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La falsification de Genéve
Par Michel Gurfinkiel
Article mis en ligne le 8 décembre 2003

Une étrange impression de déjà vu entoure les soi-disant accords de Genève.

Tout a été fait pour qu’ils ressemblent à la visite d’Anouar el-Sadate à Jérusalem, en novembre 1977, à la signature des accords israélo-égyptiens de Camp David, en septembre 1978, ou à celle des accords d’Oslo, entre Yasser Arafat et Yitzhak Rabin, en septembre 1993 Même solennité, mêmes parrainages internationaux, même couverture médiatique, mêmes enthousiasmes obligés. Seulement voilà : ces accords ne sont pas des accords. Il n’engagent pas des Etats ou des entités politiques, comme les précédents sur lesquels ils ont été calqués, mais des personnes privées, qui ne s’expriment qu’en leur nom propre.

C’est vrai au plus haut point du côté israélien. Le signataire, Yossi Beilin, cinquante-cinq ans, a sans doute été naguère un homme politique relativement important : de 1988 à 2001, il a exercé plusieurs fois les fonctions de vice-ministre ou ministre, aux côtés des travaillistes Shimon Peres, Rabin, et Ehud Barak. Mais aujourd’hui, il n’est rien. Recalé début 2003 sur la liste du parti travailliste, auquel il appartenait jusque-là, il a tenté sa chance sur celle du parti d’extrême-gauche Meretz (au douzième range), et n’a pas été élu (le Meretz n’ayant obtenu que six sièges) : ce qui fait de lui, à l’échelle de la France, l’équivalent de Jean-Pierre Chevènement. Curieusement, le site Internet du Ministère israélien des Affaires étrangères, le présente tout de même comme député Meretz. Le gouvernement démocratiquement constitué d’Israël que dirige actuellement Ariel Sharon et que soutiennent les trois quarts de la Knesset, ne l’a pas mandaté pour signer quoi que ce fût à Genève ou ailleurs ; au contraire, il a formellement condamné son initiative.

Côté palestinien, les choses sont un petit peu plus floues. Le signataire, Yasser Abed Rabbo, dit Abou Bashar, cinquante-huit ans, a été ministre de l’Information de l’Autorité palestinienne - le gouvernement autonome palestinien de Cisjordanie et de Gaza - à partir de 1994, puis membre de l’équipe chargée des négociations avec Israël. Avant de démissionner en mai 1990. Certes, il est plus proche de Yasser Arafat et des milieux dirigeants palestiniens que Beilin ne l’est de Sharon et du gouvernement israélien : il s’est lancé dans l’opération Genève avec l’accord et le soutien matériel du vieux chef, qui lui a d’ailleurs envoyé, au dernier moment, un message amical. Pour autant, il n’avait pas de mandat lui non plus. Ni de l’Autorité palestinienne, ni de l’Organisation de libération de la Palestine, ni d’Arafat en tant qu’Arafat, ni du parlement de Ramallah, dit du Premier ministre palestinien Ahmed Korei.

Le texte de Genève n’est donc au mieux, dans ces conditions, qu’un projet d’accord de paix. C’est une fraude, une falsification délibérée, que de le présenter et de le célébrer comme s’il s’agissait d’un accord véritable. Les opinions publiques peuvent s’y tromper. Les professionnels de la chose publique, chefs d’Etat ou de gouvernement, ministres des Affaires étrangères ou diplomates, journalistes et philosophes, ne le peuvent pas, et répondront devant Dieu, devant l’Esprit, devant l’histoire, de leur attitude. Car enfin, quel est le but de cette falsification ? De disqualifier le gouvernement régulier d’Israël et de faire comme s’il n’existait pas. Et donc à plus long terme de mettre Israël lui-même au banc des Etats. Ce n’est pas un hasard si, le jour même où Beilin signait la falsification de Genève, l’Assemblée générale des Nations Unies commençait, fait sans précédent dans son histoire, à débattre d’un recours contre l’Etat juif devant la Cour internationale de justice de La Haye, sous prétexte d’examiner la légalité de la barrière de sécurité en Cisjordanie.

Qui a parrainé l’opération Genève ? En premier lieu, le Département d’Etat américain, qui est à peu près aussi favorable à Israël que le Quai d’Orsay français. Le secrétaire d’Etat, Colin Powell, est peut-être moins impliqué dans l’opération Genève que certains de ses subordonnés. Mais il ne la désavoue pas. Il vient d’ailleurs de recevoir officiellement Beilin et Abed Rabbo. Faut-il rappeler à l’excellent M. Powell et à ses conseillers, que la loi de leur pays, les Etats-Unis d’Amérique, assimile depuis 1799 à la haute trahison toute négociation menée par une personne privée en lieu et place du gouvernement, ce qui est exactement, par rapport à Israël, le cas de Beilin.

Deuxième parrain : l’Union européenne, qui apporte une aide financière et politique considérable à des « organisations oeuvrant en faveur de la paix » , parmi lesquelles l’Economic Cooperation Foundation (ECF), dont Beilin est à la fois le dirigeant et le bénéficiaire. Certains Etats européens auraient également accordé une aide directe : la Norvège, qui s’enorgueillit d’avoir contribué aux accords israélo-palestiniens de 1993, la France, l’Italie

Troisième parrain : le gouvernement suisse. De mauvaises langues affirment qu’il se « venge » ainsi de la campagne menée voici quelques années contre les banques suisses, accusées d’avoir tiré profit de l’Holocauste. D’autres ne voient dans son engagement qu’un « fantasme » de petit Etat. Le fait est, en tout cas, que le ministère helvétique des Affaires étrangères a organisé les cérémonies du 1er décembre, directement ou à travers une ONG qu’il contrôle, le Centre Henri Dunant pour le dialogue humanitaire. Et qu’il aurait pris en charge, au moins en partie, les charters qui ont amené à Genève deux cents « militants de la paix » israéliens et palestiniens.

Quatrième parrain : ce que l’on pourrait appeler « le second lobby juif ». Le premier - aux Etats-Unis et à un moindre degré en Europe - comprend aussi bien des hommes de gauche que des hommes de droite, et défend la démocratie israélienne sans condition, quelle que soit l’affiliation politique de ses dirigeants. Le second, qui a pris forme en 1977, quand pour la première fois l’alternance a joué à Jérusalem et porté au pouvoir un gouvernement de droite et du centre, et n’a cessé de se manifester depuis, ne veut défendre qu’un Israël de gauche ou d’extrême-gauche. Ce lobby bis a su attirer ou instrumentaliser bon nombre de militants pro-israéliens sincères et de personnalités respectables. Sa logique profonde est déroutante. Ses stratégies sont paradoxales. L’un de ses maîtres à penser affirmait froidement, voici une quinzaine d’années, puisque la démocratie israélienne votait à droite, il fallait la forcer, à travers des pressions internationales, à mener une politique de gauche. Et que la mission des juifs de diaspora n’était plus, dès lors, de soutenir le gouvernement démocratiquement constitué d’Israël, mais de militer auprès de leurs propres gouvernements pour que ces pressions fussent effectivement exercées.

On n’est plus si loin, vous le voyez, de ce qui vient de se passer à Genève et de ce que Genève promet. Que Dieu protège et sauve Israël et la démocratie israélienne.



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