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Le rôle de l’armée en Egypte et Israël
Par David Ruzié, professeur émérite des universités, spécialiste de droit international
Article mis en ligne le 8 décembre 2011

L’Egypte vient de se doter d’un nouveau Premier ministre, mis en place par le Conseil supérieur des forces armées, qui assure la transition du pouvoir, après la chute de Moubarak, en février dernier, cependant que les élections législatives vont se poursuivre jusqu’à la fin de l’année.

Or, pour l’instant, les islamistes – Frères musulmans et salafistes – sortent largement vainqueurs du scrutin (ils auraient obtenu près de 65% des voix), ce qui est de nature, à juste titre, à inquiéter Israël.

Ce triomphe de l’islamisme constitue une menace certaine sur l’évolution souhaitée des pays concernés par un mouvement de révolte populaire vers la démocratie.

Après la Tunisie et le Maroc, c’est au tour de l’Egypte de faire naître une telle crainte, au vu des résultats des élections en cours (en attendant, sans doute, le cas de la Libye….).

D’aucuns ont, déjà, fait remarquer que le « printemps arabe » risque de conduire à un « automne islamiste ».

Devant une telle évolution, on ne peut manquer de penser à la remarque du philosophe politique Montesquieu, qui, au XVIIIème siècle, insistait, déjà, sur l’importance de l’environnement sur les institutions.

Les lois étant « les rapports nécessaires qui dérivent de la nature des choses », elles sont forgées par l’histoire et « déterminées par le milieu — le climat — dans lequel elles voient le jour » de telle sorte qu’ « il ne faut pas chercher à acclimater les usages d’un pays dans un autre »,

Ainsi, il ne paraît pas assuré, à l’heure actuelle, que la démocratie puisse s’acclimater dans le monde arabe, voire musulman (les problèmes politiques rencontrés en Irak et en Afghanistan en sont une preuve supplémentaire).

Toujours est-il que si la démocratie implique le respect du droit, celui-ci se trouve remis en question par les islamistes, qui n’hésitent pas à prôner le renversement des règles en vigueur, pour y substituer les leurs, au détriment des droits acquis et du droit à la différence.

C’est dans ces conditions que plusieurs dirigeants islamistes égyptiens n’ont pas caché leur intention de remettre en question le traité de paix israélo-égyptien, signé en 1979.

Juridiquement, aucune remise en question unilatérale de cet accord n’est pourtant possible, mais, malheureusement, la société internationale a l’habitude des violations du droit.

Et c’est là que peut intervenir l’armée égyptienne.

Sans vouloir nous livrer à un procès d’intentions, il nous paraît évident que les militaires égyptiens ne sont, certainement pas, enclins à une empathie naturelle pour l’Etat d’Israël , dont l’armée leur a, à plusieurs reprises, depuis1948, infligé de cruelles défaites.

Et pourtant, l’armée égyptienne nous semble constituer un rempart contre d’éventuelles dérives hostiles à Israël, pour autant qu’elle sera en mesure de maintenir le rôle qu’elle exerce depuis qu’elle a renversé la monarchie en 1952.

Depuis, Neguib, les « raïs » qui se sont succédé (Nasser, Sadate, Moubarak) se sont, depuis près de 60 ans, appuyés sur l’armée.

Certes, après une période d’hésitation, en février dernier, l’armée a fini par abandonner Moubarak, ce qui a entraîné sa chute.

Et, si par la suite, elle a laissé le mouvement populaire prendre de l’ampleur, elle n’a pas hésité, en novembre dernier, à réagir brutalement, place Tahrir, pour éviter que l’anarchie ne l’emporte.

Et face à une évolution de la classe dirigeante civile vers une hostilité marquée à l’égard d’Israël, il n’est pas certain que l’armée restera également « l’arme au pied ».

Car tout autant que l’anarchie, une telle politique serait de nature à mettre en péril la situation privilégiée dont jouit l’armée en Egypte.

Equipée par les Etats-Unis qui, d’ailleurs, forme aussi ses officiers supérieurs depuis plusieurs années, l’armée égyptienne et, en tout cas, son haut commandement bénéficie d’un statut et d’avantages financiers qu’elle ne serait pas disposée à perdre.

Ce qu’on sait moins c’est que l’armée joue également un rôle économique : elle contrôle un certain nombre d’entreprises publiques dans des secteurs très divers, d’EgyptAir à des compagnies pétrolières et bien d’autres. Et d’anciens militaires sont également à la tête d’un certain nombre d’entreprises privées.

Entre 15 et 30% de l’économie égyptienne seraient, ainsi, aux mains de militaires ou d’anciens militaires.

Il est évident qu’une telle position dominante serait menacée, si les Etats-Unis étaient amenés à « sanctionner » une radicalisation du pouvoir égyptien à l’égard d’Israël, par une remise en question de l’aide apportée à l’armée égyptienne.

Et paradoxe de la situation c’est donc sur ses anciens ennemis qu’Israël peut compter plus que sur un mouvement populaire dirigé contre l’autoritarisme de Moubarak, que d’aucuns présentaient, parfois, comme un soutien d’Israël, dans le monde arabe.

Ce qui, pour notre part, nous est toujours apparu comme quelque peu « angélique », compte tenu, non seulement du fait que l’ancien président égyptien ne ménageait pas ses critiques contre Israël, mais également, du fait – souvent ignoré – qu’en septembre 2000, au moment des propositions, pourtant très avantageuses, faites par Ehoud Barak à Yasser Arafat, Hosni Moubarak avait fait le tour de plusieurs capitales arabes pour qu’elles exercent des pressions sur le leader palestinien afin qu’il n’accepte pas de signer un quelconque accord avec Israël.

Il est vrai qu’Israël a si peu d’amis qu’il est souvent conduit, nolens volens, à en exagérer, parfois, l’importance.



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