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Les caractéristiques du nouvel antisémitisme
Shmuel Trigano Intervention à la conférence organisée par la délégation italienne auprès du Conseil de l’Europe, le 28 juin 2012
Article mis en ligne le 1er juillet 2012

Quelle est la structure du « nouvel antisémitisme », de cette idéologie promouvant la haine des Juifs et apparue au début des années 2000 en Europe ? C’est la démarche propre à la sociologie politique qui peut nous aider à la clarifier. Avec le « nouvel antisémitisme », nous sommes effectivement confrontés à une idéologie qui, comme toute idéologie politique, se nourrit d’une vision manichéenne de l’histoire. Les discours moraux et sentimentaux ne peuvent rien saisir de sa réalité. L’indignation ne peut se substituer à une analyse. Je proposerai un modèle en 6 points.

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I-L’opération symbolique fondatrice de cette idéologie, son idée-mère, met en œuvre un dédoublement de la figure juive.

Cette opération est possible parce qu’une nouvelle donne s’est produite dans la condition juive : l’apparition d’un Etat d’Israël souverain.
Le nouvel antisémitisme oppose :

§1- Le sioniste au Juif.
§2-Le Juif souverain, étatique, au Juif victime de la Shoah
§3-L’universel de la Shoah, à la mémoire juive de la Shoah


II-Cette série de dissociations fonde une série d’oppositions qui convergent sur la figure de l’Etat d’Israël censé cristalliser le « mal »

sioniste Juif
Juif souverain Juif victime
Shoa particulariste Shoa universelle
Mal Bien



III-Ce dédoublement permet un discours de déni

§1- L’antisionisme se présente comme une critique légitime de la politique du gouvernement israélien alors qu’il est une critique illégale de l’existence de l’État

Or, une telle critique n’est pas légitime car elle vise l’État dans le gouvernement. On distingue en droit constitutionnel de la démocratie, l’État, instance permanente d’une nation, du gouvernement, représentation politique temporaire de l’État. L’antisionisme, qui, sous le prétexte de la critique d’un gouvernement, conteste la légitimité de l’État d’Israël et donc son existence comme telle (jugée raciste), vise de facto à la disparition de 6 millions de Juifs israéliens, c’est à dire à l’extermination de toute une population qui n’acceptera pas de se faire le hara kiri exigé d’elle.

Quand l’existence de l’État est jugée légitime, il se voit l’objet de demandes abusives qui ne sont adressées à aucun autre État de la planète et qui procèdent, donc, d’un système de « deux poids, deux mesures », typique d’un jugement immoral et discriminatoire.

La critique est, par ailleurs, illégale, car, outre son droit fondamental de devenir un peuple libre et souverain sur la terre de ses ancêtres, le peuple juif a fondé un État sur la base d’un consensus et de traités internationaux, ce dont ne peuvent se prévaloir que très peu d’États.

La délégalisation d’Israël à laquelle se livrent les Palestiniens à un niveau international et juridique constitue une instrumentalisation du droit que l’on définit en anglais en forgeant le mot de « lawfare », « guerre juridique ». Son but unique est la propagande, afin de donner une forme « morale », « juridique », à leur tentative d’ostraciser Israël sur la scène mondiale (dominée à l’ONU par l’Organisation de la Conférence Islamique, rassemblant plus de 60 États).

§2-La mémoire de la Shoah autorise la nazification d’Israël
Par le biais d’une opération symbolique sur la mémoire de la Shoah, procédant par sa pseudo- universalisation (c’est à dire le dépouillement du caractère juif des victimes) et la reconnaissance positive exclusive d’une figure du Juif construit comme victime, victime non plus juive mais humaine.

§3-Le philosémitisme cache l’antisémitisme
L’exaltation du Juif victime se veut une preuve de philosémitisme et de moralité puisqu’elle épouse la cause de la victime.

Elle permet de fustiger la mémoire juive de la shoah comme opération d’accaparement égoïste d’un drame « universel » et d’accuser l’Israël souverain (le contraire d’une figure victimaire) d’avoir trahi cette morale victimaire et de tirer profit de la culpabilisation de l’Occident. La « mémoire de la Shoah » permet aussi aux nouveaux antisémites d’interdire aux Juifs de nommer leur antisémitisme de son nom, en prétendant que l’usage de ce terme et de la mémoire de la Shoah visent à imposer le silence aux « légitimes » critiques d’Israël.



IV- L’attaque d’Israël cache celle des Juifs européens

L’antisionisme en Europe consiste concrètement et formellement à attaquer des cibles juives européennes (évidemment sous prétexte de leur « sionisme »). Les cibles de l’agression et de l’hostilité sont des citoyens juifs européens. Sur le plan du boycott c’est une guerre psychologique et médiatique qui se mène, dont le but est de ruiner en Europe même le prestige moral des Juifs.

§1-Le caractère antisémite des agressions subies par les Juifs est l’objet d’un déni par les Etats et les opinions.
Sous prétexte qu’elles sont motivées par l’antisionisme, elles sont définies comme étant « importées » d’un conflit étranger à l’Europe, c’est à dire du Moyen Orient (et donc, de surcroît, de la faute d’Israël).

Cependant les meurtriers (comme Mohamed Merah) et les agresseurs sont nés en Europe et relèvent de la citoyenneté des pays d’Europe. Ils ne sont pas originaires du Moyen Orient s’ils sont la plupart du temps double-nationaux des pays d’Afrique du Nord et les Juifs ne sont pas de nationalité israélienne.

Ce présupposé inexact conforte l’irresponsabilité des autorités publiques. On a ainsi défini le nouvel antisémitisme sous le vocable de « tensions inter-communautaires », alors que les Juifs n’ont jamais attaqué personne. Le terme d’antisémitisme pour qualifier les agressions est l’objet de gloses absurdes sur le plan du débat public et des tribunaux, autre marque de déni de la réalité.

L’agressivité dont les Juifs sont victimes n’est en fait reconnue comme « antisémite » que lorsque les néo-nazis sont concernés. Si c’est bien le cas en Europe de l’Est, ce n’est pas le cas en Europe de l’Ouest où toutes les agressions viennent de milieux musulmans (1), non pas du fait de la politique israélienne mais d’un antijudaïsme endémique en Islam qui a chassé de leurs pays et spoliés 900 000 Juifs, entre 1940 et 1970 et qui se perpétue en Europe.

§2-La critique de l’antisémitisme est récusée et censurée.
Un phénomène de censure ou d’exclusion par indifférence est à l’œuvre dans l’opinion et les médias occidentaux. Elle touche des idées et des hommes.

Toute alerte à l’antisémitisme est accusée d’islamophobie, un véritable « contre-concept » créé il y a quelques années pour paralyser l’accusation d’antisémitisme à l’égard des milieux islamistes ou musulmans, censés être par principe innocents. Cela n’enlève rien au fait qu’il y a aussi du racisme à l’égard des populations musulmanes. Le problème est que les victimes de racisme peuvent aussi développer du racisme. Par contre l’accusation de racisme lancée contre les Juifs est répandue.

L’agressivité dont les Juifs sont victimes est mise sur le compte de « l’antisionisme », et donc justifiée puisqu’il est réputé « raciste » et coupable, à la source de l’agression. Ou bien, deuxième version du déni, elle est interprétée comme une conséquence de la souffrance sociale des milieux de l’immigration musulmane, qui excuserait cette agressivité.



V-Diabolisation d’Israël versus apothéose des Palestiniens

§1- Nazification d’Israël comme figure

  • cruelle (« les Juifs tuent des enfants » : le mythe religieux de l’enfant Al Dura)
  • criminelle (Israël commet des génocides, à Djénine, à Gaza)
  • raciste (la démocratie israélienne pratique l’apartheid)
  • impérialiste (le complot juif)

    C’est, de fait, au nom des enfants de Gaza que des Juifs sont agressés ou assassinés (comme à Toulouse) en Europe de l’Ouest aujourd’hui.

    §2-Prise en otage de la mémoire de la Shoah
    Les Palestiniens victimes se voient opposés aux Israéliens bourreaux, d’une façon qui fait des premiers les vrais héritiers de la mémoire de la Shoah et des seconds des bourreaux nazis. Gaza est un « camp de concentration », Israël puissance occupante de « territoires occupés » et les Palestiniens sont des « Résistants ». Une entreprise d’occultation du réel par une terminologie appropriée est à l’œuvre.

    « L’industrie de l’Holocauste » est au service des Palestiniens mais aussi des activistes du multiculturalisme, c’est à dire des foyers mêmes où le nouvel antisémitisme a surgi : la Shoah est notamment constamment invoquée pour fonder toute une série de demandes abusives ou culpabiliser la conscience publique.
    
C’est cette opération que théorisa parfaitement Edward Saïd quand il définit les Palestiniens comme « les victimes des victimes ».

    Ce système qui abaisse la valeur d’Israël pour hausser le prestige des Palestiniens, au nom de la Shoah, pourrait être défini comme l’abaissement superlatif (via la Shoah) des Juifs.

    §3-Une croyance quasi religieuse
    Nous sommes là face à une véritable croyance qui tient de la religion. Les Palestiniens, font office de nouveau « peuple élu ». Le cas de figure rappelle immanquablement la théologie de la substitution d’avant Vatican II.

    Cette distinction en effet rejoint le dualisme classique qui accompagne toujours la haine des Juifs. Elle a opposé, à travers l’histoire, le nouvel Israël à l’Israël déchu, la oumma élue aux Juifs infidèles, la nation aux citoyens juifs, le citoyen républicain au Juif, l’Israélite au Juif, etc.

    §4-Cette diabolisation des Juifs réactive des mythes archaïques du christianisme et de l’islam mais aussi de la modernité.
    Crime rituel, complot, trahison et duplicité des Juifs voisinent avec la quête par l’extrême gauche d’un nouveau sujet révolutionnaire à l’échelle de l’humanité (en l’occurrence les Palestiniens, le « peuple en danger » de la planète)

    Cette diabolisation est partagée par la quasi totalité des médias européens et relayée sur le terrain par une multitude d’associations et d’activistes dont c’est l’unique préoccupation.



    VI- Maltraitance symbolique : la sphère culturelle européenne est gagnée par l’inimitié envers les Juifs :

    L’insécurité concrète touchant les Juifs se produit dans une atmosphère d’inimitié ambiante, qui se déploie dans la sphère médiatique, éditoriale, académique, voire religieuse.

    Du point de vue du judaïsme et de la culture juive, toute une littérature de livres et de magazines est apparue, autant obsédée par la chose juive que par le projet de ruiner son prestige. Les thèmes s’étagent de l’histoire biblique à l’essence (violente, cruelle (2), etc.) du judaïsme, en passant par la bande dessinée (3), à moins que l’on aborde la chose juive par un biais problématique et transgressif (la chaine Arte est spécialiste de cette approche). L’histoire et la politologie reprennent sans vergogne le récit arabe du conflit du Moyen Orient. C’est lui qui est diffusé dans l’université, au désavantage d’Israël. La chose transparaît jusque dans les manuels de l’éducation nationale et à commencer par le Collège de France. En religion, la résurgence du discours paulinien sur les Juifs, et avant tout parmi des penseurs athées et post-marxistes, connaît une nouvelle version, couplée à l’antisionisme.

    Le discours journalistique, depuis la première « Intifada » en pleine période d’Oslo, est à l’origine de cette évolution. Il diffuse un scénario tout fait, qui pré-existe à n’importe quel événement, commandé par le principe de la culpabilité intrinsèque et existentielle d’Israël, mâtiné d’un flot de communication puissant en rapport avec la mémoire de la Shoah. Les événements sont réécrits en faveur de la « moralité » de la cause palestinienne (4). Les événements sont présentés de façon biaisée, par exemple en commençant par les conséquences de représailles israéliennes avant l’agression palestinienne qui les a provoquées, ou en occultant une partie de l’histoire et de la généalogie des événements. Dans les séquences de « reportage », la soldatesque anonyme israélienne est face à des récits ayant pour héros des individus palestiniens dont on nous dit jusqu’au nom et nous raconte l’histoire personnelle, toujours souffrante, etc. Pour les médias français, il n’y a pas de société civile en Israël, Israël n’est pas une société… Gaza se réduit à la morgue de l’hôpital : on n’y voit jamais les terroristes du Hamas ou les centres commerciaux, luxueux et florissants, etc. Personne ne sait que les cameramen et rabatteurs des journalistes sont des Palestiniens aux ordres de l’Autorité palestinienne (5) …

    Cette « maltraitance » est une scène décisive du « nouvel antisémitisme ». Elle ne relève pas de la responsabilité des populations immigrées et musulmanes, mais des sociétés européennes elles mêmes et de leurs élites. Néanmoins, elles créent un climat favorable à l’agression et fournissent, avant l’acte, une « justification » morale émanant de la société (6).



    Pourquoi l’Europe est-elle le cadre de ce phénomène ?

    3 causes sociologiques :

    1)La construction européenne a mis en crise les identités nationales et les Etats des Etats-nations d’Europe de l’Ouest. L’affaiblissement de la souveraineté étatique a amoindri la citoyenneté qui ne peut plus protéger les individus, surtout qu’elle est de plus en plus conjuguée dans les termes des « minorités » et du multiculturalisme.

    2) Il n’y a plus eu, de ce fait, de modèle d’intégration nationale qui s’impose à une vague puissante d’immigration, provenant d’un monde dont la religion ne s’était pas modernisée et qui, de surcroît, était traversé du ressentiment post colonial et de courants propres à l’islam, notamment le djihad mondial

    3)Les ravages de l’idéologie post-moderniste qui accompagne dans toutes ses manifestations cette évolution et brouille des enjeux décisifs.

    Nous pourrions dire, ainsi, que l’idéologie du nouvel antisémitisme se développe dans des cadres socio-politiques et mentaux qui lui sont favorables.



    L’inconnue
    La question inquiétante qui se pose est celle de savoir quelle sera l’étape suivante de cette destruction symbolique, de cette vilification.

    L’objectif de ce discours mensonger est de mettre au ban de la vie internationale les Juifs, de détruire leur image, peut-être pour légitimer une violence de plus grande échelle à leur encontre dans un avenir indéterminé ?
    
En règle générale, on déshumanise un ennemi avant de lui porter le coup fatal en toute « légitimité » (et les Palestiniens voudraient que ce soit aussi en toute « légalité » lorsqu’ils instrumentalisent le droit international et les tribunaux pour destituer Israël et le droit des Juifs qui le souhaitent d’être un peuple souverain sur la terre de leurs ancêtres).

    Une nouvelle ère de la haine des Juifs ?
    Avec l’apparition de cette nouvelle forme de haine des Juifs, nous entrons dans une nouvelle ère de l’histoire. A l’antijudaïsme de la société traditionnelle a succédé l’antisémitisme de la société moderne démocratique. Aujourd’hui apparaît, à l’ère de la mondialisation, une toute nouvelle forme que nous définirons comme elle se définit elle même : l’antisionisme. On peut déjà en identifier les constituants structuraux.

    P.S. : Dans le débat qui a suivi les interventions de Fiamma Nirenstein, Robert Wistrich et de moi même, nous avons eu la stupéfaction d’entendre, dans l’assistance, un membre de la délégation hongroise au Conseil de l’Europe proférer un véritable discours antisémite, avec tous ses poncifs. Nous ne pouvions mieux mesurer la réalité crue de nos analyses.

    *Intervention à la conférence organisée par la délégation italienne auprès du Conseil de l’Europe, le 28 juin 2012, « The Longest Hatred, the European Engagement Against Antisemitism », à l’occasion de la session de l’assemblée parlementaire de l’UE.

    Notes :

    (1) La question est posée mais qui la pose ? Les individus responsables d’agression de hasard dans la rue sont-ils vraiment des activistes islamistes ? Ce sont plutôt des citoyens lambda, ce qui pose la question du rapport du monde musulman au phénomène antisémite dans ses propres rangs.
    (2) Je peux mettre un titre ou des titres sous ces différentes rubriques
    (3) Dernier exemple, Les Chroniques de Jérusalem de Guy Delisle
    (4)On peut se souvenir des dépêches de l’AFP, réécrivant les discours d’Arafat pour en gommer les aspects négatifs et les outrances (cf. les bulletin de l’Observatoire du monde juif)
    (5) Tous nos travaux dans le cadre de l’Observatoire du monde juif démontrent ces allégations. Toutes nos publications sont téléchargeables gratuitement sur Obs.monde.juif.free.fr
    (6) Exemples : hier, la parole de Hubert Védrines, alors ministre, exprimant qu’il « comprenait » les agressions antijuives et, aujourd’hui, les explications sociologiques ahurissantes expliquant pourquoi Merah est un assassin, dont les causes bien sûr incomberaient totalement à la société française…


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