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Paz Azran ou les réalités du pilonnage palestinien venant de Gaza
Hélène Keller-Lind
Article mis en ligne le 4 décembre 2012

La cloche sonne dans une école juive de Montréal, annonçant la fin du cours. Paz Azran sursaute.Un instant ce bruit strident l’a replongée dans les jours de terreur qu’elle vient de connaître, comme toutes les populations du sud d’Israël, dans la période ayant mené à l’Opération Pilier de Défense puis pendant celle-ci. Car, là-bas, une alarme stridente prévient de l’arrivée imminente d’un engin de mort. De jour comme de nuit. Et la population a entre quinze et trente secondes pour se mettre à l’abri. Paz Azran, une adolescente particulièrement mûre, raconte et analyse.

« Le calme, mais pour combien de temps » ?

Nous sommes à une dizaine de jours après la fin du cauchemar vécu par une grande partie de la population israélienne. Un cauchemar qui ne s’est pas terminé avec le cessez-le-feu ayant théoriquement mis fin à l’Opération israélienne Pilier de Défense - Opération menée pour enrayer les attaques incessantes venant de la Bande de Gaza ou tout au moins les réduire -. Ce sont, en effet, quinze missiles qui ont été tirés après l’entrée en vigueur de cet accord, souligne Rose Hasid, une enseignante à l’ORT Ronson d’Ashkelon, - l’ORT un réseau d’écoles d’excellence dans le monde qui accueillent en Israël des élèves de diverses origines, arabe ou druze y compris - ; ORT d’Ashkelon sérieusement endommagée dernièrement par un tir de roquette. C’était le troisième tir ayant touché l’école depuis le départ d’Israël de la Bande de Gaza en 2005. Rose Hasid ajoute : « mais, quand il y a un cessez-le-feu, nous, on ne peut rien faire, on ne peut pas répliquer ». Pour l’heure le calme règne. Mais une question taraude cette mère de cinq enfants : « pour combien de temps » ?

Paz Azran témoigne à Montréal comme elle l’a fait à Ashkelon devant Benyamin Netanyahou et 70 diplomates étrangers

Rose Hasid est venue à Montréal accompagner l’une de ses élèves, Paz Azran, 17 ans, invitée à participer au gala annuel de l’ORT Montréal, en présence, notamment de Martin Rochwerg et Jack Kincler, Président et Vice-Président de l’ORT Canada. L’adolescente, qui s’exprime dans un anglais parfait, a été remarquée lorsqu’elle a été choisie pour dire devant quelque 70 diplomates étrangers, en présence du Premier ministre israélien, les réalités du quotidien israélien dans les zones à portée de tirs de missiles ou roquettes lancés depuis la Bande de Gaza .

N’ayant eu que quelques minutes pour s’y préparer, l’adolescente avait décidé de dire ce qu’elle ressentait, tout simplement. Évoquant d’abord, comme elle le fait, à nouveau en ce début décembre à Montréal, la Bar Mitzvah de l’un de ses frères, la veille de son intervention. « Il a fallu se préoccuper de savoir s’il y avait des abris assez proches et où ils se trouvaient », dit-elle, « car c’est la première questions que poseraient les invités en arrivant ». Elle dit ensuite la hantise ressentie par tous pendant la célébration car un missile pouvait venir l’interrompre à tout moment...Fort heureusement, dit-elle, ce n’est que deux heures après la fin de celle-ci qu’une roquette est tombée près de là...

« Vous voyez des immeubles, moi je vois des abris... »

Paz expliquait ensuite comment sa vie diffère de celle des autres enfants. Elle sait, en effet, que si elle entend une sirène retentir elle a trente secondes pour se mettre à l’abri « sinon je pourrais être blessée » dit-elle. Ce qui est moins lorsque l’on vit plus près de la Bande de Gaza. Alors, par exemple, prendre une douche, cela doit être fait très rapidement, au cas où...quant à se concentrer en classe, cela est difficile car le moindre son inhabituel fait aussitôt redouter une attaque. On ne peut être dans la rue sans se demander où courir se cacher si nécessaire, dit-elle. Ajoutant « vous voyez des immeubles, moi je vois des abris... » Paz est d’une telle maturité que lorsqu’on lui parle ou on l’écoute on oublie qu’il s’agit d’une jeune fille de dix-sept ans.

A Montréal elle évoque « les sirènes au milieu de la nuit », cette vie rythmée par une terreur qui vient en vagues de trois ou quatre jours, avec, entre deux, des accalmies d’une durée indéterminée. Faisant vivre ces populations dans une hantise perpétuelle. Parlant de son frère de treize ans, Paz souligne qu’il n’a jamais connu une autre réalité que celle d’une vie sous les tirs palestiniens. Depuis 2005 et le retrait israélien de la Bande de Gaza, ce sont, en effet, 12.000 roquettes ou missiles qui ont été tirés sur les populations civiles du sud d’Israël. Rose Hasid précise que la situation est plus intolérable encore pour ceux qui vivent plus près de la Bande de Gaza car ils subissent des tirs plus fréquents que dans des villes comme Ashkelon. « A Kfar Aza, cela a été tous les jours depuis douze ans », dit-elle, ajoutant « on a tendance à l’oublier... »

Une école visée délibérément, un traumatisme qui perdure...

Lorsqu’on demande à Paz si elle peut se détendre quelque peu dans le calme québecois, elle répond par une anecdote : alors qu’elle était reçue dans l’école juive de Bialik de Montréal la sonnerie marquant la fin d’un cours a retenti. Mais, pendant un instant, elle a cru que cela était une alerte... « Si une seule roquette tombait ici », dit-elle, « que se passerait-il, que dirait la presse qui, généralement, ne rend pas compte de la terreur que nous subissons, » s’interroge Paz.

Terreur d’autant plus forte que son école a été délibérément prise pour cible, explique-t-elle. Lors de l’Opération Plomb Fondu des documents saisis dans la Bande de Gaza ont montré, en effet, que certains tirs n’étaient pas faits au hasard mais visaient des cibles précises. Car tout dépend de la roquette ou missile et de l’opérateur. Cibles dont des écoles, comme la sienne, ou des hôpitaux. Fort heureusement son école, comme d’autres, n’ont été touchées qu’alors qu’elles étaient vides. Lors d’une escalade particulièrement grave, comme cela a été le cas dans les jours ayant précédé l’Opération Pilier de Défense et pendant celle-ci, Tsahal demande, en effet, aux écoles de fermer. Les plafonds et planchers défoncés de l’ORT Ronson, Paz les évoque aujourd’hui avec encore une certaine incrédulité teintée d’angoisse dans la voix.

« Je resterai même si ma terre brûle »

Pourtant il est hors de question pour elle ou sa famille de quitter la ville. « On ne fuira pas », dit-elle « ce n’est pas ainsi qu’on peut régler la situation, on ne renoncera pas à notre terre ». Elle cite alors une chanson en hébreu qui dit « je resterai même si ma terre brûle ». A propos de ceux qui ont choisi de quitter la ville pendant ces tirs palestiniens elle a ce commentaire : « c’est un signe de faiblesse et on ne peut être faible ». Pour sa part Paz a choisi de combattre à sa mesure, avec ses mots, Internet, les réseaux sociaux, des blogueurs. Elle a rejoint un groupe de soixante-dix étudiants pour ce faire. Utilisant ses compétences en langue, puisqu’en plus de l’hébreu, sa langue maternelle, et l’anglais elle parle aussi russe et arabe. Elle a d’ailleurs appelé Al Jazeera pour protester contre des reportages entièrement biaisés. Ainsi, « deux heures après le déclenchement de Pilier de Défense, Al Jazeera faisait état de centaines de blessés, ce qui était totalement faux... » dit-elle.

La presse trompée par des photos d’enfants morts exhibées

Elle s’étonne d’ailleurs de la manière dont maint média a le plus souvent tu les jours ayant précédé l’Opération Pilier de Défense, puis rapporté l’Opération elle-même. Sans doute, est-ce parce que le Hamas exhibe des photos d’enfants morts, qui ne sont pas forcément morts à Gaza car des photos d’enfants tués en Syrie ont été diffusées, dit-elle, alors qu’Israël ne montre pas ses morts et ses blessés. Quant à la différence entre le nombre de victimes en Israël et dans la Bande de Gaza, souvent soulignée dans les médias, Paz explique que le prix de la vie n’est pas le même pour les Israéliens et le Hamas qui parle, lui, de « martyrs » allant au Paradis et étant un honneur pour leur famille. Ce qui explique, dit-elle, qu’Israël construise des abris ou en fasse construire dans les immeubles. Alors que le Hamas ne le fait pas, s’abritant, au contraire, derrière des civils.

« Les Palestiniens, eux aussi, sont victimes du terrorisme »

Civils palestiniens dont elle déplore la mort ou les blessures. « Nous ne voulons pas qu’ils soient tués, je suis désolée pour eux, ce sont, eux aussi, des victimes du terrorisme ». Ni elle ni son enseignante n’auront d’ailleurs aucune parole de haine contre les Palestiniens, affirmant « nous voulons qu’ils aient un État, nous voulons la paix pour les deux peuples ». Paz ne parvient pas à comprendre pourquoi les Palestiniens se refusent à accepter l’existence d’un État juif, seule demande préalable formulée par Israël. « Même ça, ils ne veulent pas le dire » déplore-t-elle.

Paz sait qu’il y a eu des manifestations dites de soutien aux Palestiniens, comme à Montréal ou à Paris. Toutefois elle estime que ces manifestants « ne pouvaient être vraiment pro-palestiniens, ils n’ont pas leurs intérêts à cœur, ce sont, en réalité, des anti-israéliens ».

En ce qui concerne l’avenir, elle est plutôt sceptique quant à la durée de la trêve actuelle. Se bornant à espérer, malgré tout, « six mois, un an de silence ». Après son bac, ce sera l’armée. Puis, dit-elle, elle aimerait se diriger vers des études et une carrière lui permettant d’utiliser ses talents linguistiques. Mais, pour l’heure, tout cela lui paraît bien lointain....Ce qui la préoccupe aujourd’hui est de savoir combien de temps va durer ce silence, synonyme de paix, auquel elle aspire.

On peut aussi voir la vidéo de Paz Azran ici http://www.youtube.com/user/PazAzran



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