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Quand LE FIGARO se lance dans la stratégie militaire
par David Ruzié, professeur émérite des universités, spécialiste de droit international
Article mis en ligne le 28 août 2006

A défaut de continuer à compter le nombre des tirs et des frappes, de part et d’autre, ainsi que le bilan des victimes, les journalistes, s’interrogent sur le point de savoir qui a gagné : du Hezbollah ou d’Israël, à la suite des récents combats.

Non, en réalité la plupart d’entre eux ne s’interrogent pas : ils sont affirmatifs, c’est le Hezbollah, qui a gagné.

Et pour Renaud Girard, grand reporter au service étranger du Figaro , il s’agit, même, de faire d’une pierre deux coups : sous-entendre la victoire du Hezbollah en considérant qu’ « Israël a gâché une chance historique de gagner la guerre contre le Hezbollah » (v. page Débats/Opinions du 28 août 2006).

Et ce grand stratège d’expliquer qu’Israël a mené une « guerre asymétrique ratée » pour des raisons « politiques, stratégiques et tactiques ».

La première erreur selon ce grand expert des questions militaires a été pour l’ « establishement politico-militaire israélien » de « prendre le temps d’analyser froidement ce qui lui arrivait ».

Et citant des déclarations du chef d’Etat-major Dan Halutz et d’Ehoud Olmert, Renaud Girard, estime que l’erreur fut de se lancer « inconsidérément dans une orgie de communication vengeresse ».

Et d’aller jusqu’à accuser le Premier ministre israélien d’ « ivresse de la surenchère verbale ».

Une fois encore, un journaliste, sort certaines déclarations de leur contexte, c’est à dire en oubliant que les dirigeants israéliens devaient, également, répondre aux communiqués triomphants du Hezbollah, qui avait déclenché les hostilités.

Notre stratège considère que Tsahal n’aurait pas dû « se précipiter » et aurait dû « attendre quinze jours avant d’agir ».

Or, s’il est vrai que « la vengeance est un plat qui se mange froid », en revanche la légitime défense, par définition, implique une riposte immédiate.

Quant on connaît le mal d’Israël, depuis sa création, à « vendre sa cause aux opinions publiques du monde entier », on ne voit vraiment pas en quoi un tel délai aurait pu permettre d’améliorer la situation.

Et là, où l’on frise le ridicule, c’est lorsque ce journaliste suggère qu’Israël aurait dû adresser au gouvernement libanais un ultimatum lui donnant deux semaines pour déployer son armée à la frontière et appliquer enfin la résolution 1559 du Conseil de sécurité de l’ONU prévoyant le désarmement du Hezbollah » (souligné par nous).

Car, chacun sait que depuis deux ans, malgré plusieurs rappels du Conseil de sécurité, cette résolution, votée sur la base du Chapitre VI, c’est à dire n’ayant aucune force contraignante (on n’a jamais vu une organisation internationale enjoindre un Etat d’assumer sa pleine souveraineté) était restée lettre morte.

On ne voit vraiment pas pour quelles raisons, le Liban, qui défiait la société internationale, aurait accepté de se plier à un ultimatum d’Israël.

Et pour illustrer la naïveté de Renaud Girard, nous ne résistons pas à la tentation de citer cette phrase : « Il n’était pas difficile pour les Israéliens d’expliquer aux opinions publiques du monde entier le caractère intolérable d’attaques militaires perpétrées contre son territoire, à partir de celui d’un Etat voisin » (souligné par nous).

A croire que ce grand naïf ignore les vains efforts déployés, depuis des années, par les services officiels d’information israéliens.

Quant au bombardement des pistes de l’aéroport de Beyrouth (pratiquement remises en état, au lendemain du cessez-le-feu), il faut être « aveugle et sourd » (pour rester poli) pour ignorer que certains armements destinés au Hezbollah utilisaient la voie aérienne.

Il est tout à fait excessif de parler de « punition collective » infligée au Liban, alors que, de fait, un tiers de la population répartie sur le territoire était au moins sympathisante du Hezbollah.

Nous avouons notre incompétence en matière militaire, mais trouvons quelque peu rapide l’accusation d’ « improvisation stratégique et de désarroi psychologique » lancée à l’égard de l’establishment politico-militaire de Tel-Aviv » (tiens, tiens, la capitale d’Israël aurait-elle était déplacée ?).

Pour la même raison, nous ne prendrons pas position sur la critique visant le « choix de privilégier, dans un premier temps, la guerre aérienne », choix qualifié de « désastreux ».

Mais quant au fait d’en tirer comme conséquence l’ « aliénation (des) opinions publiques européennes, bouleversées par les images récurrentes des dommages infligés à la population civile libanaise », c’est faire peu de cas de l’incompétence de certains médias qui se sont laissé abuser par des photographes indélicats et/ou les services de propagande du Hezbollah, qui organisaient les prises de vues et les interviews.

Nous ne sousestimons pas la place de l’Europe comme « premier partenaire commercial » d’Israël, mais il faut reconnaître que, bien avant l’épisode tragique de cette nouvelle guerre du Liban, bon nombre de pays européens étaient mieux disposés à l’égard des extrémistes, ne serait-ce qu’en refusant de qualifier le Hezbollah d’organisation terroriste.

Le fait d’avoir une représentation parlementaire non négligeable et même deux ministres au sein du gouvernement libanais ne constituent, pourtant pas, un brevet de démocratie.

Le parti nazi avait lui aussi commencé « modestement » sa carrière dans le régime démocratique de la République de Weimar.

Enfin, sans vouloir, nous laisser entraîner, malgré tout, sur le plan militaire, nous estimons que Le Figaro (même s’il s’agit d’une « analyse » et non de l’éditorial) se contredit quelque peu puisqu’après avoir critiqué le recours au frappes aériennes, il conteste, ensuite, « la tactique des incursions mécanisées terrestres » dans les villages du Liban-Sud.

De même, il est trop facile qualifier d’ « espoir puéril » pour « sauver sa réputation » l’opération, qualifiée, d’ailleurs,, d’ « aussi coûteuse qu’inutile », qui a conduit Tsahal, dans les dernières quarante-huit heures, à se « ruer en force » vers le Litani.

Bref, pour résumer cette « analyse », Israël n’aurait dû utiliser que le verbe pour essayer de convaincre le Liban à se décider, enfin, à se conduire en véritable Etat.

C’eut bien été la première fois que la parole aurait fait reculer le terrorisme.

En attendant, cela fait plusieurs jours qu’Israël, a fait savoir, urbi et orbi, qu’il attendait le déploiement de la FINUL, censée épauler l’armée libanaise, pour se retirer des territoires occupés du Liban-Sud, afin d’éviter la réédition immédiate des tirs de roquettes.

Il est vrai qu’il a fallu que les autorités françaises se rendent compte, après de nombreuses pressions, du ridicule de la situation dans laquelle elles s’étaient placées pour que la FINUL renforcée puisse prendre forme.

Moralité : qu’Israël agisse ou non, il a toujours tort (le premier tort, aux yeux de certains, c’est d’ailleurs d’exister).



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