, même s’il le souhaitait, le Président Obama aurait bien du mal à obtenir du Congrès la levée des sanctions économiques ou le retrait de la Syrie de la liste des États soutenant le terrorisme, qui constitue l’objectif ultime des autorités syriennes. Le président de l’Assemblée du peuple a reconnu cette difficulté, qu’il attribue à la puissance du lobby juif américain. » Ceci est rapporté tel quel, sans le moindre bémol ni point sur la réalité de ce soutien au terrorisme. Ahurissant....L’ancien Président G.W. Bush est bien entendu vilipendé et rendu responsable de la dégradation des relations entre les deux pays.

A ce propos, l’une des choses étranges dans ce rapport est que si le soutien au terrorisme, notamment au Hezbollah et au Hamas, est mentionné, cela est toujours par rapport avec les États-Unis, le Liban, voire l’Égypte. Mais ce soutien n’est jamais dénoncé par les rapporteurs....

On lit par ailleurs que Jean-Claude Cousseran – qui vient d’être nommé émissaire chargé de relancer le volet israélo-syrien du processus de paix - a développé devant la Mission le raisonnement qui avait conduit la France à faire ce choix de l’ouverture  : « Aujourd’hui, dans un contexte difficile, la Syrie semble sur la défensive, elle sait qu’elle ne peut affronter à la fois Israël, les États-Unis, la France et les Arabes modérés. Elle pourrait, si elle y trouve les moyens de préserver le régime, opter pour une attitude plus constructive. Si la Syrie a pu être dans le passé un acteur de la décomposition régionale – NDLR pourquoi cette formulation quand on sait qu’elle a été et reste - , il faut peut-être la voir aujourd’hui comme un possible acteur d’un début de recomposition. Elle peut aider à une meilleure appréhension du difficile problème irakien, elle peut contribuer à une stabilisation au Liban. C’est en tout cas le pari que fait la diplomatie française en normalisant ses relations avec Damas et en invitant le président syrien à participer aux cérémonies du 14 juillet à Paris et au lancement de l’Union pour la Méditerranée. »

Pour Israël l faudrait garder les pistes de ski dixit le rapport


Ce rapport contient d’ailleurs une analyse proprement stupéfiante concernant le manque d’enthousiasme israélien lorsqu’un retrait israélien du Golan est envisagé. Dans la rubrique « Un retrait du Golan envisageable côté israélien ? » on trouve cette remarque : « A l’heure actuelle 75 à 80 % des Israéliens sont contre un retrait du Golan car ils perçoivent cette région comme une zone skiable, un immense parc naturel, sécurisé, où l’on ne tire jamais un coup de feu, etc… » remarque reprise par Elisabeth Guigou lors de sa conférence de presse et mettant l’accent sur l’idée de « domaine skiable... » Un des membres de cette auguste Commission ou l’un des experts entendus a dû prendre pour argent comptant une boutade lancée par un Israélien...

Lors d’un débat sur le rapport à l’Assemblée nationale, Hervé de Charrette estimait d’ailleurs que « il ne faut pas faire dépendre la relation avec la Syrie des problèmes libanais ou de la question du Golan. » Ce même ancien ministre qui vilipendait récemment Israël dans le même cénacle


Et concernant les blocages de l’Union pour la Méditerranée, blocage surtout syrien, il est expliqué ainsi « Le président de la commission des affaires étrangères de l’Assemblée du peuple a estimé que l’UpM ne pourrait pas continuer si les Européens persistaient à avoir une position aussi favorable à Israël qu’à propos du rapport Goldstone. Il a rappelé que, même si l’un des secrétaires généraux adjoints était israélien, il ne pourrait se rendre ni en Syrie ni au Liban et ne pourrait donc pas remplir son rôle. » On se souvient que Nicolas Sarkozy, dont on voit comment il est désinformé, avait fait porter la responsabilité de ce blocage à la « colonisation israélienne »


Les rapporteurs à Damas : la grande illusion



En ce qui concerne la situation actuelle en Syrie il ressort du rapport et des explications d’Elisabeth Guigou que les Français qui ont fait le voyage de Damas ont pêché par naïveté...Nous avons rencontré des membres de l’opposition, déclarait l’ancien ministre en tentant de se dédouaner. Comme si les personnes rencontrées en Syrie pouvaient appartenir à une véritable opposition à la dictature syrienne....Certes des opposants ont été rencontrés à Paris aussi, mais était-ce suffisant pour se faire une idée précise suffisamment solide pour engager la politique extérieure de la France...surtout au vu du rapport du Département d’État sur le terrorisme en 2009...

Le rapport français fait état du « pouvoir de nuisance de la Syrie... » Mais Elisabeth Guigou se félicite pourtant de l’ouverture envers la Syrie voulue par Nicolas Sarkozy en 2007. Satisfecit que l’on retrouve dans le rapport. D’ailleurs on y défend les positions syriennes : « Ceux qui critiquent la politique de la main tendue en direction de la Syrie estiment qu’elle est unilatérale : les pays occidentaux, les Etats arabes modérés acceptent de rétablir des relations denses avec Damas, donc mettent un terme à son isolement diplomatique, mais la Syrie ne donnerait rien en contrepartie. On peut leur objecter le rôle constructif qu’elle a joué pour assurer le retour au calme au Liban en mai 2008, puis à l’occasion des élections législatives et de la constitution d’un gouvernement d’union nationale, en 2009. Les négociations avec Israël sur le Golan par l’intermédiaire de la Turquie, bien qu’interrompues en décembre 2008, sont aussi à porter au crédit de Damas, tout comme l’amélioration relative du contrôle de la frontière syro-irakienne. »

Un journaliste présent lors de la conférence de presse de présentation démontait d’ailleurs les affirmations relativement optimistes d’Elisabeth Guigou, notamment concernant le Liban où, selon lui, la Syrie continue à jouer le même jeu, même si cela est fait d’une manière différente ... Force est de reconnaître pour les rédacteurs du rapport que reste le problème aigu « des Libanais détenus ou disparus en Syrie » et dont on ne sait toujours rien. Par ailleurs « au cours de l’entretien qu’il a accordé à la Mission, M. Saad Hariri a estimé que la stabilisation des relations bilatérales progressait lentement et que, à l’occasion de sa visite à Damas, il avait abordé tous les sujets avec le Président el-Assad. Parmi les dossiers à traiter, il a mentionné la délimitation des frontières, mais aussi la question des armes des Palestiniens hors des camps de réfugiés et la révision des accords bilatéraux. Dans ces deux dernières matières, il s’agit aussi de mettre un terme à l’héritage de la période d’immixtion directe de la Syrie dans les affaires libanaises. » Or, cette question dont on entend très peu parler ici perdure...Pourtant on lit dans ce rapport « il est évident que, quelles que soient les motivations de la Syrie, cette dernière a laissé les élections législatives libanaises se dérouler dans des conditions normales, ce qui ne peut qu’être salué. » Or les motivations possibles, détaillées justement par l’ambassadeur qui vient d’être nommé comme émissaire français auprès de la Syrie démontrent justement qu’il n’en est rien ! « Le résultat des récentes législatives libanaises a été une surprise. Contre la plupart des pronostics, les amis de la Syrie et de l’Iran ont subi une défaite. Certains y ont vu la main de l’Arabie saoudite, qui aurait indirectement subventionné le retour au pays de nombre d’électeurs sunnites venus voter au Liban. Certains observateurs ont exprimé le sentiment que les élections aient pu avoir été « concertées ». Il n’est pas impossible que la Syrie et l’Iran aient pu se persuader qu’une victoire de leurs alliés libanais aurait été plus embarrassante qu’utile dans un contexte marqué par la puissance des États-Unis, par les menaces israéliennes sur l’Iran, par l’hypothèse d’une grave crise régionale. » On note au passage l’expression « les menaces israéliennes sur l’Iran, » dite sans que soit apporté le moindre commentaire, qui donne une idée de l’état d’esprit de Jean-Claude Cousseran concernant l’État hébreu...


Les réalités syriennes dans le rapport sur le terrorisme du département d’État américain



« L’Iran et la Syrie soutiennent tous deux le terrorisme et ont continué à jouer un rôle déstabilisant dans la région » lit-on dans le rapport sur le terrorisme en 2009 du Département d’État américain Puis : « la frontière du Liban avec la Syrie est restée un problème compte tenu de la contrebande d’armes. » « Il y a eu des tirs sporadiques de roquettes à partir du sud Liban vers Israël au cours de l’année – le rapport concerne l’année 2009 et ne parle donc pas des tirs de l’armée libanaise qui ont tué un officier israélien et blessé grièvement un autre provoquant une réplique israélienne - ....le Hezbollah a continuer à acquérir des armes entrées en contrebande notamment depuis l’Iran et la Syrie, en violation de la résolution 1701 de l’ONU. »


Dans le chapitre consacré aux États qui soutiennent le terrorisme et abritent des organisations terroristes un chapitre est consacré à la Syrie
« qui a continué à soutenir sur le plan politique ou autre un nombre de groupes terroristes palestiniens, comme le Hamas, le Jihad islamique, le Front Populaire pour la Libération de la Palestine.....le leadership de plusieurs de ces groupes a ses quartiers généraux à Damas, comme Khaled Meshaal du HAMAS, Ramadan Shallah du JI et Ahmed Jibril du PFLP-GC. Le gouvernement syrien a donné des escortes de sécurité à Khaled Meshaal...et lui permet de se déplacer librement à Damas, de participer à de nombreux événements publics comme des célébrations nationales pour des pays arabes.. de plus, le gouvernement syrien n’a rien fait pour restreindre les opérations, les voyages ou déplacements des dirigeants ou des membres de ces groupes. La Syrie permet aux groupes terroristes qui résident sur son territoire de recevoir des marchandises, y compris des armes, ou en envoyer,. »


L’aide au Hezbollah est détaillée ensuite, notamment avec les armes iraniennes qui passent par la Syrie. Et les bonnes relations entre Syrie et Iran, tous deux pays qui soutiennent le terrorisme sont évoquées. Seul point positif : la Syrie semble essayer d’endiguer le nombre de combattants qui passent sur son territoire pour se battre en Irak.

Et, donnée capitale, qui a dû échapper à la mission parlementaire française : « le secteur financier syrien reste susceptible d’être financé par le terrorisme. On estime à 70 % les transactions d’affaires réalisées en argent liquide et 80 % des Syriens n’utilisent pas le système bancaire formel. En dépit d’une législation qui voulait que les changeurs aient été enregistrés avant la fin de 2007, nombreux sont eux qui continuent à opérer illégalement dans le vaste marché noir syrien. On estime qu’il est aussi important que l’économie officielle syrienne. Des réseaux « hawala » restent mêlés à la contrebande et au commerce lié au blanchiment d’argent, ce qui est facilité par des fonctionnaires des douanes ou de l’immigration corrompus. Ce qui donne lieu à des inquiétudes de poids : le gouvernement syrien et les élites du monde des affaires pourraient être complices dans des systèmes de financement du terrorisme. »


Évidemment, ce n’est pas en déjeunant avec « l’épouse du président de la République, Mme Asma el-Assad, avec laquelle la Présidente de la Mission a eu l’honneur de s’entretenir, » - Elisabeth Guigou a clairement été séduite...- ou en évoquant avec elle la coopération culturelle, notamment avec le Musée du Louvre, que l’on peut percevoir cet état de choses pourtant capital...



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