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Caïn est au Darfour
Richard Rossin © Primo Europe
Article mis en ligne le 28 novembre 2006

Quand il lui est demandé où est Abel, Caïn répond :
« - Suis-je le gardien de mon frère ? »
S’interroger sur la question n’est pas déboutonner un prêchi prêcha échappé d’une religiosité bien pensante ; il ne s’agit pas de morale mais de la tentative de mettre en place une éthique, il s’agit rien de moins que de la prise en charge du mouvement de l’Histoire parmi les hommes.

Que s’était-il donc passé en ces temps mythiques ? Caïn avait un différend avec Abel, il n’acceptait pas l’idée que son frère puisse avoir une place comparable à la sienne. Il est allé le voir et lui a dit : « ... »

Il ne lui a rien dit. Le silence est la première violence ! Il ne lui a rien dit et il l’a tué.

Quelle aurait été la faute de Caïn si ses parents n’avaient pas, au préalable, ingéré, digéré le fruit de la connaissance du bien et du mal ? Sans connaissance du mal, la mort d’Abel n’est pas un meurtre ! Ce n’est que la disparition violente d’un être vivant. La justice est impossible à l’ignorant.

Mais alors, qu’avaient donc fait leurs parents ? Avaient-ils commis une faute ou avaient-ils pris une décision en s’emparant ce fruit ? Ils avaient décidé de prendre en main leur avenir, de s’arracher au destin et de construire leur histoire.

Ils avaient fait le choix de la liberté et de l’humanité. Une liberté dont on leur donne le prix de l’inconfort, de la sueur au front, de la douleur à enfanter, des risques de se faire mordre et de reconnaître l’autre le plus différent possible comme la chair de sa chair et les os de ses os. Bref de s’arracher à l’animalité. Ils se sont parlé.

Alors leur fils Caïn, en tuant son frère Abel savait... et pourtant il a tué dans le silence. Pour cela, il est exclu de l’Humanité naissante. Œil pour œil, dent pour dent mais pas de peine de mort ! Il est exclu vers un monde inhumain, sauvage et dangereux. Exclusion pour exclusion !

Pour affronter ce monde là, il obtient une ultime faveur pour sa protection : un signe entre les yeux. Entre les yeux est le signe ! Vois !

Avec la disparition tragique des deux frères, l’Humanité première disparaît.

Il n’y a pas d’avenir pour l’Humanité si l’on n’est pas le gardien de son frère ! Dans ces conditions, l’Histoire devient porteuse de sa propre mort. Tout simplement, il n’y a pas d’avenir possible. Pour les parents il faut donc un nouvel enfant pour l’Humanité ; l’Histoire ne commence pas avec Caïn et Abel, elle commence avec Seth !

Alors où en sommes-nous ?

Là-bas, à l’écart du Nil qui fut un berceau de civilisation, des hommes noirs et musulmans dans le silence tuent leurs frères noirs et musulmans.

Pas seulement dans leur silence mais aussi dans le nôtre. Le silence des hommes reste la violence primordiale, le silence des hommes laisse assassiner !

Souvenez-vous des silences qui tuèrent !! Ils retentissent encore et continuent à assassiner notre Histoire, incapable que nous sommes de l’assumer.

Nous nous taisons et pourtant, comme Caïn, nous savons ! Alors sommes-nous les gardiens de nos frères ? Il ne s’agit pas, encore une fois, de se laisser à aller à la compassion pour les victimes dans l’élan naïf de nos cœurs, il ne s’agit pas de morale mais il s’agit d’éthique, de prendre la conscience du mal et de faire face aux bourreaux, de prendre l’Histoire en responsabilité.

Nous sommes les gardiens de nos frères !


Richard Rossin © Primo Europe
Médecin
ancien secrétaire général de Médecins Sans Frontières & Co-fondateur de Médecins du Monde
Auteur de « Le Silence s’honore » (Sens & Tonka ed.)



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