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Le défi de l’après-Gaza,
par Frédéric Encel | Le Monde
Article mis en ligne le 21 janvier 2009

La bataille de Gaza s’achève, et il convient d’en dégager pour Israël quelques leçons et perspectives. D’abord, le gouvernement Olmert se sera mieux préparé et aura énoncé des buts de guerre moins irréalistes qu’en 2006 contre le Hezbollah ; cette fois, nul matamore promettant « l’anéantissement » de l’ennemi, mais un premier ministre se contentant de vouloir « casser les capacités offensives du Hamas » et empêcher son approvisionnement via l’Egypte.

De ce point de vue, et même si le groupe islamiste Hamas conserve le contrôle de Gaza et plusieurs centaines de roquettes et de missiles, l’offensive israélienne - peu coûteuse en hommes pour Tsahal mais destructrice pour l’ennemi combattant - peut être objectivement qualifiée de victorieuse.

Au-delà de la dimension militaire, le succès d’Israël réside surtout dans la démonstration de la solitude diplomatique du Hamas. Dès les premiers jours du conflit, les deux poids lourds du monde arabe, l’Egypte voisine et l’Arabie saoudite, critiquaient le groupe islamiste factieux. Comme la plupart des régimes arabes, Le Caire et Riyad sont en effet directement menacés par une opposition interne bâtie autour de la confrérie fanatique des Frères musulmans, dont le Hamas est précisément la branche palestinienne.

En outre, les Etats arabes sunnites y ont vu la main de la République islamique d’Iran et son pan-chiisme agressif. Solitude aussi en Occident, y compris à la tête de l’Union européenne, où l’on a laissé toute latitude à Jérusalem. Même la résolution onusienne 1860 du Conseil de sécurité pour un cessez-le feu fut votée, le 8 janvier, en des termes peu contraignants et renvoyant dos à dos les protagonistes, sur fond d’indifférence russe et chinoise.

Et pour cause. Le mouvement islamiste radical, rebelle à l’Autorité palestinienne depuis son putsch de juin 2007 à Gaza, est hors la loi internationale et admis comme terroriste par le Quartet (ONU, UE, Russie, Etats-Unis) pour avoir toujours rejeté les trois demandes suivantes : respecter les traités internationaux signés par l’OLP (dont les accords d’Oslo), abandonner l’usage de la violence et reconnaître Israël.

En outre, fidèle à sa politique du pire, il propulsait, en décembre 2008, plusieurs centaines de missiles en guise de non-prorogation de la trêve, et cela à quelques semaines du scrutin israélien de février. Mauvais remake de la vague d’attentats de février-mars 1996, dont la conséquence politique avait été la défaite du travailliste Shimon Pérès face au nationaliste Benyamin Nétanyahou, aux législatives du 29 mai. Et comment ne pas rappeler qu’en avril 1994 déjà, au meilleur du processus de pourparlers entre les équipes Rabin et Arafat, les premiers « kamikazes » du Hamas frappaient les civils - juifs et arabes - des villes de Galilée ?...

LE PIRE SCÉNARIO

Cela n’exonère pas pour autant Israël d’un devoir de pragmatisme : un succès militaire ne prend toute sa valeur qu’à une table de négociations, dans une perspective politique. Il ne s’agit pas d’y convier le Hamas, mais d’y accélérer les pourparlers avec l’Autorité palestinienne. A ce jour, l’aide internationale massive et la gestion rationnelle des territoires cisjordaniens par le gouvernement du courageux président Mahmoud Abbas ont permis d’éviter le naufrage, y compris au plus fort de la bataille de Gaza.

Mais cela pourrait ne pas durer et le pire scénario - pour Israël, la communauté internationale et, bien entendu, les Palestiniens - serait la chute de l’Autorité légale et légitime au profit d’une férule extrémiste. A contrario, progresser rapidement et résolument sur le chemin d’un accord de paix concrétiserait le succès militaire et diplomatique actuel.

Ces dernières années, l’absence de vision stratégique d’un leadership israélien médiocre n’a pas permis d’aboutir à des avancées notoires. Or, sans l’obtention de fruits substantiels, palpables par les Palestiniens de Cisjordanie, comment le chef de l’exécutif israélien pourrait-il confondre le jusqu’au-boutisme inconséquent du Hamas ? Sans résultats concrets en matière de souveraineté, comment convaincre les Palestiniens qu’en préférant la négociation à la guerre on obtient plus et mieux ? Question d’autant plus cruciale que les maîtres de Gaza menacent bien davantage l’Autorité palestinienne que l’Etat hébreu.

Violemment homophobes et misogynes, pourfendeurs délirants des « juifs, à l’origine de la Révolution française et des deux guerres mondiales », des « croisés », des « espions du Rotary Club, du Lion’s Club et de la franc-maçonnerie » (cf. la Charte de 1988), les cadres du Hamas sont des fanatiques mais non des imbéciles, qui savent parfaitement ne pas pouvoir détruire « l’ennemi sioniste ».

La guerre faite à Israël n’est qu’un moyen stratégique au service d’un unique objectif : la prise de pouvoir sur l’ensemble des populations et des territoires palestiniens. Certes, le gouvernement Olmert ne pouvait demeurer passif en arguant de ces subtilités aux habitants de Sderot, d’Ashdod ou de Beersheva quotidiennement visés par les missiles du Hamas. Reste qu’une hauteur de vue s’impose désormais et, avec elle, la nécessité de conforter politiquement l’Autorité palestinienne, partenaire unique et crédible du processus d’Annapolis. Après le scrutin du 10 février, il reviendra à Israël, authentique démocratie en guerre, de relever ce défi pour la paix.


Frédéric Encel, directeur de recherches à l’Institut français de géopolitique et à Sciences Po



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