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Le discours d’Obama : il faut savoir (ou vouloir) lire ce qui est écrit
Par David Ruzié, professeur émérite des universités, spécialiste de droit international
Article mis en ligne le 22 mai 2011

On ne peut manquer – naïvement – de s’étonner de certaines réactions enregistrées au lendemain du discours prononcé par le président américain, le 19 mai, devant le Département d’Etat (démarche comparable à celle du président de la République française, lorsqu’il s’adresse à la conférence annuelle des ambassadeurs français).

En effet, le journal Le Monde , daté du 21 mai, titre à la Une : « M. Obama prône un Etat palestinien dans les frontières de 1967 ».

Toutefois, légère nuance, en titre de la page 6 : « M. Obama favorable à un Etat palestinien sur la base des frontières de 1967 », ce qui n’est pas tout à fait la même chose (souligné par nous).

Mais ce n’est pas non plus le reflet de la réalité.

Et dans l’article même, le correspondant à Washington du journal répète que Barak Obama s’est prononcé « pour la création d’un Etat palestinien sur la base des frontières de 1967 » (souligné par nous).

Et ce n’est qu’un peu plus loin, dans l’article (mais la désinformation est déjà passée et le mal fait) que l’on trouve un extrait (entre guillemets ) qui reflète effectivement ce que Barack Obama a dit : « les frontières d’Israël et de la Palestine devraient être fondées sur les lignes de 1967 avec des échanges sur lesquels les deux parties seraient d’accord » (souligné par nous) ((The borders of Israel and Palestine should be based on the 1967 lines with mutually agreed swaps….).

Ce n’est plus du tout la même chose et l’on est, alors, en droit de se demander pourquoi reléguer à l’arrière-plan la vérité.

Sans doute pour accréditer l’idée qu’il n’est, à la limite, pas besoin de négocier puisqu’il existe déjà des « frontières », qui justifieraient la reconnaissance, d’ores et déjà, de la Palestine, thèse pour laquelle milite le journal parisien et qu’écarte, au contraire, le président américain.

Le président américain a donc déclaré : "Les frontières d’Israël et de la Palestine devraient être fondées sur les lignes de 1967 avec des échanges sur lesquels les deux parties seraient d’accord…. » (souligné par nous).

Contrairement à ce que certains pourraient nous reprocher, ce n’est pas jouer sur les mots que de faire une différence entre se fonder sur des « lignes » de 1967 (en l’occurrence une ligne – dite Ligne verte - de cessez-le-feu et de démarcation entre les forces militaires en présence) ou reconnaître qu’il existe déjà des « frontières » depuis 1967.

L’utilisation du conditionnel et non du présent montre bien que les « frontières » n’existent pas encore et que leur détermination devrait intervenir à la suite de négociations prenant comme base de discussion la ligne de démarcation.

Il nous faut rappeler une fois de plus que ce n’est qu’abusivement que l’on évoque l’existence de « frontières de 1967 », car cette affirmation méconnaît à la fois la lettre et l’esprit de l’accord d’armistice conclu, en 1949, avec la Jordanie.

Le texte de l’accord écarte formellement l’idée que la ligne de démarcation puisse être considérée comme une frontière (article VI-9 : The Armistice Demarcation Lines defined in articles V and VI of this Agreement are agreed upon by the Parties without prejudice to future territorial settlements or boundary lines or to claims of either Party relating thereto).

On ne pouvait être plus clair : l’accord laissait ouvert la question du règlement territorial, des frontières et des revendications des Parties et d’ailleurs, à plusieurs reprises, et encore, au lendemain de la guerre de Six Jours, le représentant jordanien aux Nations Unies déclarait : « il n’y a pas de frontières ».

D’ailleurs on ne comprendrait pas pourquoi la fameuse résolution 242, dont la version française diffère, par ailleurs, du texte original anglais (celui-ci envisageant le retrait israélien « de » territoires – « from territories – et non « des » territoires) aurait évoqué l’établissement de « frontières sûres et reconnues », si des frontières existaient déjà.

Et c’est cette même formule qu’a reprise Barak Obama.

Evoquant des négociations entre les deux Parties sur la base de la Ligne verte (et non en considérant celle-ci comme la frontière), les deux Parties seraient amenées à envisager des échanges de territoires « afin d’établir des frontières sûres et reconnues pour les deux Etats » (so that secure and recognized borders are established for both states).

Le point de départ de la négociation serait la Ligne verte (the line) afin d’aboutir à la délimitation de « frontières » (borders).

On ne comprend d’ailleurs pas que selon certaines informations (v. le site lepoint.fr) les Israéliens seraient mécontents du discours, car le plan américain les obligerait à renoncer aux « blocs de colonies ».

Or, précisément la question pourrait être résolue par un échange de territoires.

De même, on ne voit pas pourquoi les Israéliens s’offusquent de la prise en compte de la Ligne verte, dès lors que celle-ci ne servirait que de base de discussion.

Un point de départ ne se confond pas nécessairement avec un point d’arrivée, car sinon pourquoi négocier ?

Quand on discute, il faut bien partir d’une certaine situation : en l’occurrence pourquoi pas la ligne de cessez-le-feu de 1949, ligne, qui a d’ailleurs, servi, de point de départ, pour le tracé de la barrière de sécurité ?

La notion de « frontières sûres » conduit d’ailleurs tout naturellement à écarter l’idée que la Ligne verte devrait constituer la ligne frontière, répondant ainsi à la critique israélienne, selon laquelle celle-ci conduit à des situations « indéfendables ».

De même on ne voit pas pourquoi les Israéliens ne sont pas d’accord pour placer en tête de la négociation la question des frontières, alors que les deux autres problèmes (Jérusalem et le sort des « réfugiés ») sont étroitement liés à la délimitation du nouvel Etat.

L’établissement de la capitale de l’Etat palestinien et le sort des réfugiés découleront nécessairement de la délimitation du territoire du nouvel Etat.

Il y a une logique certaine a débuter par la délimitation des frontières plutôt que de mener de front la discussion sur trois problèmes distincts.

On regrettera que du côté israélien on n’ait pas retenu le souci du président américain de veiller à la sécurité d’Israël et son rejet d’une reconnaissance de la Palestine lors de la prochaine Assemblée générale des Nations Unies.

. « Enfin, c’est juste notre avis ».



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