Dans son discours télévisé le 11 septembre 2006, le Président Bush a dit que nous ne devons pas " laisser nos enfants face à un Moyen-Orient dominé par des Etats terroristes et des dictateurs radicaux dotés d’armes nucléaires ". Il n’existe qu’un seul candidat à ces critères : l’Iran.
Le jour suivant, il répondait ainsi (propos rapportés par Rich Lowry et Kate O’Beime de la " National Review ") à une question sur l’Iran : " Il est très important que le Peuple américain voit que le président essaie de résoudre les problèmes diplomatiquement avant de recourir à la force militaire ".
" Avant " implique que l’un suit l’autre. Le signal est sans ambiguïté. Une attaque aérienne sur les installations nucléaires de l’Iran se pose juste derrière l’horizon de la diplomatie. Avec la crise qui s’avance et le moment de vérité qui approche, il est important de commencer à envisager à présent l’option militaire avec une honnêteté à toute épreuve.
Les coûts seront terribles :
" Economiques : une attaque sur l’Iran verra probablement les prix du pétrole s’envoler en une nuit à 100 $ ou même à 150 $ le baril. Cela provoquera une récession mondiale peut-être aussi profonde que celle déclenchée par la révolution iranienne en 1979.
L’Iran pourrait suspendre ses propres exportations de 2,5 millions de barils par jour, et pourrait même être rejointe par le Venezuela d’Hugo Chavez, affirmant sa primauté comme chef du monde anti-impérialiste. Mais encore plus efficacement, l’Iran provoquera un choc sur le marché pétrolier en fermant le détroit d’Ormuz, à travers lequel 40 % des exportations mondiales circulent chaque jour.
L’Iran pourrait faire cela en attaquant des bateaux dans le détroit, en enchaînant ses propres navires, en posant des mines, ou simplement en menaçant de lancer des missiles anti-navires contre chaque tanker le traversant.
La marine des USA sera oblige de briser le blocus. Nous y réussirons, mais à un coût considérable. Et cela prendra du temps - pendant lequel l’économie mondiale descendra en spirale.
" Militaires. L’Iran activera ses délégués en Irak, en particulier l’armée du Mahdi de Moqtada Sadr. Sadr provoque déjà des désastres par des attaques sectaires contre des civils sunnites. L’Iran pourrait ordonner à l’armée du Mahdi, et à ses autres agents dans la police et les forces armées, de prendre les armes contre les institutions du gouvernement central lui-même, menaçant l’ancrage du nouvel Irak.
Beaucoup de partisans du Mahdi mourront, mais ils vivent pour mourir. Beaucoup de soldats irakiens et de la coalition mourront aussi probablement.
Parmi les moindres dangers militaires, l’Iran peut activer des cellules terroristes à travers le monde, bien qu’avec une capacité nucléaire, cette menace soit à peine stratégique. Il sera aussi très difficile de déchaîner son mandataire le Hezbollah, désormais assagi par la destruction qu’il a provoqué au Liban lors du dernier round contre Israël, et dissuadé par la présence des Européens dans la zone tampon du Sud Liban.
" Diplomatiques. Il y aura des critiques énormes de l’Amérique dans le monde entier. La plus grande part devra être écartée. La rue musulmane manifestera encore quelques jours, après avoir rempli ses réserves de drapeaux américains à faire flamber, et dont la plupart étaient épuisées depuis les émeutes des caricatures [de Mohammed]. Leurs gouvernements exprimeront leur solidarité avec un Etat musulman frère, mais cela sera totalement hypocrite. Les arabes sont terrifiés par la montée de l’Iran nucléaire, et se réjouiraient en privé de sa chute.
Les Européens seront moins hypocrites parce que leur anti-américanisme viscéral bat leur calcul rationnel. Nous leur aurons fait une énorme faveur en leur épargnant la menace de têtes nucléaires iraniennes, mais ils nous diffameront quand même.
Voilà les coûts. On ne doit pas les nier. Cependant, le prix de ne rien faire est tout aussi indéniable.
Dans la région, l’Iran perse deviendra immédiatement la puissance hégémonique dans le Moyen-orient arabe. Aujourd’hui, elle est dissuadée d’une agression ouverte contre ses voisins par la menace de représailles conventionnelles. Contre un Iran nucléaire, une telle dissuasion devient bien moins crédible. Comme ses voisins faibles et non nucléaires du Golfe persique s’en accommoderont, l’Iran jihadiste prendra le contrôle de la région la plus stratégique du globe.
Ensuite, il y a le danger plus grand de permettre l’acquisition d’armes nucléaires par des fanatiques religieux emportés dans une croyance eschatologique de la survenue imminente de l’apocalypse, et de leur propre devoir divin de hâter la fin des temps. Les mollahs sont infiniment plus enclins à utiliser ces armes que tout autre, dans l’histoire de l’âge nucléaire. Chaque ville du monde civilisé vivra sous le spectre d’une annihilation instantanée délivrée par un missile ou par un terroriste. Et cela d’un pays qui a un Jour officiel de " Mort à l’Amérique " et a déclaré depuis l’ascension de l’ayatollah Khomeiny que Israël doit être rayé de la carte.
Contre le fanatisme millénariste glorifiant le culte de la mort, la dissuasion est un vœu pieux. L’Occident est-il prêt à mettre en jeu ses villes peuplées de millions d’habitants sur ce médiocre pari ?
Voilà les questions. Voilà les calculs. La décision n’attendra pas plus d’un an.
http://jewishworldreview.com/cols/krauthammer091506.php3
**NdT : Charles Krauthammer est médecin de formation.
En plus du sens immédiat, il utilise sans doute en anglais le mot "Calculus" à dessein, pour signifier un "calcul" que l’on décèle en cas de "lithiase" urinaire ou hépatique : ces affections sont particulièrement douloureuses, et nécessitent souvent une intervention chirurgicale.
"calculus" était aussi en latin un petit caillou, une "pierre" utilisée pour compter. _ _ Les deux mots ont donc strictement la même origine.
C’est pourquoi j’ai traduit cette liaison "médico-politique" voulue par l’auteur par " Pierre d’achoppement ".