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Peres regarde vers l’avenir
Par Geer Fay Cashman & David Horovitz - Jerusalem Post Ediion française
Article mis en ligne le 18 mai 2008

Personne ne symbolise mieux l’histoire vivante de l’Etat d’Israël que le président Shimon Peres. Impliqué dans la vie publique depuis les tous débuts de l’Etat juif, il a joué un rôle à part entière dans son développement politique, économique, culturel, etc. Parmi les personnages emblématiques de sa génération, aucun n’a été présent sur la scène publique aussi longtemps, et n’est aujourd’hui mieux placé pour retracer les 60 ans d’Israël.

A 85 ans, Peres préfère se tourner vers l’avenir plutôt que vers le passé. Quand le Jerusalem Post lui a demandé de faire une exception pour cette interview et de recenser ses plus grands succès- et ses plus gros échecs- Peres a répondu : « Je suis en vie. Pourquoi devrais-je vous parler de mes erreurs ? Laissez les autres le faire à ma place. »

En examinant son passé, Peres reconnaît qu’il a pu y avoir des erreurs tactiques. Mais en ce qui concerne les grandes décisions, « je ne regrette rien », affirme-t-il.

La création de l’IAI (Industrie aéronautique israélienne) constitue sans aucun doute une initiative positive, selon lui, ainsi que celle de l’Industrie militaire israélienne (IMI) et l’installation du réacteur de Dimona. Parvenir à un accord de ravitaillement d’armes avec l’Allemagne sans aucune contrepartie financière n’avait rien d’inconscient.

La création de Nazareth Illit était également une décision louable. Quant à mettre fin à l’inflation, il s’agissait là de la meilleure chose à faire. Et que dire de l’opération Entebbe ou de l’instauration d’une « barrière efficace » [entre Israël et le Liban] qui sont là encore de sages initiatives.

Mais Peres reste toujours convaincu que le Premier ministre de l’époque, Itzhak Shamir, n’aurait pas dû torpiller l’accord de Londres, signé avec le roi Hussein de Jordanie lors de la conférence de paix internationale sous l’égide de l’ONU. Selon lui, il aurait pu apporter une solution au conflit israélo-arabe et paver la route vers une souveraineté jordanienne sur la Judée-Samarie. Abroger cet accord, continue-t-il, a rendu la vie avec les Palestiniens impossible.

« L’une de nos plus grandes erreurs a été de ne pas exploiter l’option jordanienne », dit le président. Si tel avait été le cas, les Jordaniens, et non les Israéliens, auraient été confrontés au problème palestinien, et le roi Hussein aurait dû assumer les insurgés palestiniens comme il l’a fait lors de « Septembre noir » en 1970.

Peres continue de penser que les accords d’Oslo étaient une bonne idée et qu’ils ont donné lieu à deux concessions importantes : Yasser Arafat a approuvé les frontières de 1967, au lieu de persister à vouloir qu’Israël se retire jusqu’aux frontières de 1947 ; et quelques années plus tard, le Premier ministre Ariel Sharon acceptera la création d’un Etat palestinien.

Quelle que soit l’opinion actuelle de la plupart des Israéliens sur Arafat, Peres affirme que sans lui, la chance d’entamer les négociations avec les Palestiniens ne se serait pas présentée. "Il a publiquement reconnu Israël.

Il a pris des décisions difficiles. C’était le leader d’une nation qui n’existait pas, et il a réussi à maintenir sa position pendant trente ans", dit Peres.

En retraçant l’histoire du pays et celle de ses relations avec les autres nations, Peres rappelle l’attitude ambivalente de l’ONU et d’une majorité de la communauté internationale. « Ils ont voté pour nous le 29 novembre 1947, mais ils ont ensuite imposé un embargo de l’immigration. Quand les bateaux de survivants de la Shoah sont arrivés à Haïfa, ils leur ont tiré dessus. Les pays qui avaient voté en notre faveur ne voulaient pas nous procurer les armes nécessaires pour nous défendre contre sept armées arabes. Jusqu’à ce jour, je ne comprends toujours pas pourquoi le président américain Harry Truman avait refusé de nous fournir des armes. »

Sur une note plus positive, Peres se souvient avoir accompagné le Premier ministre David Ben Gourion dans des villes de développement comme Ashdod. Avec leurs airs de camps de fortune, elles semblaient porteuses à l’époque de peu de promesses, mais ont depuis fait place à des larges cités, source pour le président d’une grande fierté.

Au bout du compte, en passant en revue ses triomphes et ses défaites personnels, Peres affirme avec un air de défi : « J’ai peut-être perdu des élections, mais je n’ai jamais perdu de vraies campagnes électorales. »

Le président a toujours su faire preuve d’une grande persévérance, que les plus acerbes critiques n’ont jamais réussi à ébranler. Quand il tient à promouvoir une idée, il va jusqu’au bout. Prenons par exemple sa vision actuelle de la vallée de la paix. Cet ensemble de zones industrielles, situées le long de la frontière israélo-palestino-jordanienne, devrait être la source de milliers d’emplois pour les Palestiniens. Ce qui améliorerait leur qualité de vie et, par conséquent, affaiblirait leur hostilité.

Il n’est pas un seul dignitaire ou officiel étranger en visite dans la région qui ait rencontré Peres sans avoir eu droit à une préparation en bonne et due forme de la vallée de paix, et de son fameux potentiel. Peres a déjà réussi à persuader plusieurs entreprises et gouvernements étrangers à investir dans ce projet.

Sans négliger l’importance de la diplomatie, Peres se déclare convaincu que la sécurité économique peut jouer un rôle significatif dans le processus de paix, et que cette option devrait être explorée et exploiter à son maximum. Les Palestiniens auraient ainsi l’opportunité de mettre leurs talents, compétences et qualifications au service de leurs intérêts nationaux et personnels.

Peres a répété à plusieurs occasions, et une fois de plus lors de cet entretien, qu’il ne voulait pas que les Juifs israéliens soient considérés comme les champions de la haute technologie, et les Arabes, de la basse technologie.

De nombreux Palestiniens et Arabes israéliens sont frustrés de ne pas pouvoir utiliser leur connaissance en high-tech, acquise à l’université, parce que les opportunités d’emploi sont rares dans ce domaine au sein de l’Autorité palestinienne, et que peu d’entreprises israéliennes se montrent prêtes à les embaucher pour des postes à responsabilité.

« Nous n’avons pas suffisamment prêté attention au facteur économique », note Peres, ajoutant que depuis la Seconde Guerre mondiale, l’économie a joué un rôle plus important que la diplomatie pour rapprocher les nations.

Peres croit en l’efficacité d’une solution économique dans le conflit avec les Palestiniens, en particulier dans la mesure où il ne voit pas de solution politique dans un futur proche du fait des divisions interpalestiniennes.

« Ils n’ont pas mis sur pied un gouvernement approprié et ne possèdent pas d’armée. Nous ne pouvons ni les unir, ni les diviser. La seule chose que nous pouvons faire c’est les aider politiquement. Aujourd’hui, il est possible de coordonner une aide économique, à la fois avec les Jordaniens et les Palestiniens. »

Certaines questions obligent les Israéliens, les Jordaniens et les Palestiniens à travailler ensemble, rappelle Peres qui cite, avec l’assèchement de la mer Morte et la pollution du Jourdain, les exemples les plus cruciaux.

« Il ne peut y avoir trois solutions distinctes à ce problème », précise-t-il. « Nous devons travailler ensemble pour sauver la mer Morte et transformer la région désertique qui l’entoure en un paysage luxuriant. »

De la même manière qu’il considère que des investissements économiques peuvent aider à résoudre le conflit israélo-palestinien, Peres estime que des sanctions économiques peuvent enrayer la menace nucléaire posée par l’Iran. Il est convaincu que si des mesures étaient prises par la communauté internationale, Téhéran n’aurait pas d’autre choix que de faire marche arrière. « Le président iranien Mahmoud Ahmadinejad est un plus grand danger pour le monde qu’il ne l’est pour Israël », déclare-t-il.

Bien avant que Peres ne quitte le parti travailliste pour rejoindre Ariel Sharon au moment de la création de Kadima, il était considéré par beaucoup comme un politicien passé maître dans l’art de la valse-hésitation. Une caractéristique qui sera récurrente tout au long de sa carrière. Et particulièrement lors d’une élection pour le poste de Premier ministre, quand Peres, alors chef de la faction travailliste, sera singé par le célèbre humoriste Sefi Rivlin dans un sketch télévisé intitulé « Oui et non ».

Quand on lui rappelle ses actions passées, certaines en contradiction avec ses positions récentes, Peres explique qu’au moment de rallier le défunt parti Rafi [Reshimat Poalei Israël, Liste des ouvriers d’Israël, ndlr], il n’avait d’autre choix que de changer d’avis, parce que partout où Ben Gourion allait, il le suivait.

S’il se positionne aujourd’hui comme le partisan d’un retrait quasi-total de la Judée-Samarie au profit des Palestiniens, Peres- alors ministre de la Défense du gouvernement Rabin- avait autorisé en 1975 l’établissement d’Ofra et d’autres implantations ; un soutien aux localités juives de Judée-Samarie qu’il considère comme ayant été approprié à l’époque, à la lumière des guerres de 1967 et 1973, où il était apparu vital de renforcer Jérusalem.

Interviewé sur l’évacuation du Goush Katif et ses conséquences, dont la montée au pouvoir du Hamas et les attaques de roquettes, Peres avance qu’Israël a eu tort de manquer de coordination avec l’Autorité palestinienne et ses leaders. Si cela avait été mieux fait, pense-t-il, bon nombre d’écueils liés au désengagement auraient pu être évités.

Quant au manque d’anticipation du pays en termes de relocalisation des évacués et d’aides à leur réhabilitation, Peres déclare que la population du Goush Katif avait refusé de croire à l’évacuation et ne s’était pas montrée suffisamment coopérative à propos de son propre avenir.

Comme beaucoup de vétérans de sa génération, Peres est fier de ce qu’Israël a accompli en 60 ans, mais avoue être inquiet des luttes fratricides qui menacent le tissu social de la nation. Il se dit perturbé par le peu de morale, la baisse des valeurs juives traditionnelles et l’absence de respect mutuel.

Il déplore l’intolérance dont les religieux et les laïques font preuve les uns pour les autres, regrette que les Juifs et les Arabes aient du mal à se comprendre, que les Ashkénazes fassent des reproches aux Séfarades et vice-versa.

Peres ne suggère pas une société homogène. Au contraire, il croit fortement au droit à la différence. Mais il pense que les divers éléments de la société doivent trouver un moyen de s’harmoniser, plutôt que de continuer à faire sonner la discorde et leur mécontentement.

Peres se déclare également attristé du sort des survivants de la Shoah, des conditions de pauvreté dans lesquelles ils vivent, privés d’un minimum de dignité, et cela, à cause des promesses non tenues d’un gouvernement incapable de remédier à leurs difficultés financières.

Travailleur infatigable, il commence sa journée à l’aube et la poursuit souvent bien après minuit. Si Yom Haatzmaout est un jour de repos pour l’ensemble de la nation, c’est une journée particulièrement chargée pour le président.

Parmi ses obligations : la tenue d’une réception à laquelle sont conviés ses prédécesseurs, les Premiers ministres et ministres de la Défense passés et présents, les commandants militaires ; une cérémonie organisée pour récompenser 120 jeunes militaires d’exception ; et enfin à une réception pour les diplomates, à l’issue de laquelle il doit courir au Centre de conférence international de Jérusalem (Binianei Haouma) pour la cérémonie annuelle de remise du Prix Israël.

Ces prochains jours resteront également très denses pour Peres avec la tenue d’une conférence de trois jours intitulée « Demain » où sont conviés les esprits les plus éclairés du monde. Cet événement d’une ampleur toute spéciale, qui se tiendra du 13 au 15 mai, rassemblera des chefs d’Etat (anciens ou toujours en fonction), des Premiers ministres et des officiels gouvernementaux de 27 pays, ainsi que des personnalités de tout premier plan dans les secteurs de l’économie, la technologie, la médecine, les sciences, la philosophie et l’art.

Certains participants, comme l’ancien secrétaire d’Etat américain Henry Kissinger, discuteront de sujets débattus depuis des décennies par l’Organisation mondiale sioniste ou d’autres instances d’envergure. Au programme, selon Peres, beaucoup de nouveaux visages et d’idées fraîches.

Le président a tenu a nous faire remarquer que le récent article de Kissinger sur les trois révolutions qui se déroulent actuellement sur la surface du globe était remarquable. Peres, comme Kissinger, a fréquemment parlé de la transformation des modes gouvernementaux européens, du défi que constitue l’islamisme radical et du transfert du centre de gravité des affaires internationales, de l’Atlantique vers les océans Pacifique et Indien.

En ce qui le concerne, le poids des années n’est pas un critère. Peres affirme connaître des jeunes aux idées tellement conservatrices qu’ils sont vieux avant l’âge. Par contre, Kissinger, qui va célébrer ce mois-ci son 85e anniversaire, est aussi moderne que l’avenir, plaisante-
t-il.

Répondant à des années de critiques sur son statut de « doux rêveur » aux propositions irréalisables, Peres rappelle que son C.V. de ces 60 dernières années est rempli de propositions qui avaient reçu un accueil frileux, si ce n’est totalement négatif, avant de finir par être pleinement réalisées. « Les Américains disent qu’il y a deux types de personnes- les paresseux et les fous », résume-t-il. « Pour accomplir de grandes choses, vous devez être fou. »

Peres est devenu bien plus populaire en tant que président qu’il ne l’a jamais été comme politicien. Mais il dit préférer être « objet à controverse que populaire. Il faut se battre pour défendre ses idées, cela en vaut la peine. »



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