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Nucléaire iranien : le succès de Téhéran à Genève inquiète les pays arabes - L’Occident divisé, ridiculisé et berné une énième fois
par Khaled Asmar « MediArabe.info »
Article mis en ligne le 3 octobre 2009

Les négociateurs iraniens, connus pour leur ténacité et leur sens de la manœuvre, viennent de marquer un nouveau point contre un Occident désuni et démuni d’une vision stratégique sur le long terme. A Genève, Téhéran a réussi à diviser ses interlocuteurs et à les berner. Car, au lieu d’évoquer le fond du problème nucléaire et de sa finalité inquiétante, ils se sont contentés de quelques promesses de « transparence hypothétique », et de l’enrichissement dans un pays tiers.

En proposant d’enrichir une partie de l’uranium dans un pays tiers, le négociateur iranien, Saïd Jalili, a marqué plusieurs points dans le camp des « 5+1 » (les cinq membres permanents du Conseil de sécurité, plus l’Allemagne) :

D’abord, à Genève, l’Iran a rétabli un minimum de dialogue direct avec les Etats-Unis, après une interruption de trois décennies, profitant de la main tendue de Barack Obama. Au même moment, le ministre iranien des Affaires étrangères, Manoushehr Mottaki, était autorisé à se rendre à Washington où il a visité l’ambassade du Pakistan (qui représente les intérêts iraniens aux Etats-Unis), et y a tenu une conférence de presse, geste qualifié d’arrogant, relevant d’une volonté manifeste de narguer l’Occident chez lui.

Ensuite, en proposant d’enrichir une partie de ses besoins d’uranium dans un pays tiers (et non pas la totalité), l’Iran a mis ses interlocuteurs en concurrence et accentué leurs divisions. Tous les pays présents à la table des négociations de Genève rêvent en effet de remporter ce marché. La Russie s’est félicitée de cette proposition et fait part de sa disponibilité à fournir du combustible à Téhéran, au moment où le ministre français des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, a caressé cette même idée depuis Moscou. Les Etats-Unis, l’Allemagne et la Chine convoitent aussi ce marché. Cependant, l’Iran avait rejeté cette même solution, proposée depuis plusieurs mois par l’Arabie saoudite et le Koweït, soucieux autant des retombées d’un conflit armé avec Téhéran que de l’aboutissement de son programme nucléaire.

Téhéran a accepté le principe d’une inspection, par l’AIEA, de son usine d’enrichissement de Qum, dont l’existence n’a été révélée que la semaine dernière. Les pays arabes craignent que l’ouverture de cette centrale ne soit un leurre destiné à focaliser l’attention sur un seul site, pendant que les centrifugeuses tournent à plein régime dans d’autres complexes secrets. Ce qui légitime aussi les interrogations sur la disponibilité de l’Iran à enrichir juste une partie de ses besoins, et non pas tous ses besoins. Le reste étant fait sur place, dans la clandestinité.

Parallèlement aux efforts nucléaires de l’Iran, son allié stratégique, la Syrie, multiplie les ouvertures dans une manœuvre qui complète celle de Téhéran. Après la visite de Bachar Al-Assad en Arabie saoudite, la semaine dernière (à l’inauguration de l’Université du Roi Abdallah à Jeddah), son ministre des Affaires étrangères, Walid Al-Moallem, était reçu à Paris cette semaine, et son adjoint Fayçal Al-Mokdad s’est rendu à Washington. Cette ouverture permet à Damas de neutraliser l’hostilité américaine à son égard, et de renforcer le dialogue avec Paris tout en continuant son travail de sape au Liban par l’intermédiaire de ses alliés. Dans un jeu de rôle orchestré, la Syrie cherche à constituer une « soupape de sécurité ». En tendant la main aux « arabes modérés » et à l’Occident, elle cherche à désamorcer leur hostilité à l’égard de l’Iran et à retarder toute solution musclée. Elle se présente également comme un facteur de stabilisation régionale et met à pied d’égalité le nucléaire iranien et israélien. Ce faisant, l’axe syro-iranien conditionne toute concession en matière d’armes non-conventionnelles au démantèlement de l’arsenal nucléaire israélien, et renvoie la solution aux calendres grecques.

C’est en tout cas l’avis de Mohammed Abdel Salam, directeur du programme de la sécurité régionale à l’institut d’études géostratégiques d’Al-Ahram, au Caire. Il soupçonne l’Iran de « manœuvrer pour gagner du temps et mener les Occidentaux sur de fausses pistes nucléaires ». En renouant un semblant de dialogue et en ouvrant une partie de son parc nucléaire - toutes ses installations n’étant pas connues - l’Iran espère bénéficier du temps nécessaire pour parvenir à sa bombe. Car, selon les Iraniens, l’Occident ne peut pas mener des frappes militaires avant la rupture définitive du dialogue, et avant d’avoir épuisé toutes les solutions politiques, diplomatiques et pacifiques. Pendant ce temps, l’industrie de l’armement iranienne continue à fabriquer des missiles balistiques de longue portée, capables de transporter des ogives non-conventionnelles.

Vue sous cet angle, la réunion de Genève a permis à l’Iran de remporter une victoire sans bavure qui lui permet, au mieux, de tergiverser pour échapper aux sanctions et poursuivre son programme nucléaire, au pire, de confirmer son statut de Puissance conventionnelle. Dans les deux cas, les pays arabes, Egypte et Arabie saoudite en tête, s’inquiètent de cette évolution. D’autant plus que l’hégémonie iranienne menace l’ordre régional, tant en Irak qu’au Liban, ou au Yémen et dans le Golfe. Mais l’Iran n’aurait pu en arriver là si les Occidentaux étaient plus unis, s’ils avaient une vision stratégique claire et s’ils étaient moins ridicules.



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