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Le Monde condamné pour antisémitisme dans l’indifférence et le silence général
Simon Pilczer
Article mis en ligne le 7 juin 2005

• la dépêche de l’AP du 27 mai 2005
• J’Accuse. Anti-Sémitisme au journal Le Monde et au-delà. Par TOM GROSS ancien correspondant àJérusalem du Sunday Telegraph et du New York Daily News (Wall Street Journal, 2 Juin 2005)

PARIS (AP) — La cour d’appel de Versailles a condamné jeudi 26 mai le quotidien Le Monde et trois de ses journalistes àverser un euro symbolique de dommages et intérêts àdeux associations de défense des droits de l’Homme pour « diffamation raciale  » envers le peuple juif.

Le 12 mai 2004, le tribunal de grande instance de Nanterre (Hauts-de-Seine) avait relaxé le journal et les auteurs de l’article « Israë l-Palestine : le cancer  » poursuivis par Avocats sans frontières et l’Association France Israë l Général Koenig. Cette dernière « se félicite  » dans un communiqué de la décision « qui fait honneur àla justice française  ».

La cour d’appel a condamné deux passages de l’article qualifiant les juifs de « peuple dominateur et sà»r de lui  » et « peuple méprisant ayant satisfaction àhumilier  ». Les journalistes Edgar Morin, Sami Naïr et Danièle Sallenave écrivent également que les « juifs d’Israë l (...) ghettoisent les Palestiniens  » que par ailleurs ils « humilient, méprisent, persécutent  ».

La cour a estimé que ces passages, parus le 4 juin 2002, « par l’imputation outrancière des faits se distinguent du reste de l’article qui renferme l’expression des convictions personnelles des auteurs dans le cadre d’un débat politique dont le caractère grandement polémique se justifie par la nature même du conflit  » israélo-palestinien.

Elle juge cependant que les passages condamnés « sont au-delàde la polémique  » en ce qu’ils dressent « un constat péremptoire diffamatoire de la nation juive  ».


J’Accuse. Anti-Sémitisme au journal Le Monde et au-delà.
Par TOM GROSS ancien correspondant àJérusalem du Sunday Telegraph et du New York Daily News

Wall Street Journal, 2 Juin 2005
Adaptation française de Simon Pilczer
Une cour française la semaine dernière a déclaré trois rédacteurs du journal Le Monde, ainsi que le Directeur de la publication, coupables de « diffamation raciste  » àl’encontre d’Israë l et du Peuple juif. Lors d’une décision fracassante, la Cour d’Appel de Versailles a jugé qu’un article d’opinion publié dans Le Monde en 2002, « Israë l - Palestine : le Cancer  », avait attisé une opinion antisémite.

Les rédacteurs de cet article, Edgar Morin (un sociologue renommé), Danièle Sallenave (conférencière àl’Université de Nanterre) et Sami Naïr (membre du Parlement européen), ainsi que le Directeur de la publication du journal Le Monde, Jean-Marie Colombani, ont été condamnés àpayer l’Euro symbolique àtitre de dommages àun groupe de défense des Droits de l’Homme [la LICRA, ndt] et àl’Association France-Israë l. Le Monde a aussi été condamné àpublier cet article de condamnation, ce qui lui reste àfaire.

Il est encourageant de voir une Cour française décider que l’antisémitisme ne doit avoir aucune place dans les médias - même quand il est masqué en tant qu’analyse du conflit israélo-palestinien. La décision dit aussi clairement que la loi sous cet aspect s’applique aussi aux extrémistes juifs (M. Morin est juif) aussi bien qu’aux non-juifs.

La liberté de la presse est une valeur qu’il faut chérir, sans l’exploiter ni en abuser. En général, les pays européens ont des lois strictes contre un tel abus et les principaux médias en Europe exercent en tous les cas une autocensure valable. Des journalistes responsables évitent avec vigueur des descriptions diffamatoires de groupes entiers, religieux, nationaux ou ethniques. Ils font leur maximum par exemple, pour éviter de suggérer que les massacres au Darfour, qui sont exécutés par des milices arabes, représentent en quelque manière une caractéristique arabe.

L’exception àcela semble être la couverture des Juifs, en particulier les Israéliens. Cela est parfaitement ironique étant donné que les lois sur la liberté d’expression relativement strictes en Europe (comparées àcelles des USA) ont été dans une large mesure inspirées en réaction àl’occupation du continent par les nazis. Et pourtant, d’Oslo àAthènes, de Londres àMadrid, la saison a été virtuellement ouverte contre eux dans les années passées, spécialement dans les médias supposés libéraux.

« Israë l - Palestine : le Cancer  » a été a été une Å“uvre pleine de méchanceté, de mensonges, de calomnies et de mythes concernant le « Peuple élu  », « le massacre de Jénine  », décrivant les Juifs comme un « Peuple méprisant, prenant plaisir àhumilier les autres  », « imposant leur loi sans pitié  », et ainsi de suite.

Pourtant, ce n’était pas pire que des milliers d’autres reportages de nouvelles, d’éditoriaux, de commentaires, de lettres, de dessins ‘humoristiques’, et de titres publiés àtravers l’Europe au cours des années récentes, sous couvert d’une discussion légitime et raisonnée de la politique israélienne.

Les diffamations et les distorsions au sujet d’Israë l dans certains médias anglais sont désormais assez bien connues : l’équation du ‘Guardian’ d’Israë l et al-Qaïda ; l’équation de ‘l’Evening standard’ d’Israë l et des Talibans ; le reportage de la correspondante de la BBC au Moyen-Orient, Orla Guerin, sur “Comment les Israéliens ont volé Noë l†. Le plus célèbre d’entre eux est le correspondent indépendant au Moyen-Orient, Robert Fisk, qui se spécialise dans des observations telles que son commentaire “Si jamais une épée était plantée dans une alliance militaire entre l’Orient et l’Occident, les Israéliens brandiraient cette dague†, ce qui implique que la Maison Blanche est tombée dans les mains des Juifs : « Les ‘Perle’ et les ‘Wolfowitz’ et les ‘Cohen’... Les très sinistres personnages voletant autour de Bush†.

Les invectives contre Israë l ailleurs en Europe sont moins bien connues. En Espagne par exemple, le 4 juin 2001 (trois jours après qu’un démocide àla bombe palestinien ait tué 21 jeunes Israéliens près d’une discothèque, et en ait blessé plus de 100 autres, le tout au beau milieu d’un cessez-le-feu israélien unilatéral), le quotidien libéral ‘Cambio 16’ publia un dessin du Premier Ministre israélien Ariel Sharon (avec un nez crochu qu’il n’a pas), avec un casque (qu’il ne porte généralement pas), arborant une svastika àl’intérieur d’une étoile de David sur sa poitrine, et proclamant : « Au moins Hitler m’a appris àenvahir un pays et àdétruire chaque insecte vivant  ».

La semaine précédente, le 23 mai, ‘El Pais’ (le ‘New York Times d’Espagne’), publia un dessin d’un personnage allégorique portant un une petite moustache noire de forme rectangulaire, volant dans les airs vers la lèvre supérieure de Sharon. La légende disait : « Clio, la muse de l’histoire, place la moustache d’Hitler sur Ariel Sharon  ».

Deux jours plus tard, le 25 mai, le quotidien catalan ‘la Vanguardia’ publia un dessin montrant un imposant immeuble, avec un signe extérieur indiquant « Musée de l’Holocauste juif  », et àcôté un autre immeuble en construction, avec un grand signe indiquant « Futur Musée de l’Holocauste palestinien  »).

GREECE - Eleftherotypia, April 1, 2002
’HOLOCAUST II’ : ’War machine of Sharon is attempting a new Holocaust, a new genocide’

Le plus grand journal grec, le quotidien de gauche ‘Eleftherotypia’, a utilisé plusieurs dessins de ce type. En avril 2002, sur sa page de garde, sous le titre « Holocauste II  », un soldat israélien était dépeint comme un officier nazi et un civil palestinien comme un prisonnier dans un camp de la mort juif.

En septembre 2002, un autre dessin dans ‘Eleftherotypia’ montrait un soldat israélien avec une étoile juive déclarant àun officier nazi àcôté de lui « Arafat n’est plus quelqu’un àqui le Reich peut encore parler  ». L’officier nazi répondait « Pourquoi ? Il est juif ?  ».

GREECE - Ethnos, April 7, 2002
IDF soldier : "Don’t feel guilty, brother.
We were not in Auschwitz and Dachau to suffer, but to learn"

En Italie, en Octobre 2001, le site Internet de l’un des journaux les plus respectés du pays, ‘la Reppublica’, publia le faux notoirement antisémite « les Protocoles des Sages de Sion  », dans leur totalité, sans apporter la moindre explication historique. Il suggérait, cependant, que l’Å“uvre aiderait les lecteurs àcomprendre pourquoi les USA avaient entrepris une action militaire contre l’Afghanistan.

En avril 2002, le quotidien libéral italien ‘la Stampa’ mit en page de couverture un dessin montrant un tank israélien, blasonné avec une étoile juive, pointant un large canon sur un Jésus bébé dans une mangeoire, tandis que le bébé plaidait, « Sà»rement, ils ne veulent pas me tuer de nouveau, n’est-ce pas ?  ».

ITALY - Panorama, front page, April 4, 2002
Baby Jesus : ’Surely they don’t want to kill me again ?!’

Dans le ‘Corriere Della Serra’, un autre dessin montrait Jésus piégé dans sa tombe, incapable de se lever, parce qu’Ariel Sharon, pistolet en main, est assis sur le sépulcre.

Le plus grand journal suédois du matin, ‘Dagens Nybeter’, plaça la caricature d’un Juif hassidique, accusant quiconque critiquant Israë l, d’antisémitisme.
septembre 2004


Man with the dog  : « I don’t think one should build walls between people. »
The Jew  : « Damn anti-Semite !! »

Un autre journal suédois important, ‘Aftonbladet’, utilisa le titre « la crucifixion d’Arafat  ».

Si le reportage biaisé, et les préjugés étaient limités àun ou àdeux journaux ou programmes de télévision dans chaque pays, il serait possible de les ignorer. Mais ce n’est pas le cas. Dénigrer Israë l s’étend même àdes journaux locaux qui ne couvrent pas généralement les Affaires Etrangères, tels que les titres étalés sur une double page « Juifs dans des bottes militaires  » dans ‘Luton on Sunday’. (Luton est une ville industrielle du sud de l’Angleterre). Ou bien l’article du principal journal régional de Norvège, ‘Stavanger Aftenblad’, mettant àégalité les actions d’Israë l contre les terroristes àRamallah avec les attaques sur le World Trade Center.

Des comparaisons grotesques et complètement fausses comme celles-làne devraient pas trouver place dans les reportages ou les commentaires sur le Moyen-orient. Pourtant, bien que la décision de la Cour française - la première de son espèce en Europe - soit une étape majeure, personne en France ne semble s’en soucier. Le journal le plus distingué du pays, le journal de réputation, a été déclaré coupable d’antisémitisme. On aurait pu penser qu’un tel verdict aurait provoqué une large couverture et conduit àun examen de conscience en profondeur, et àun débat public. Au lieu de cela, il y a eu un silence quasi-complet, et pratiquement aucune couverture dans la presse française .

Et peu de gens ailleurs en auront entendu parler. Reuters et l’Agence France Presse (Agences qui se sont montrées particulièrement pleines de préjugés àl’encontre d’Israë l) ont émis de brèves dépêches dans leurs télégrammes en Français la semaine dernière, mais ont choisi de ne pas en faire état dans leurs services de nouvelles en Anglais. L’agence Associated Press ne l’a pas du tout diffusée. Au lieu de déclencher la longue réévaluation qui aurait déjàdue être entreprise de l’attitude de l’Europe àl’égard d’Israë l, les médias ont choisi de l’ignorer.

Kleine Zeitung (Autriche) mai 2004