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Un détail pour l’Histoire ?
Par Guy Senbel pour Guysen International News
Article mis en ligne le 27 mars 2009

Cette semaine, nous souhaiterions attirer l’attention de nos lecteurs sur les infâmes propos que Jean-Marie Le Pen a réitérés mercredi 25 mars au Parlement de Strasbourg sur les chambres à gaz. Cette semaine, le Moyen-Orient aura été le théâtre d’une actualité brûlante, marquée par un attentat contre un leader de l’OLP à Beyrouth, l’avancée de la formation du gouvernement de Benyamin Netanyahou ou le trentième anniversaire de paix entre l’Egypte et Israël. Mais la dérive langagière de Le Pen, et ce qu’elle véhicule, ne sont pas à mettre aux oubliettes de l’actualité. Le « détail de l’histoire » n’est pas un détail pour l’Histoire.

« Détail de l’histoire », selon le Président du Front National qui, à quelques mois des élections européennes, emploie de nouveau sa stratégie de communication en instrumentalisant la Shoah. Faire parler de lui, tenter de se singulariser encore, de se différencier à tout prix. La méthode est connue, le piège médiatique est une nouvelle fois bien tendu. Il n’en reste pas moins que les propos du leader de l’extrême droite française ne sont ni polémiques ni irrévérencieux, mais bien dangereux et choquants.

« Je me suis borné à dire que les chambres à gaz étaient un détail de l’histoire de la Seconde guerre mondiale, ce qui est une évidence. » Jean-Marie Le Pen, candidat aux élections européennes dans le Sud-est, a réagi devant le Parlement européen, aux propos du président du groupe socialiste, l’Allemand Martin Schulz, qui l’avait traité mardi 24 mars de « négationniste ».

Cette fois le « détail de l’histoire », évidence selon Le Pen, aura suscité l’indignation de l’ensemble des groupes du Parlement Européen qui se sont mis d’accord pour modifier le règlement interne de l’institution afin que Le Pen, en tant que doyen, ne préside pas la prochaine session inaugurale qui aura lieu le 14 juillet prochain.

La tribune Européenne de Jean-Marie Le Pen aura servi dit-on à remettre à la Une des journaux un homme qui veut montrer par son obstination le mépris et la cruauté. Déjà condamné en 1987 pour avoir prononcé des propos négationnistes identiques, condamné déjà pour « banalisation de crimes contre l’humanité » et « consentement à l’horrible », Jean-Marie Le Pen, quelques semaines après l’affaire de l’évêque négationniste Williamson, risque de relancer un autre débat, sensible en Europe et particulièrement en France, le débat sur l’information et l’éducation relative à la Shoah.
Ce n’est pas Le Pen qui susciterait l’indignation nationale, mais la Shoah dont on parlerait trop, ou qui susciterait la concurrence des mémoires…

La lutte conte le révisionnisme n’est pas une initiative récente en Europe. A la fin des années 1990, les chefs d’Etats européens s’étaient engagés à ce qu’un petit livre d’histoire aux vertus pédagogiques, « Dites-le à vos enfants », fût distribué dans chaque foyer européen. Les pays scandinaves, l’Italie, l’Espagne, l’Angleterre avaient alors respecté leur engagement. Il fallait que tous les Européens sachent, que leurs bibliothèques accueillent au moins un livre sur le plus grand crime de tous les temps.
Il fallait qu’ils comprennent que l’idée même d’Europe est née du constat que l’union de ses membres devait servir la paix, éviter la guerre, ses atrocités, ses crimes contre l’humanité, une notion développée par les juges de Nuremberg qui, au-delà de l’exécution des plus grands criminels nazis, jugèrent l’Histoire.

Jugée, la Solution finale, condamnée dès 1945, pourtant, l’histoire de la Shoah a bien du mal en France à s’émanciper du tabou, malgré la déclaration du Président Chirac en 1995 sur la responsabilité de la France pendant la Seconde guerre mondiale. La règle est simple. Plus les pays ont pratiqué une politique collaborationniste forte avec l’Allemagne nazie, plus il est douloureux pour la mémoire nationale d’assumer ses chapitres sombres.
En France, les tendances négationnistes doivent être combattues avec une particulière vigilance. Force est de constater que les jugements et les lois ont du mal à inscrire dans l’inconscient collectif le principe selon lequel l’antisémitisme est un crime.

Les réactions politiques aux propos manifestés par le leader de l’extrême-droite française sont plutôt rassurants, à priori. Jean-Marie Le Pen « est un danger pour la démocratie », a déclaré Aurélie Filippetti, députée socialiste candidate aux européennes dans l’Est. Et le député PS des Landes Henri Emmanuelli s’est indigné : « C’est chaque fois le même cinéma : une campagne électorale arrive, Monsieur Le Pen fait de la provocation pour que le système d’information s’intéresse à lui, et manifestement, il réussit. » Les groupes de droite condamnent aussi, mais l’inquiétude demeure.

Où sont les manifestants et leurs bannières ? Les intellectuels ont-ils fait le choix cette fois de mépriser par le silence des propos qui risquent de relancer la polémique sur un « ras-le-bol » lié à une culpabilité, au refus d’assumer et au doute sur la nécessité de transmettre ?
A quelques semaines de la conférence de Durban II, les propos de Jean-Marie Le Pen risquent fortement de semer le trouble, d’ajouter à la confusion.

Fait rare, Patrick Le Guillou, secrétaire départemental du Front National en Ille-et-Vilaine a annoncé jeudi 26 mars qu’il quittait son parti, refusant de cautionner les récents propos de son Président. La décision est courageuse. Elle montrerait que la conscience historique reste pour certains élus et représentants politiques la condition essentielle de leur engagement.

Les propos de Le Pen précèdent de quelques semaines aussi le procès du « gang des barbares », les meurtriers d’Ilan Halimi, jeune juif tué parce que juif, victime d’un antisémitisme post-Shoah animé par des vedettes qui font de « l’antisionisme » leur carte d’accès au débat politique...

Non, les propos de Le Pen ne sont pas un détail pour l’Histoire.

Cette semaine, nous pensons à Guilad Shalit, soldat de Tsahal et citoyen français, otage du Hamas depuis 1008 jours.



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