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La justice et la peur en France
Par Michel Gurfinkiel
Article mis en ligne le 18 juillet 2009

Une haie de gendarmes au Palais de Justice de Paris, en travers de la salle des Pas Perdus, au moment où la cour rendait son verdict dans l’affaire du « Gang des Barbares » : les tortionnaires et assassins d’Ilan Halimi.

Cette image, qui a fait le tour des médias français le week-end dernier, est un aveu. Il est rare, en effet, qu’on déploie ainsi la force publique dans le prétoire. On ne l’a fait, de toute évidence, que pour contenir un public qui n’aurait pas été satisfait des verdicts. Ou des manifestants qui auraient déjà franchi, ou bousculé, d’autres barrages et d’autres contrôles de sécurité. En d’autres termes, par embarras ou par peur.



Tout, dans le traitement de l’affaire Ilan Halimi, trahit un tel état d’esprit. Pourquoi la police n’est pas intervenue contre les Barbares avant le trépas du jeune garçon ? Parce qu’elle « ne pouvait imaginer », ont expliqué en substance ses porte-parole, que le Gang irait « aussi loin ».

La police française a des défauts. Mais du moins connaît-elle son métier. Et sait-elle à quoi s’en tenir sur la nature humaine. On peut supposer qu’elle « imaginait » fort bien, en réalité, ce que subissait Ilan et ce qu’il risquait. Mais qu’elle craignait de s’attaquer à une criminalité lovée dans ce qu’il est convenu d’appeler « le quartier ». Un raid qui tourne mal, dans un tel contexte, c’est l’émeute assurée. Il lui fallait donc prendre son temps pour préparer l’opération. Tout son temps. Ilan n’a pas tenu jusque là.



La peur, encore, se lit dans la décision de juger les Barbares à huis clos. Officiellement, c’est pour respecter l’âge de l’un des accusés. Mais chacun comprend que le vrai motif est ailleurs. Un procès public, ce sont des scènes, des attitudes, des gestes, des regards, des mots. Des bribes de vie qui entrent, comme des tisons enflammés, dans les consciences individuelles et dans la conscience collective. Mais surtout l’effet magnifiant, multiplicateur, des médias.

Un procès à huis clos, ce sont des débats abstraits, qui ne laissent de trace que dans les archives. Et les médias quasi baillonnés. C’est Dreyfus sans l’espoir d’un Zola.

La peur, toujours, dans le verdict. Fofana, le chef du Gang, est condamné à la peine maximale prévue par la loi française actuelle.
Dont acte.

Mais ses comparses ? Quatorze peines en deçà des réquisitions, à commencer par les neuf ans, au lieu de quatorze, qui frappent « l’appât », la fille qui a séduit le malheureux Ilan, et l’a attiré dans le piège mortel. Neuf ans, soit, compte tenu des réductions de peine quasi-automatiques, quatre ou cinq ans seulement de réclusion. Le garde des Sceaux, Michèle Alliot-Marie, a fait appel de ces sentences au nom de la République.
Dont acte, là encore.

Mais aurait-on osé les prononcer sans le huis clos ?

La peur, toujours et encore, dans le refus de qualifier d’ « antisémite » le meurtre d’Ilan Halimi, circonstance aggravante selon la loi de la République. Ce qui renvoie à la logique, déjà mentionnée, des « quartiers ». Une telle qualification, entend-on dire, aurait été reçue comme une insulte par une partie de l’opinion, et provoqué des « tensions intercommunautaires ». Autant dire carrément que l’application de la loi est sujette, dans la France de 2009, à l’approbation et au bon vouloir ceux qui ne lui accordent pas de vraie légitimité. Et donc que la souveraineté n’y est plus une et entière, mais multiple et morcelée.

La loi faisant de la motivation antisémite une circonstance aggravante a été votée par les représentants du peuple et validée par les instances juridiques indépendantes dont l’avis est requis avant promulgation. Elle n’est la loi que dans la mesure où elle a été tenue pour conforme aux principes du droit français. Et cette confirmation lui a été accordée dans la mesure exacte où elle n’accorde pas aux juifs français un statut spécial mais prend acte des pulsions meurtrières particulièrement atroces dont les juifs, en France et ailleurs, ont été l’objet, et le sont encore.

Mais un tel raisonnement ne peut être ni admis, ni compris, par des milieux pour lesquels le droit en soi n’existe pas, et la loi ne saurait être autre chose que l’expression d’un rapport de forces.

A tout prendre, j’aurais préféré que cette qualification n’existe pas, et qu’on se borne à l’application, franche et honnête, de lois républicaines plus anciennes, mais non moins efficaces. En attendant, la loi est la loi. Et le courage civique est de l’appliquer.



Le Nouvel Observateur a publié, l’autre semaine, un article remarquable (Les médias, par nature, sont les alliés de la démocratie et du droit. Ils s’égarent souvent, mais finissent souvent par se racheter, dans la mesure où ils font leur travail, qui est d’informer avant de commenter). Une journaliste y relatait les pressions sourdes et les contraintes d’omerta qui régnaient dans le box des accusés, et comment l’un des accusés, décidé à reconnaître les faits et à se repentir, était l’objet de vexations multiples. Personne n’avait fait aussi bien sentir la peur qui corrode aujourd’hui le maintien de la loi en France, ou l’idée même de loi.
Donc acte, et merci.





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