Jean de La Fontaine a toujours été l’un de mes auteurs français favoris.
Laissons aux snobs le mépris de ses fables : inspirées par la sagesse d'Esope et la verve populaire, elles nous content en une page bien des travers de l'âme humaine, et des relations entre les hommes. La Fontaine a su être courageux et fidèle à ses amis et à ses idées, les défendant face à un « Roi Soleil » qui ne supportait que la flagornerie. Face à cela, seuls l'ironie et l'humour ouvrent un espace de liberté.
L'actualité m'a rappelé encore une fois la sagesse du fabuliste.
Aujourd'hui, nous apprenons par une dépêche AFP qu' «Israël a accepté que des observateurs de l'Union européenne (UE) soient déployés dans le terminal de Rafah qui permet le passage entre la bande de Gaza et l'Egypte, a indiqué lundi à l'AFP un responsable israélien ».
.../"Les contrôles seront exercés par les Egyptiens et l'Autorité palestinienne du côté égyptien du terminal, tandis que du côté palestinien des observateurs européens seront présents et nous rendront compte de ce qui se passe", a ajouté ce responsable, qui a requis l'anonymat.
La dépêche AFP poursuit :
.../ « Il a précisé qu'un circuit de caméras sera également installé du côté palestinien du terminal ce qui permettra aux autorités israéliennes de "savoir ce qui se passe en temps réel"./...La technologie c'est bien beau, à condition qu'il y ait des bons techniciens derrière.
Les services de renseignements américains étaient probablement les mieux équipés au monde avant le 11 septembre, mais si personne n'est là pour exploiter le renseignement, à quoi sert-il ?
Il faut dire que les pressions sur Israël étaient fortes. La dépêche ajoute :
.../ « M. Wolfensohn dans une lettre adressée il y a deux semaines aux membres du Quartette avait déploré le fait que le gouvernement israélien "se comporte comme s'il n'y avait pas eu de retrait" de la bande de Gaza ».../ et puis :
...« La secrétaire d'Etat américaine, Condoleezza Rice, avait ensuite exhorté Israël à résoudre la question de la circulation aux frontières de la bande de Gaza »./...
La dépêche poursuit :
.../ « Le 26 octobre, Israël et l'Egypte étaient parvenus à un accord de principe sur les points de passage reliant l'Egypte à la bande de Gaza lors d'une visite au Caire du ministre israélien de la Défense Shaoul Mofaz. »/.../...« A cette occasion, il avait été convenu que le passage de la frontière s'opèrera pour les personnes à Rafah, tandis que les marchandises transiteront par le terminal israélien de Kerem Shalom, dont la construction doit être achevée d'ici la fin de l'année. »/...
Enfin elle se termine ainsi :
.../ « Peu après le retrait israélien de la bande de Gaza, une confusion a régné à la frontière ce qui a permis à des milliers de Palestiniens de la franchir librement pendant plusieurs jours pour se rendre en Egypte. Le point de passage de Rafah n'avait par la suite été ouvert que de façon intermittente. »/...
Si nous lisons bien cette dépêche, pas même entre les lignes, nous avons là tous les éléments d'une catastrophe sécuritaire annoncée pour Israël :
Les services de renseignement israéliens savent parfaitement :
1 - que des éléments d'al Qaïda se sont infiltrés du Sinaï vers la bande de Gaza ;
2 - que quantité d'armes et de munitions sont passées en contrebande par cette même voie dès le retrait d'Israël de la bande de Gaza ;
3 - que les Egyptiens ne respectent absolument pas leurs engagements de contrôle du passage de cette frontière et de ce qu'on appelait « l'axe Philadelphi » :
4 - que le salaire des 750 soldats égyptiens déployés sur cette frontière leur ouvrira toutes les tentations de corruption par les contrebandiers palestiniens, aussi bien en armes, munitions, explosifs, drogues, prostituées, et bien entendu terroristes en mal de « s'exploser ».
A cela va venir s'ajouter l'intervention d'un tiers :
Israël a accepté que des observateurs de l'Union européenne (UE) viennent s'interposer.
Souvenons-nous du comportement de Jacques Chirac en octobre 1996 à Jérusalem, lorsque des policiers ont voulu assurer sa sécurité : il a créé le scandale sciemment en les repoussant bruyamment, pour complaire aux foules arabes parmi lesquelles il est un dirigeant très populaire
Que croyez-vous que feront les « observateurs de l'Union Européenne ?
L'UE, souvent chaperonnée par la France dans ses relations diplomatiques pour la « résolution du conflit du Proche-Orient » s'est -elle montrée équitable vis-à-vis d'Israël dans le passé ?
Poser la question, c'est y répondre, puisque aussi bien les positions de l'Allemagne, de l'Espagne, et des « responsables » européens sont depuis vingt ans en faveur de la « cause palestinienne », dernier avatar de la « lutte finale », d'autant plus commode qu'il autorise le business avec des pays riches en pétrole, tout en flattant la rage des jeunes mal intégrés.
La France, et le quai d'Orsay en tête, va se faire un bonheur d'envoyer des « observateurs « à cette frontière de Rafa, comme elle l'a fait à la frontière libano-israélienne après le retrait total des troupes israéliennes du sud Liban en 2000.
Cela a-t-il protégé les Israéliens des tirs et des incursions du Hezbollah en territoire israélien ? Non, évidemment. Vous direz qu'il s'agit d'observateurs, et non pas de soldats en charge d'assurer la paix et l'ordre. Mais dans ce cas, à quoi serviront-ils ?
Et pourquoi bon sang, les dirigeants Israéliens ont-ils cédé aux pressions « amicales » de Wolfensohn, représentant du Quartet, et de Condoleezza Rice, soucieuse de se ménager les bonnes grâces du monde arabe aux dépens du « petit allié » israélien ?
Il s'agit d'une faute impardonnable, car les conséquences sont prévisibles sans le moindre doute, comme nous les avons énoncées.
Et c'est là que la fable de Jean de La Fontaine prend sa saveur appliquée à cet exemple :
Remplacez Raminagrobis par l'Union Européenne,
Remplacez la belette par « l'Autorité Palestinienne », ou ce qui en tient lieu,
Remplacez le petit lapin par Israël,
Et vous aurez un tableau assez exact de l'erreur commise, et de ses conséquences prévisibles si les dirigeants israéliens ne se ressaisissent pas.
L'espoir est mince. La dépêche précise :
.../ Ce responsable qui a requis l'anonymat, a également indiqué que le cabinet de sécurité devait entériner ces arrangements. La radio publique a précisé que l'approbation devrait intervenir mardi./...
Au secours ! Comme si l'Iran ne suffisait pas.
Jean de La Fontaine : Le chat, la belette et le petit lapin
Du palais d'un jeune lapin
Dame belette, un beau matin,
S'empara: c'est une rusée.
Le maître étant absent, ce lui fut chose aisée.
Elle porta chez lui ses pénates, un jour
Qu'il était allé faire à l'aurore sa cour,
Parmi le thym et la rosée.
Après qu'il eut brouté, trotté, fait tous ses tours,
Jeannot Lapin retourne aux souterrains séjours.
La belette avait mis le nez à la fenêtre.
«Ô Dieux hospitaliers ! que vois-je ici paraître?
Dit l'animal chassé du paternel logis.
Hola! madame la belette,
Que l'on déloge sans trompette,
Ou je vais avertir tous les rats du pays.»
La dame au nez pointu répondit que la terre
Etait au premier occupant.
C'était un beau sujet de guerre Qu'un logis où lui-même il n'entrait qu'en rampant!
« Et quand ce serait un royaume,
Je voudrais bien savoir, dit-elle, quelle loi
En a pour toujours fait l'octroi
A Jean, fils ou neveu de Pierre ou de Guillaume,
Plutôt qu'à Paul, plutôt qu'à moi. »
Jean Lapin allégua la coutume et l'usage.
«Ce sont, dit-il, leurs lois qui m'ont de ce logis
Rendu maître et seigneur, et qui, de père en fils,
L'ont de Pierre à Simon, puis à moi Jean, transmis.
Le premier occupant, est-ce une loi plus sage?
- Or bien, sans crier davantage,
Rapportons-nous, dit-elle, à Raminagrobis. »
C'était un chat vivant comme un dévot ermite,
Un chat faisant la chattemite,
Un saint homme de chat, bien fourré, gros et gras,
Arbitre expert sur tous les cas.
Jean Lapin pour juge l'agrée.
Les voilà tous deux arrivés
Devant sa majesté fourrée.
Grippeminaud leur dit:« Mes enfants, approchez,
Approchez, je suis sourd, les ans en sont la cause.»
L'un et l'autre approcha, ne craignant nulle chose.
Aussitôt qu'à portée il vit les contestants,
Grippeminaud, le bon apôtre,
Jetant des deux côtés la griffe en même temps,
Mit les plaideurs d'accord en croquant l'un et l'autre.
Ceci ressemble fort aux débats qu'ont parfois
Les petits souverains se rapportant aux rois.