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A propos de vrais réfugiés
Par David Ruzié, professeur émérite des universités, spécialiste de droit international
Article mis en ligne le 19 mai 2012
dernière modification le 20 mai 2012

Un article du correspondant en Israël du journal Le Monde, publié dans le numéro daté des 19-20 mai, « La Nakba des Juifs ? » nous amène à vérifier la phrase que l’on attribue à Voltaire : « …..gardez-moi de mes amis. Quant à mes ennemis, je m’en charge !".
En effet, à partir d’une déclaration récente du vice-ministre israélien des Affaires étrangères, Laurent Zecchini répercute les commentaires des « deux chefs de file des nouveaux historiens israéliens, Benny Morris et Tom Segev ». à propos des réfugiés juifs des Etats arabes, au lendemain de la création de l’Etat d’Israël.
Lire aussi : Les réfugiés juifs des pays arabes : « Les exilés du silence » pour le réalisateur Pierre Rehov (Hélène Keller-Lind)

Alors que les Palestiniens s’apprêtaient à célébrer, comme tous les ans, le 15 mai, le jour de l’anniversaire (civil) de la création de l’Etat d’Israël - ce qu’ils appellent la Nakba ( catastrophe) qui aurait frappé, de ce fait le peuple palestinien - le ministre Danny Ayalon a publié, le dimanche précédent, un communiqué appelant le public à se rappeler ce qu’il a cru devoir appeler la « véritable Nakba » - « celle des réfugiés juifs des pays arabes ».

Il n’est pas évident que cette appellation soit des plus heureuses, mais après tout, Danny Ayalon, pourtant tenu, du fait de son portefeuille ministériel, à se montrer, en principe, plus « diplomate », n’en est pas moins aussi un leader politique.

Et le chef de son parti (Israel Beteinaou – « Israël, notre Maison »), également son « supérieur hiérarchique », Avigdor Lieberman, nous a, d’ailleurs, habitués à des formules fracassantes du même genre.

Mais, ce sont les propos de ces Israéliens – dont nous ne sommes pas en mesure d’apprécier, par ailleurs, les qualités scientifiques – que nous voudrions dénoncer, aujourd’hui.

Le journaliste français rapporte que Benny Morris estime que le nombre de réfugiés juifs ne dépasse pas « 700 000 personnes », alors qu’une commission parlementaire de la Knesset retient les chiffres de « 856 000 juifs » (ce qui correspond aux chiffres de 900 000 généralement avancés), ce que Tom Segev qualifie de « très idéologique » ( ?).

Et pourquoi ? .

Benny Morris, tout en ne s’élevant pas contre une indemnisation des réfugiés juifs, qu’il considère comme théoriquement « juste » considère, toutefois, qu’il y a peu de chance qu’elle se fasse, car les Juifs « sont réputés riches » (on s’étonne que cet auteur ne se soit pas intéressé au niveau vie de ces réfugiés et de leurs descendants pour dénoncer cette « réputation »).

Mais surtout, ce qui nous choque, c’est que Benny Morris considère qu’ « ils ne sont pas réfugiés », contrairement aux « 4,8 millions de Palestiniens enregistrés comme tels par les Nations unies ».

Comment peut-on qualifier de « réfugiés » des millions de personnes, qui n’ont jamais vécu dans l’ancien territoire sous mandat britannique, où ils prétendent venir, car on ne revient pas là où l’on n’a jamais habité ?

Mais, selon Laurent Zecchini, les deux « historiens » israéliens critiquent ce qu’ils appellent l’ « approche idéologique visant à établir un lien entre les deux Nakbas ».

Nous ne reviendrons pas sur le caractère inapproprié du terme utilisé par Danny Ayalon et ne retiendrons seulement pour critiquer nos deux « historiens » que le fait que, selon eux, les « Juifs d’Orient » auraient été « absorbés » en Israël (environ 600 000) et qu’ils n’ont aucune envie de revenir dans les pays arabes.

Ce qui conduit Benny Morris à affirmer péremptoirement que « le problème des réfugiés juifs est inexistant ».

Effectivement quand on refuse de voir les faits, il n’y a pas de problème.

Comment a dû se faire cette absorption par Israël et à quel prix (cependant que les pays arabes ont confisqué les biens de ceux qui devaient partir) ?

Et, après, tout, pourquoi les pays arabes voisins (Syrie, Liban, Egypte, Jordanie) n’auraient-ils pas « absorbé » leurs frères, comme l’ont fait les Israéliens, au lieu de les laisser croupir dans des camps et les laisser tributaires de la charité internationale ?

Mais Tom Segev –habitué d’affirmations contestables – lui, va même plus loin.

« Si Israël est la patrie de tous les juifs, et que tous les juifs qui s’y installent reviennent chez eux, parce que c’est ce qu’ils ont espéré pendant 2 000 ans – c’est la base de l’idéologie sioniste – comment pourraient-ils être « réfugiés » ?

C’est oublier que ces « réfugiés juifs » n’ont, la plupart du temps, par manque de moyens, pas eu le choix d’aller ailleurs.

Ils ont dû quitter leur pays de résidence, le plus souvent de naissance également : on ne leur a pas donné le choix.

C’est bien ce qui caractérise la notion de « réfugiés » : des personnes qui doivent quitter, contre leur gré, les lieux où ils vivent.

Il nous paraît honteux de dire comme le feraient Benny Morris et Tom Segev que les « réfugiés juifs ont été autant les victimes des pays arabes que….du sionisme ».

Par ailleurs, il n’a jamais été dit que les Palestiniens étaient responsables du sort des juifs expulsés des pays arabes.

Mais il nous semble normal de répondre à ceux qui ne veulent voir que le problème des « réfugiés » palestiniens, qu’il faut, également, tenir compte du problème posé par les réfugiés juifs des pays arabes.

Certes – au risque de nous répéter - évoquer une « Nakba des réfugiés juifs des pays arabes » n’est peut-être pas (c’est le moins que l’on puisse dire) une formule très heureuse.

Toutefois, tout autant que la comparaison indécente faite par les Palestiniens entre la Shoah et la Nakba que nous condamnions, ici-même, il y a presque un an jour pour jour, nous considérons comme inadmissibles la banalisation et la dénaturation du drame des réfugiés juifs des pays arabes, même si ces propos émanent de citoyens israéliens.



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