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Deuxième Révolution islamique en Iran ou l’élection du président conservateur Ahmadinejad
Par Ayelet Savyon * - MEMRI
Article mis en ligne le 3 juillet 2005

La victoire du candidat conservateur Mahmoud Ahmadinejad au second tour des élections présidentielles, contre son rival Ali Akbar Hachémi Rafsandjani, ancien président iranien, a pris l’Iran et le monde par surprise.

Introduction

Avec près de 17 millions de votes, Ahmadinejad a récolté quelques 62% des voix, tandis que Rafsandjani n’en a obtenu que 33%, avec 10 millions de votes. En tout, 27.5 millions d’électeurs (soit un taux de vote de 60%) se sont rendus aux urnes. (1)

A l’issue du second tour des élections, la « deuxième Révolution islamique » entamée par le Guide iranien Ali Khamenei et ses disciples conservateurs a franchi une ultime étape. En effet, l’armée, le système judiciaire et l’establishment religieux se trouvaient déjà aux mains des conservateurs. Avec leur victoire aux élections municipales il y a deux ans, et au Majlis (Parlement) l’an dernier, les conservateurs détiennent à présent le contrôle de tous les centres du pourvoir : aucun poste clé n’est plus aux mains des réformateurs.

Le boycott des élections par les réformateurs et la « deuxième Révolution islamique »

Cette « deuxième Révolution » a pu avoir lieu aussi du fait de l’attitude adoptée par les partisans de la réforme ces deux dernières années : ces derniers ont boycotté les élections pour protester contre l’incapacité des mouvements réformateurs à tenir leurs promesses de liberté politique et individuelle. A cela s’ajoute la déception et l’indifférence engendrées par l’immobilisme politique et les mesures de répression employées par les autorités conservatrices.

Ces mesures incluent la fermeture d’une centaine de journaux réformateurs ces quatre dernières années, l’emprisonnement de journalistes et de bloggers coupables d’avoir critiqué le régime, les accusations de trahison adressées aux réformateurs appelant à la reprise des relations avec les Etats-Unis, les démarches visant à empêcher les réformateurs de se porter candidats aux élections. En conséquence, des intellectuels et différentes organisations estudiantines ont annoncé qu’elles boycotteraient les élections présidentielles. (2)

Lors des élections municipales de février 2003 et des élections du septième Majlis de février 2004, le taux de vote n’était que de 50%. Les électeurs favorables à la réforme ont choisi de ne pas se rendre aux urnes, en raison de la disqualification massive des candidats réformateurs par le Conseil des Gardiens et en réaction aux mesures judiciaires des conservateurs visant les maires réformateurs de Téhéran. (3)

Le vote des populations défavorisées et la « deuxième Révolution islamique »

L’élection d’Ahmadinejad s’explique aussi par le vote des classes défavorisées : malgré l’appel du camp réformateur et de la presse réformatrice à voter pour Rafsandjani au deuxième tour, celles-ci ont massivement opté pour le maire conservateur de Téhéran. Ont appelé à voter pour Rafsandjani et contre Ahmadinejad des politiciens réformateurs tels que Mehdi Karroubi et Moustafa Moïn (candidats au premier tour, ainsi que Mohammed Baqer Qalibaf), les membres de mouvements réformateurs tels que le Front de participation islamique d’Iran, l’Organisation des Mojahidine de la république islamique, l’Association des oulémas combattants, le Séminaire des enseignants de Qom ; des ayatollahs tels que l’ayatollah Taheri Esfahani, des intellectuels, des journalistes et des artistes. Le vote des classes défavorisées est toutefois allé à Ahmadinejad.

Rafsandjani, autrefois l’allié du père de la Révolution islamique, l’ayatollah Ruhollah Khomeiny, est aussi un millionnaire et un politicien très influent, que les classes défavorisées ont probablement identifié à la corruption du régime actuel. Malgré la promesse qu’il a faite d’augmenter l’allocation chômage (4) et malgré son engagement à mettre en œuvre des réformes en Iran, il n’a pas su convaincre les plus démunis, les chômeurs et les partisans de la réforme. (5)

En revanche, le conservateur Ahmadinejad a su s’attirer les faveurs des Gardiens de la Révolution et du Basij, et s’est servi du réseau des mosquées en Iran comme tribune, les imams de la prière du vendredi ayant appelé les fidèles à voter pour lui.

Ahmadinejad s’est présenté au public comme un conservateur aux mains propres déterminé à combattre la corruption étendue à tous les services gouvernementaux. A cela s’ajoute son programme socio-économique, qui fait la part belle aux valeurs de justice et de moralité islamique, à l’intégrité et la pudeur - conformément aux principes de la Révolution islamique. (6)

Ahmadinejad s’est efforcé de paraître proche des préoccupations du peuple. L’affrontement verbal qui l’a opposé au président sortant Mohammed Khatami, fin avril 2005, alors qu’il était maire de Téhéran, illustre bien ces efforts : En retard à la cérémonie de remise des diplômes de l’université de Téhéran, où il devait être nommé Docteur honoris causa, le président Khatami s’est plaint des embouteillages de Téhéran, déclarant devant tous : « Les personnes responsables de la gestion de la ville sont incapables de remplir leurs obligations... Je vous présente mes excuses au nom de ceux qui ne savent pas gérer la ville. » En réponse, Ahmadinejad a conseillé à Khatami de « prendre le bus », précisant que si Khatami était resté dans son bureau du centre ville au lieu de s’exiler dans les grands ensembles huppés et modernes du nord de la ville, il serait plus sensible aux problèmes quotidiens de la population. Il s’est déclaré « ravi de constater que le président s’est trouvé au moins une fois bloqué dans les embouteillages de Téhéran, afin qu’il sache ce que l’on ressent dans ces cas-là. » (7)

La relève des Gardiens ; absence de réformistes aux postes-clé.

M. Ahmadinejad, tout comme le président du Majlis Gholam-Ali Haddad-Adel, fait partie de la génération « du milieu » de la Révolution islamique, fidèle aux valeurs de la Révolution pour avoir grandi au sein des services de l’establishment. Contrairement à certains membres de la « vieille garde », ce ne sont pas des hommes de foi. Ahmadinejad est un ancien commandant des Gardiens de la Révolution et bénéficie du soutien du bloc conservateur au Majlis et de celui de l’imposant parti conservateur. (8)

Les postes exécutifs du pays sont à présent détenus par des conservateurs de la « génération du milieu ». Malgré les déclarations du Guide iranien Khamenei selon lesquelles le régime repose sur deux « ailes », l’aile conservatrice et l’aile réformatrice du régime, toutes les branches du gouvernement se trouvent à présent aux mains des conservateurs. (9) Il semble que le régime conservateur préfère ses propres disciples (lesquels ont grandi au sein des institutions du régime) à la génération des fondateurs, à laquelle appartiennent Hachémi Rafsandjani et Mehdi Karroubi.

Si jusqu’aux dernières élections, les réformateurs iraniens bénéficiaient d’une certaine représentation officielle, avec le président sortant Mohammed Khatami, il n’en ont plus aucune aujourd’hui.

Y a-t-il eu fraude électorale ?

Trois questions demeurent en suspens, concernant l’éventualité de fraudes électorales :

1) Le matin du 18 juin, jour consécutif au premier tour des élections, le quotidien conservateur Kayhan (proche du Guide iranien Ali Khamenei) a publié les résultats de la course très serrée opposant Ahmadinejad et Karroubi - alors que le compte des voix n’a été rendu public que le soir. Comment Kayhan a-t-il pu connaître à l’avance les résultats ?
2) Ahmadinejad est passé de 5.7 millions de votes au premier tour à 17 millions au second tour - un saut qui peut paraître suspect.
3) Le nombre de voix remportées par Ahmadinejad au second tour (17 millions) dépasse (de près de 6 millions) le nombre total de votes (11.4 millions) remportés par l’ensemble du camp conservateur. (10)

Brève biographie d’Ahmadinejad

Mahmoud Ahmadinejad, âgé de 49 ans, est né à Garmsar, au Sud est de Téhéran ; il est le quatrième d’une famille de huit enfants. Son père, forgeron, est allé vivre à Téhéran avec sa famille quand Ahmadinejad avait un an.

En 1980, Mahmoud Ahmadinejad militait au sein des rassemblements étudiants révolutionnaires qui ont amené la Révolution islamique. Au début de la guerre Iran-Irak, en 1980, Ahmadinejad a rejoint les combattants iraniens sur le front Ouest.

En 1986, il a rejoint les Gardiens de la Révolution, participant à des opérations secrètes à Kirkuk, en Irak. Plus tard, il est devenu ingénieur en chef de la sixième armée des Gardiens de la Révolution, et chef d’Etat major des Gardiens de la Révolution pour les provinces de l’Ouest.

Ahmadinejad a obtenu un doctorat d’ingénieur de la circulation et des transports de l’Université des sciences et de la technologie en 1987.

Il a été, pendant quatre ans, gouverneur de Maku et Khov, deux villes de la province de l’Ouest d’Azerbaïdjan, dans les années 1880 ; il a en outre été Conseil du gouverneur général de la province du Kurdistan pendant deux ans.

En 1993, alors qu’il était conseiller au ministère de la Culture, il a été nommé gouverneur général de la province du Nord ouest d’Ardabil. Il a été nommé « gouverneur exemplaire » pendant trois années consécutives. En 2003, il était élu maire de Téhéran. (11)

* Ayelet Savyon est directrice du projet des médias iraniens de MEMRI.

(1) IRNA (Iran), le 25 juin 2005
(2) Voir l’Enquête et analyse n° 226 de MEMRI
(3) Lors des élections du septième Majlis, le Conseil des Gardiens a disqualifié plus de 2000 candidats réformateurs. A plusieurs reprises, les conservateurs ont mis les bâtons dans les roues de maires réformateurs de la capitale, les accusant de corruption et les contraignant à démissionner. Ces mesures expliquent le taux de participation de 15% aux élections municipales de 2003 et la victoire d’Ahmadinejad, élu maire.
(4) Aftab-e Yazd (Iran), le 22 juin 2005
(5) Iran (Iran), le 22 juin 2005
(6) Sharq (Iran), le 20 juin 2005 ; Yazd (Iran), le 21 juin 2005
(7) Iran Daily (Iran), le 1er mai 2005
(8) Sharq (Iran), le 21 juin 2005
(9) Voir l’Enquête et analyse n° 226 de MEMRI
(10) Les votes du camp conservateur au premier tour : Ahmadinejad : 5.7 millions ; Qalibaf : 4 millions ; Larijani : 1.7 millions ; au total, 11.4 millions de votes. Au premier tour, Rafsandjani a récolté près de six millions de votes, Karroubi 5 millions et Moïn 4 millions, tandis que Mehralizadeh en recevait 1.2 millions. En tout, 16 millions de voix sont allées aux réformateurs au premier tour. En revanche, au second tour, Rafsandjani n’a récolté que 10 millions de votes.
(11) Aftab-e Yazd (Iran), le 26 juin 2005


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