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La justice française, Israël et le droit international
Par David Ruzié, professeur émérite des universités, spécialiste de droit international
Article mis en ligne le 6 juin 2009

Dans Le Monde, daté du 5 juin, Benjamin Barthe semble se réjouir des obstacles rencontrés par « Veolia, futur exploitant du controversé tramway de Jérusalem, (qui) paie son implication ». Et de relever que « menée par des mouvements propalestiniens, la campagne de boycottage de la multinationale prend de l’ampleur ».

Toutefois, ce n’est pas cet aspect de l’article que nous voudrions relever, laissant le soin au service de communication de cette société de réagir, mais nous arrêter à une « décision de justice, potentiellement lourde de conséquences », dont rend également compte le correspondant du journal à Jérusalem.

A la lecture de cette correspondance, nous apprenons, en effet, que le 15 avril dernier, le tribunal de grande instance de Nanterre s’est déclaré compétent sur la procédure engagée par l’Association France-Palestine Solidarité (AFPS), qui demande l’annulation du contrat « hors la loi » (la formule serait de l’AFPS) par lequel Veolia et Alstom, les deux entreprises « impliquées » (l’expression est de Benjamin Barthe et en dit long sur sa façon de voir les choses – objectivement, il eut été plus « correct » de dire qu’elles étaient « chargées » ou « concernées ») dans le projet « controversé » du tramway de Jérusalem.

Nous avons déjà évoqué ce projet à trois reprises, ici-même

et nous ne reviendrons donc pas sur l’argumentation développée par les opposants à ce projet et sur notre réfutation de cette argumentation.

Et nous nous contenterons, aujourd’hui, de réagir à l’argument avancé par l’AFPS, que semble avoir retenu le tribunal de Nanterre.

Notons, au passage que si l’erreur est humaine, le tribunal de Nanterre s’est, pourtant, déjà fait remarquer, dans le passé, par une prise de position pour le moins surprenante, pour ne pas dire choquante.

Ainsi, en 2004, les juges de Nanterre n’avaient rien trouvé à redire à un article particulièrement injurieux à l’égard des Juifs publié dans ce même journal par Edgar Morin, Sami Naïr et Danièle Sallenave et avaient débouté l’UEJF, Avocats sans frontières et France-Israël.

Cette fois, les juges de Nanterre ont été séduits par l’argumentation de l’AFPS, qui s’est fondée sur la IVème convention de Genève (1949), qui considèrerait comme illégale toute colonie de peuplement en territoire occupé.

Pour l’AFPS, l’illégalité du projet de construction résiderait dans le fait qu’il « vise à relier au centre de Jérusalem des colonies juives implantées dans des quartiers palestiniens occupés par Israël ».

Indépendamment du fait qu’on semble oublier que depuis la moitié du XIXème siècle la population de Jérusalem a toujours été majoritairement juive, on cherchera vainement dans ladite convention, relative à « la protection des personnes civiles en temps de guerre » l’interdiction faite à la puissance « occupante » de laisser s’installer ses ressortissants dans des territoires « occupés ».

(Au passage, nous nous permettrons, toutefois, de nous interroger sur l’utilité d’un développement massif des constructions à Jérusalem, à l’heure actuelle, dans la perspective d’un règlement de paix).

L’article 49, par exemple, interdit, certes, « les transferts forcés, en masse ou individuels, ainsi que les déportations de personnes protégées hors du territoire occupé dans le territoire de la Puissance occupante ou dans celui de tout autre Etat…. ».

Or, il n’a jamais été soutenu que l’installation de citoyens israéliens à Jérusalem se faisait grâce à des « transferts » ou des « déportations de population arabe ».

Et nous avons déjà évoqué le fait que le projet de construction d’un tramway n’est contraire ni à la lettre, ni à l’esprit de la convention de 1947.

Vainement, également, fera-t-on valoir que ce projet obère le règlement du statut futur de Jérusalem.

D’ailleurs, le journaliste du Monde est amené à rapporter que Veolia déplore que « l’Autorité palestinienne n’ait formulé son opposition au chantier qu’en 2006, quatre ans après l’attribution du march頻….

A croire qu’il y en a qui sont « plus palestiniens que les Palestiniens »â€¦..

Nous voudrions, également, relever, un argument qui aurait été évoqué par le tribunal, dans son jugement, argument, selon lequel Israël, en tant qu’Etat étranger, ne bénéficierait pas d’une immunité de juridiction, « puisqu’il est en réalité puissance occupante de la partie de la Cisjordanie où sera exploité le tramway litigieux ».

Indépendamment du fait qu’on ne voit pas comment Israël serait concerné par la procédure engagée par l’AFPS, cet argument nous paraît totalement dénué de fondement.

En effet, un Etat bénéficie d’une immunité de juridiction, quel que soit le lieu de commission de l’acte concerné, qui lui est imputable, qu’il agisse sur son territoire ou à l’extérieur de celui-ci.

Certes, cette immunité est limitée aux actes de puissance publique et ne couvre pas les actes de pure gestion.

Mais, il est loin d’être acquis que la procédure d’appel relatif au développement du service des transports publics à Jérusalem puisse être considérée comme donnant matière à des actes de pure gestion.

Au contraire, l’exécution d’un service public constitue le domaine-type des actes de puissance publique.

Nous terminerons en nous interrogeant sur la recevabilité de la requête de l’AFPS, car, a priori, on ne voit pas l’intérêt à agir de cette association contre un contrat passé par une société avec un Etat étranger.

Par ailleurs, on ne voit pas comment le seul fait que Veolia ait son siège social en France suffise à établir la compétence d’un tribunal français à l’égard d’un contrat dont le lieu d’exécution se situe à l’étranger.

Veolia et Alstom ayant décidé de faire appel, on peut espérer que, comme dans l’affaire de la tribune publiée dans Le Monde , il y a quelques années, évoquée plus haut, la cour d’appel de Versailles saura faire une plus juste application du droit.

Rappelons, enfin, que le droit français condamne, par ailleurs, toute tentative d’entraver l’exercice normal d’une activité économique, sur la base d’une discrimination, qui serait fondée sur le fait d’exercer une activité en liaison avec Israël, autrement dit est répréhensible le boycott d’une société du seul fait qu’elle aurait des liens économiques avec cet Etat..



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