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Le régime de faveur des Palestiniens en France
par David Ruzié, professeur émérite des universités, spécialiste de droit international
Article mis en ligne le 18 octobre 2008

Au cours d’un récent point de presse du porte-parole du Quai d’Orsay un journaliste demanda si la délégation palestinienne, dont l’ex-ministre M. Kadoura Fares, qui devait venir à Paris, dans le cadre d’une campagne pour la libération des prisonniers palestiniens, serait reçue au Quai et à quel niveau. Et c’est ainsi que d’après la réponse donnée, on apprenait que « cette délégation sera effectivement reçue demain (vendredi) au Quai d’Orsay par la Direction compétente » (sans doute la Direction Afrique du Nord et Moyen Orient, qui vient de changer de responsable).

Autrement dit, le gouvernement français trouve normal que des pressions soient exercées en faveur de personnes qui, si elles sont en prison, en Israël, le sont très vraisemblablement sur le fondement des lois en vigueur dans ce pays démocratique.

On sera curieux de connaître la suite que les autorités israéliennes donneront à d’éventuelles démarches qui seraient entreprises par la France.

Mais il est vrai que les palestiniens bénéficient d’un régime de faveur en France ne serait-ce qu‘au regard de l’admission au statut de réfugiés.

Pour bien comprendre comment se pose le problème, il y a lieu de rappeler qu’en principe les réfugiés qui, souvent, n’ont pas (ou plus de nationalité) peuvent se prévaloir d’une protection auprès du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés.

Cet organe subsidiaire des de l’ONU a été créé le 14 décembre 1950 par l’Assemblée Générale des Nations Unies, avec pour mandat de coordonner l’action internationale pour la protection des réfugiés et de chercher des solutions aux problèmes des réfugiés dans le monde.

Mais les réfugiés palestiniens, eux, peuvent bénéficier d’une protection spécifique de la part d’une agence, dont nous avons déjà déploré, à plusieurs reprises ici-même, le manque d’impartialité dans le conflit israélo-palestinien.

L’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA - United Nations Relief and Works Agency for Palestine Refugees in the Near East en anglais) est un programme de l’Organisation des Nations unies pour l’aide aux réfugiés palestiniens dans la Bande de Gaza, en Cisjordanie, en Jordanie, au Liban et en Syrie. Son but est de répondre aux besoins essentiels des réfugiés palestiniens en matière de santé, d’éducation, d’aide humanitaire et de services sociaux.

Créé après la première guerre israélo-arabe de 1948, son mandat, qui devait être temporaire, été constamment renouvelé, jusqu’à présent, par l’Assemblée générale des Nations Unies..

L’UNRWA dispense ses services dans 59 camps. Il est de loin la plus grande agence des Nations unies, avec un personnel de plus de 25 000 personnes, dont 99 % sont des réfugiés palestiniens recrutés localement et oeuvrant comme enseignants, médecins ou travailleurs sociaux. L’UNRWA est aussi la seule agence de l’ONU qui soit consacrée à un groupe spécifique de réfugiés.

Selon la définition de l’UNRWA, un « réfugié de Palestine » est une personne dont le lieu de résidence habituelle était la Palestine entre juin 1946 et mai 1948 et qui a perdu à la fois son domicile et ses moyens de subsistance en raison du conflit israélo-arabe de 1948. La définition de réfugié de l’UNRWA couvre également les descendants des Palestiniens qui sont devenus des réfugiés en 1948. En conséquence, le nombre de réfugiés palestiniens enregistrés est passé de 914 000 en 1950 à plus de 4,4 millions en 2005 et continue à augmenter du fait de l’accroissement naturel de la population (Who is a Palestine Refugee ?, site de l’UNRWA, rappelé par Wikipedia).

Dans ces conditions, on ne voit pas pourquoi, un « réfugié palestinien » qui, par rapport aux autres réfugiés, bénéficie ainsi d’un régime particulièrement favorable, serait de plus, traité plus favorablement qu’un autre réfugié, qui demanderait à bénéficier en France du statut de réfugié, voire du droit d’asile.

Et pourtant.

En effet, la dernière livraison de la Revue générale de droit international public (RGDIP, n°2008/3, p.699) nous apprend que la Cour nationale du droit d’asile (nouvelle appellation de la Commission de recours des réfugiés, compétente pour connaître des refus d’admission au statut des réfugiés prononcés par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides- OFPRA) a, le 14 mai dernier, dans sa formation la plus solennelle (Sections réunies) rendu une décision particulièrement favorable aux réfugiés palestiniens, qui font, en quelque sorte, l’objet d’une « discrimination positive » (Mohammad Assfour, requête n°493412).

En effet, cette décision, qui consacre un revirement de jurisprudence par rapport à une précédente décision de la Commission de recours des réfugiés du 25 juillet 1996 (Damasi, requête n°247249) considère que les réfugiés palestiniens pour être « éligibles » au statut, prévu par la convention de Genève de 1951 relative au statut des réfugiés, n’ont pas à établir qu’ils craignent avec raison d’être persécutés pour l’un des cinq motifs énumérés par l’article 1er de cette convention (race, religion, nationalité, appartenance à un certain groupe social, opinions politiques).

Autrement dit, lorsque la protection de la part de l’UNRWA aura cessé pour une raison quelconque, sans que le sort de ces personnes ait été définitivement réglé, ces personnes bénéficieront de plein droit de cette Convention. Et de ce fait, l’OFPRA devra les admettre, en France, d’office, en quelque sorte, au statut de réfugiés.

On ne peut guère s’attendre à ce que le Conseil d’Etat, dont la Cour nationale du droit d’asile relève par la voie du recours en cassation, censure une telle décision. Car selon le commentateur de cette décision (p. 701) la Haute juridiction administrative française aurait adopté une position identique à propos du statut d’apatride, visé par une convention de 1954 (CE, 22 novembre 2006, OFPRA, requête n° 277373). Pour notre part, nous avions été plus nuancé au cas où l’intéressé aurait volontairement renoncé à la protection offerte par l’UNRWA en quittant la zone d’activité de cette Agence (Revue française de droit administratif 2007 p. 834).

La position de certains pays européens (ex. : Allemagne et Pays–Bas) est d’ailleurs, jusqu’à présent différente. Mais il semble que la position du Conseil d’Etat soit conforme à la « position commune » adoptée par le Conseil de l’Union européenne le 4 mars 1996. Depuis, la « communautarisation » du domaine du droit d’asile s’est accentuée et nous ignorons si cette question est abordée dans le Pacte européen sur l’immigration et l’asile approuvé le 16 octobre dernier par les 27 Etats membres lors du Conseil européen de Bruxelles.

Pour l’instant, en tout cas, les Palestiniens bénéficient incontestablement, en France, d’un régime hors du (droit) commun.



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