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Quand Marianne fait de l’humour grinçant
par David Ruzié, professeur émérite des universités, spécialiste de droit international
Article mis en ligne le 6 janvier 2007

L’hebdomadaire Marianne a repris à son compte et « glosé » sur une information diffusée par le site israélien Ynetnews et que d’autres agences de presse avaient, également, diffusé, mais sans commentaire

Vraie ou fausse, en tout cas, l'information relayée par certains médias relatait l'acquisition faite, en décembre dernier, par un certain nombre d'Israéliens (1 000 selon Ynetnews, 10 000 selon Marianne) de parcelles de terrain sur la Lune (la parcelle de 500 m2 acquise pour environ 50 euros).

Ce qui est choquant, alors que nous allons l'exposer, ces initiatives - vraies ou fausses - sont dénuées de toute valeur juridique, c'est que l'hebdomadaire qui, parfois, veut singer Le Canard enchaîné, croit devoir assortir la reprise de cette information de commentaires, empreints d'une tonalité nauséabonde.

Ainsi, Marianne écrit : « les Israéliens posséderaient ainsi un dixième de la surface de la lune, partie intégrante désormais de la Diaspora » (souligné par nous).

Et établissant un rapport entre l'annonce faite par la NASA de la possible installation d'une base lunaire vers 2012 avec l'initiative prêtée à des Israéliens, l'hebdomadaire croit devoir préciser « Qui dit installation dit commerce et les Israéliens planifient déjà les affaires qu'ils pourraient faire en ouvrant centres commerciaux, casinos ou villages de vacances pour les futurs colons, moins redoutables que ceux de Cisjordanie » (souligné par nous).

Passons sur cette allusion - gratuite et stupide - aux « colons » de Cisjordanie.

Mais, la reprise de la caricature du Juif, avide de faire des affaires ne vous rappelle-t-elle rien ?

Pourtant Jean-François Kahn s'est toujours défendu de tout antisémitisme. Mais, alors, il devrait surveiller la plume de son collaborateur Samuel Mayrargues.

Et cet article témoigne tout autant d'un humour de mauvais aloi, lorsqu'il se termine, ainsi : « Reste que si les Palestiniens se lançaient aussi dans ces spéculations, l'on pourrait assister à une Intifada des extra-terrestres qui se terminerait par la signature des Accords du Cratère, non moins importants que ceux d'Oslo ».

On s'étonnera d'ailleurs que seul le cas d'un certain nombre d'Israéliens ait retenu l'attention du rédacteur de Marianne, alors que, selon Ynetnews, plus de 20 000 km2 auraient déjà été vendus à des gens dans le monde entier.

En tout état de cause - toute insinuation malveillante à l'égard des Israéliens, mise à part - prétendre que « l'opération est parfaitement légale » est totalement inexact.

Peu importe que depuis les années 70, « un richissime homme d'affaires assez farfelu américain, Dennis Hope » prétende être propriétaire de l'ensemble des planètes du système solaire.

Certes, il y a un « vide juridique » que nous allons préciser, mais cela ne signifie pas pour autant que n'importe qui est en mesure de combler ce vide.

En effet, il résulte du traité du 27 janvier 1967 sur les principes régissant les activités des Etats en matière d'exploration et d'utilisation de l'espace extra-atmosphérique, y compris la Lune et les autres corps célestes que, notamment, la Lune « ne peut faire l'objet d'appropriation nationale » (article 2).

Cela signifie qu'aucun Etat ne peut ni « par proclamation de souveraineté, ni par voie d'utilisation ou d'occupation, ni par aucun autre moyen » prétendre revendiquer une parcelle de la Lune comme relevant de sa souveraineté.

La Communauté internationale a voulu, en effet, qu'avant qu'aucun « droit » ne soit considéré comme « acquis », le principe de la non-colonisation de la Lune soit reconnu, afin d'éviter les dérives occasionnées par la colonisation de l'Afrique, au XIXème siècle, par exemple.

 Avant, même, que trente mois plus tard, les Etats-Unis envoient pour la première fois un homme sur la Lune, ses dirigeants savaient que, jamais, leur pays ne pourrait, pour autant, prétendre en tirer parti pour réclamer, par la suite, une souveraineté sur une quelconque parcelle de la Lune.

C'est d'ailleurs, la raison pour laquelle l'Union soviétique renonça - eu égard au coût de ces opérations - à concurrencer les Etats-Unis, sachant qu'elle ne pourrait en retirer aucun bénéfice politique.

 Certes, Neil Armstrong a bien planté un drapeau américain sur le sol de la Lune, mais de la même façon que tel ou tel alpiniste français a planté un drapeau français sur un des sommets de l'Himalaya, afin d'attester qu'il s'agissait d'un exploit français.

Dès lors qu'aucun Etat n'est en droit d'émettre une quelconque prétention sur la Lune, aucun individu ne peut, pour autant, prétendre en acquérir une parcelle, en tant que propriétaire.

La notion de propriété suppose l'existence d'un système juridique, compétent pour en réglementer l'acquisition.

Or, de nos jours, seuls les Etats sont en droit d'établir un ordre juridique sur un territoire, pour autant que celui-ci relève de leur souveraineté.

Dès lors que la Lune échappe à toute appropriation nationale, donc à toute souveraineté, aucun individu ne peut, à lui seul, prétendre s'en approprier, même la moindre parcelle.

Mais, l'impossibilité de toute appropriation nationale n'interdit nullement l'exploration et l'utilisation de l'espace extra-atmosphérique, y compris la Lune et les autres corps célestes.

Le traité de 1967 reconnaît, au contraire une liberté d'exploration et d'utilisation de l'espace extra-atmosphérique par tous les Etats, d'où les projets de la NASA.

 Toutefois, l'exploitation des richesses de la Lune est régie par un  traité, conclu en 1979 - mais jamais entré en vigueur - qui prétendait soumettre l'exploitation de la Lune, considérée comme « patrimoine commun de l'humanité »  au même régime que celui qui allait être retenu, ultérieurement, pour le fond des mers.

On ne peut, en tout cas, que regretter que Marianne ait donc ciblé Israël, suffisamment critiqué, par les temps qui courent, à propos d'une affaire complètement farfelue.



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