Savons-nousreconna”tre lĠantisŽmitisme?

 

 

parMe•r Waintrater

 

 

----------------------------------------------------------------

 

Extrait de LĠArche nĦ 577, mai 2006

 

 

NumŽro spŽcimen sur demande ˆ info@arche-mag.com

 

 

Reproduction autorisŽe sur internet avec les mentions ci-dessus

 

---------------------------------------------------------------

 

Lescirconstances de lĠenlvement et de lĠassassinat dĠIlan Halimi ont suscitŽ un ŽtrangedŽbat franco-franais – et, parfois, judŽo-juif. La question Žtait ainsiposŽe: sĠagit-il ou non dĠun acte antisŽmite? Moins que le contenu desarguments ŽchangŽs, ˆ un stade de lĠenqute o les donnŽes sont Žvidemmentpartielles, cĠest la nature mme de ces arguments qui doit nous interpeller. ËlĠaffirmation que le jeune homme avait ŽtŽ ciblŽ en tant que juif, et sansdoute maltraitŽ parce que juif, dĠautres rŽpondaient quĠon nĠavait pas ŽtablilĠexistence chez les criminels dĠÇune idŽologie antisŽmite articulŽeÈ. Ilsaffirmaient encore que lĠantisŽmitisme est par nature Çun mouvement organisŽÈ,et quĠen lĠoccurrence aucune trace dĠune telle organisation nĠa ŽtŽ trouvŽe.

 

Onpeut comprendre, de prime abord, pareilles rŽticences ˆ qualifier dĠantisŽmiteun acte dont la victime est juive. NĠa-t-on pas connu, dans un passŽ rŽcent,des qualifications h‰tives fondŽes sur une information partielle ou trompeuse?Ne faut-il pas Žviter de crier au loup, de crainte que le public refuse de rŽagirface ˆ un antisŽmitisme avŽrŽ? Aprs tout, les Juifs sont exposŽs aux mmesdangers que leurs concitoyens. Une agression, une insulte, une injusticefrappant un Juif ne sont ni plus ni moins condamnables que si elles avaientfrappŽ nĠimporte quelle autre personne. Pour Žtablir lĠexistence dĠuneintention spŽcifiquement antijuive, il faut des preuves solides.

 

LadifficultŽ, en fait, consiste ˆ naviguer entre deux Žcueils: dĠune part, lerecours automatique au mot ÇantisŽmiteÈ ds quĠun Juif est mis en cause, etdĠautre part, la rŽduction de lĠantisŽmitisme ˆ un contexte politique prŽ-dŽterminŽ.Or, si le premier Žcueil est aisŽment dŽfinissable, le second demeure ŽtrangementmŽconnu.

 

Nousavons entendu, dans la pŽriode rŽcente, des personnes nier le caractre antisŽmitedĠune agression contre un Juif au seul motif quĠil y manquait un soubassementidŽologique ou une structure organisationnelle. Peu importe que ces personnesaient eu raison ou pas dans un cas dĠespce. CĠest leur dŽmarche mme qui ŽtaitviciŽe. Et nul nĠa protestŽ. Un peu comme si quelquĠun affirmait quĠil nĠy apas en France de racisme anti-noir parce quĠon nĠy trouve pas de membres du KuKlux Klan en cagoules blanches bržlant des croix dans des jardins de banlieue.Mais non, sĠempresserait-on de lui dire, ce nĠest pas le costume qui fait leraciste, cĠest le fait de sĠen prendre ˆ des Noirs en tant que tels. ƒvidemment.Mais pourquoi ce qui est Žvident, sĠagissant des autres victimes du racisme,cesse-t-il de lĠtre ds quĠil est question des Juifs?

 

LĠantisŽmitismeconsiste ˆ sĠen prendre ˆ des Juifs en tant que tels. Nul besoin dĠorganisationni dĠidŽologie. En cela, lĠombre portŽe du nazisme, qui a sans nul douterenforcŽ la vigilance et la rŽsistance face aux formes immŽdiatementidentifiables de lĠantisŽmitisme, a en mme temps contribuŽ ˆ affaiblir lavigilance et la rŽsistance sur dĠautres fronts. MesurŽes ˆ lĠaune du nazisme,les expressions actuelles du prŽjugŽ antijuif semblent forcŽment limitŽes enampleur. Mais la haine des Juifs est bien antŽrieure au nazisme, et elle a prisdes formes trs diverses.

 

Hitlerserait devenu lĠhorizon indŽpassable de notre pensŽe. Pas de croix gammŽes, pasde camps de la mort, pas dĠŽtoile jaune – pas dĠantisŽmitisme. Alorsquoi, pas antisŽmites, les pogromes russes? Pas antisŽmites, les Žmeutes deConstantine en 1934? Pas antisŽmites, les procs de Prague et lĠaffaire des ÇblousesblanchesÈ? Pas antisŽmites, les dŽcha”nements de Durban en 2001? Ne pas savoirreconna”tre lĠantisŽmitisme quand il se manifeste, ici et maintenant, est unefaiblesse non moins rŽprŽhensible – et potentiellement bien plusdangereuse – que celle qui consiste ˆ voir de lĠantisŽmitisme partout.

 

Leproblme est que nous sommes tentŽs, comme lĠivrogne de la fable, de cherchernotre clŽ sous le rŽverbre et non lˆ o elle est vraiment tombŽe. Le rŽverbre,en lĠoccurrence, cĠest lĠextrme droite. Non quĠil manque dĠantisŽmites au seinde lĠextrme droite: il y sont lŽgion. Cependant, la polarisation sur lĠantisŽmitismedĠextrme droite fait que lĠon peut se donner bonne conscience en sanctionnantici ce quĠon tolre ou quĠon encourage lˆ. Un exemple suffira ˆ Žclairer la chose.

 

Ily a une vingtaine dĠannŽes, Jean-Marie Le Pen, prŽsident du Front national, Žnonceen public une liste de journalistes ÇennemisÈ qui ont tous la particularitŽ depasser, ˆ tort ou ˆ raison, pour juifs. Ë aucun moment, Jean-Marie Le Pen neprononce le mot ÇjuifÈ. Les tribunaux considŽreront pourtant – lĠaffaireira jusquĠen Cour de cassation – que le seul fait de dresser une telleliste implique une intention discriminatoire, et donc condamnable au regard dela loi.

 

QuelquesannŽes plus tard, Tariq Ramadan publie lui aussi une liste de Juifs, ou prŽsumŽstels. Pas oralement: par Žcrit. Ë la diffŽrence de Jean-Marie Le Pen, il prŽcisequĠil sĠagit bien de Juifs, et que cĠest ˆ ce titre quĠil les singularise pourleur imputer un fantasmatique ÇcommunautarismeÈ. Non seulement Tariq Ramadan nesera pas tra”nŽ en justice, mais certains pourfendeurs du Front national, quihier encore nĠavaient pas de mots assez sŽvres pour fustiger la Çliste de LePenÈ, trouvent toutes les circonstances attŽnuantes ˆ la Çliste de RamadanÈ.

 

LĠhistoirene sĠarrte pas lˆ. La Çjurisprudence RamadanÈ ayant annulŽ, aux yeux dĠunepartie de lĠopinion et aussi, hŽlas, aux yeux des personnes chargŽes depoursuivre pareilles infractions, la Çjurisprudence Le PenÈ, les listes de Juifs(ou prŽsumŽs tels) ne cessent de se rŽpandre. Parfois avec le mot ÇjuifÈ,parfois avec des masques transparents comme ÇsionisteÈ, Çpro-israŽlienÈ ouencore ÇnŽo-conservateurÈ, et de plus en plus souvent sans aucun qualificatif,car le public que lĠon incite ˆ vouer ces gens-lˆ aux gŽmonies nĠest pas moinsperspicace que celui ˆ qui Jean-Marie Le Pen sĠadressait il y a vingt ans.DieudonnŽ a usŽ et abusŽ de ce procŽdŽ, mais il est loin dĠtre le seul. Surles sites internet ÇaltermondialistesÈ, il ne passe pas une semaine sansquĠapparaisse une liste de ce genre. En toute impunitŽ.

 

SilĠon veut chercher un fondement ÇidŽologiqueÈ au regard que portaient sur lesJuifs les tortionnaires dĠIlan Halimi, on peut le trouver dans cette nŽbuleuse-lˆ.Ou dans les morceaux de rap antisŽmite qui se promnent, eux aussi, surinternet. Ou dans la diabolisation des IsraŽliens dont Ariel Sharon servitlongtemps de prŽtexte, et qui par osmose sĠest muŽe en diabolisation des Juifs.Pour comprendre cela, il nĠest pas nŽcessaire dĠimaginer un complot antijuifqui serait lĠŽquivalent du complot judŽo-sioniste auquel certains croient durcomme fer. Il suffit de constater la migration des thmes, la contagion desvocabulaires et lĠinterchangeabilitŽ des slogans.

 

LĠantisŽmitisme,a-t-on dit, est un virus mutant. ThŽologique sous le nom dĠantijuda•sme,racialiste sous son appellation actuelle, il a pu prendre la forme dĠune dŽnonciationdu ÇcosmopolitismeÈ ou dĠune diatribe contre les Çassassins de prophtesÈ. Leplus sžr moyen de ne pas reconna”tre lĠantisŽmitisme, cĠest de faire comme lesbien-pensants ŽvoquŽs plus haut: supposer quĠil nĠexisterait que sous la formeexacte o on lĠa dŽjˆ rencontrŽ.

 

LĠenlvementet lĠassassinat dĠIlan Halimi Žtaient-ils des actes antisŽmites? Pour seprononcer sur ce point au regard de la loi, il faut satisfaire ˆ des critresspŽcifiques. Les enquteurs et les juges dĠinstruction y travaillent en cemoment; ensuite sĠexprimeront les procureurs, les magistrats du sige, lesavocats et les jurŽs. Le jugement final, au sens judiciaire comme au sensintellectuel du terme, ne sera rendu quĠau terme de ce processus. Mais ilsemble, dĠores et dŽjˆ, que la sociŽtŽ franaise, la sociŽtŽ tout entire, nepourra faire lĠŽconomie dĠune rŽflexion sur le climat dans lequel des petitsvoyous de banlieue ont pu tre amenŽs ˆ croire quĠun Juif, parce que Juif, Žtaitune meilleure cible quĠun autre Franais.

 

Cequi est en cause, ce nĠest pas seulement le mythe des Juifs Çriches et qui setiennent les coudesÈ, justification pseudo-rationnelle dĠun projet dĠenlvement.CĠest aussi lĠimage des Juifs, telle quĠelle est vŽhiculŽe dans nos mŽdias ˆtravers des discours ÇantisionistesÈ: elle a pu instiller dans des espritsfaibles la pensŽe quĠun jeune Juif Žtait une proie plus tentante, parce que nejouissant pas de la pleine protection que le corps social assure ˆ tous lescitoyens. Cette dŽlŽgitimation du Juif est ˆ lĠarrire-plan de lĠaffaire Halimi– comme de bien dĠautres affaires recensŽes au quotidien par les servicesde police et de gendarmerie mais qui, parce quĠelles nĠont pas connu la mmefin atroce, sont cantonnŽes dans les statistiques annuelles de la dŽlinquanceantisŽmite. Croire que lĠon peut dire nĠimporte quoi des Juifs en tant quecollectivitŽ, et ensuite sĠabsoudre de toute responsabilitŽ dans les actesengendrŽs par ces discours, cĠest satisfaire sa conscience ˆ bon compte.

 

Entendons-nous.Il est permis de critiquer un individu juif, comme on critiquerait nĠimportequel autre individu. Il est permis de critiquer la politique de lĠƒtat dĠIsra‘l,comme on critiquerait la politique de nĠimporte quel autre pays. Il est permisde critiquer la religion juive et la culture juive, comme on critiquerait touteautre religion et toute autre culture. Il est permis de critiquer desassociations juives, des livres juifs et des journaux juifs. Tout cela est nonseulement permis mais souhaitable, car qui voudrait tre entourŽ de ce silencerespectueux quĠon rŽserve aux agonisants?

 

Lacritique, la polŽmique, la dŽrision, nous comprenons tout cela. Nous lespratiquons aux dŽpens des autres, et nous comprenons quĠon les pratique ˆ nos dŽpens.Nous comprenons mme que lĠon dise de nous des choses fausses, car lĠerreur esthumaine. Ce quĠen revanche nous ne pouvons comprendre ni tolŽrer, cĠest quĠon rŽpandesur notre compte des mensonges ŽhontŽs qui sont autant dĠincitations ˆ lahaine. Un exemple me permettra de prŽciser ce propos.

 

Unjournaliste nommŽ Alain MŽnargues publie un livre intitulŽ Le Mur de Sharon. Unlivre de basse polŽmique anti-israŽlienne, mal fichu et truffŽ dĠemprunts(dissimulŽs) ˆ divers auteurs au point dĠappara”tre comme un agrŽgat deplagiats. Ce nĠest, dans ce genre, ni le premier ni le dernier. Mme le faitquĠune part des plagiats de M. MŽnargues atteste de son intŽrt assidu pour despublications dĠextrme droite, antisŽmites et nŽgationnistes, ne lui vaudraiten temps normal quĠun commentaire amusŽ. Car, en cela aussi, il nĠest ni lepremier ni le dernier.

 

Lˆo le b‰t blesse vraiment, cĠest quand M. MŽnargues entreprend de dŽvoiler laprofonde philosophie qui serait ˆ lĠorigine du ÇMur de SharonÈ. Cettephilosophie, ou plut™t cette thŽologie, repose selon M. MŽnargues sur unprincipe fondamental du juda•sme: Çla sŽparation du pur et de lĠimpurÈ. Si lesIsraŽliens Ždifient une barrire, ce nĠest ni ˆ cause des attentats ni mmepour annexer des territoires: cĠest afin de se sŽparer, eux Juifs et donc ÇpursÈ,des ÇimpursÈ que sont les Palestiniens. On nĠest pas dans le politique, on estdans le religieux ou dans le magique.

 

QueM. MŽnargues croie en de telles billevesŽes, et quĠil les rapporte (ajoutant,pour faire bonne mesure, que les Juifs ont eux-mmes crŽŽ le premier ghettoafin de se sŽparer des Çgoys impursÈ), cela ne plaide ni pour son intelligenceni pour sa culture. Mais, lˆ encore, nous en avons vu dĠautres. Le problme estailleurs. Ce prŽtendu principe de ÇsŽparation des purs et des impursÈ (unclassique de la littŽrature antisŽmite, consistant ˆ projeter sur les Juifs sonpropre racisme, que lĠon retrouve Žgalement dans les Žcrits de Roger Garaudy),M. MŽnargues lĠapplique ˆ la vie quotidienne de tous les Juifs observants (ousupposŽs tels). Si vous, lecteur juif de LĠArche, avez omis de serrer la main ˆvotre voisin de palier un vendredi matin, et si votre voisin a lu le livre deM. MŽnargues ou lĠun des sites internet qui se sont fait lĠŽcho de ses thses,il tient lĠexplication de votre comportement: pour accueillir le shabbat cevendredi soir, vous devez Žviter le contact avec un Çgoy impurÈ. Votrecomportement sĠexplique par le ÇMur de SharonÈ, et le comportement dĠArielSharon sĠexplique par votre judŽitŽ. Vous et Sharon tes de la mme essence. Ornous savons tous ce quĠil faut penser de Sharon. Voir le livre dĠAlain MŽnargues.

 

M.MŽnargues, ayant ŽtŽ licenciŽ de ses fonctions de directeur de la rŽdaction deRadio France Internationale, est devenu un hŽros pour toute une mouvancepro-palestinienne dĠextrme gauche. Ses Žlucubrations sur Çla sŽparation du puret de lĠimpurÈ sont devenues, dans certains milieux, parole dĠƒvangile. Elles yravivent des passions oubliŽes, elles y suscitent des prŽjugŽs tenaces.DĠautant que M. MŽnargues nĠest pas le seul ˆ tenir pareils propos.

 

UnjŽsuite suisse nommŽ Albert Longchamp, chroniqueur ˆ lĠhebdomadaire TŽmoignagechrŽtien, racontait nagure ˆ ses lecteurs comment, rencontrant des rabbinsorthodoxes, il les avait vus sĠŽloigner de lui ds quĠils eurent remarquŽ lacroix quĠil porte ˆ son revers: il Žtait prtre, donc ÇimpurÈ. Les lecteurs deTŽmoignage chrŽtien, qui viennent de participer – personnellement ou parjournalistes interposŽs – ˆ un voyage en ÇIsra‘l-PalestineÈ pour le moinsunilatŽral, nĠauront pas trop de mal ˆ relier le rŽcit hallucinŽ du jŽsuitesuisse au livre non moins hallucinŽ du journaliste franais. Lˆ encore, toutsĠexplique.

 

Leridicule ne tue pas, dit-on. Mais cĠest au nom de croyances tout aussiridicules que, par une longue cha”ne de diabolisations, on a ŽtŽ amenŽ ˆ tuerdes Juifs. Sommes-nous loin de lĠassassinat dĠIlan Halimi? Oui et non. Lesassassins nĠont sans doute lu ni le jŽsuite suisse ni le journaliste franais.Et peu importe ˆ cet Žgard – bien que cela importe ŽnormŽment ˆ dĠautres Žgards,au premier chef pour les proches de la jeune victime – si la qualificationÇantisŽmiteÈ doit tre finalement retenue.

 

Lefait est que des reprŽsentations diaboliques du Juif, vŽhiculŽes par des mŽdiaset des milieux militants, sont transmises ˆ des individus qui y trouvent desmotifs de haine et des dŽsirs de vengeance. Le Juif est alors peru comme un Žmissairedu mal, un mauvais objet par nature, ˆ qui on peut faire expier les injusticesdont on estime avoir ŽtŽ – soi-mme ou par dŽlŽgation – la victime.Les provocations antisŽmites dĠun DieudonnŽ, attribuant notamment lĠŽchec deses projets cinŽmatographiques aux ÇautoritŽs sionistesÈ qui selon luidirigeraient le cinŽma, enfoncent le mme clou: les Juifs sont responsables detous nos malheurs.

 

Savons-nousreconna”tre lĠantisŽmitisme? La question nĠest pas nouvelle. On comprend aussique les Juifs agacent. Ils veulent toujours tirer la couverture ˆ eux. SouslĠOccupation, au temps de lĠŽtoile jaune et des rafles, Jean Giono reoit lavisite dĠun ami juif. LĠŽcrivain transcrit ainsi, dans son journal, la matirede leur conversation: ÇIl me demande ce que je pense du problme juif. Ilvoudrait que jĠŽcrive sur le problme juif. Il voudrait que je prenne position.Je lui dis que je mĠen fous, que je me fous des Juifs comme de ma premireculotte; quĠil y a mieux ˆ faire sur terre quĠˆ sĠoccuper des Juifs. Quelnarcissisme!È

 

Retenonssurtout lĠaccusation de ÇnarcissismeÈ. De Giono et de son ami juif, cĠest Gionoqui pche par narcissisme en refusant dĠadmettre que ses petites misres dutemps de guerre sont infiniment moindres que les horreurs frappant les Juifs.Mais il est vrai quĠun individu persŽcutŽ, ou tout simplement sujet ˆ desdiscriminations et des attaques, fait mauvaise figure. Au lieu de sĠintŽresserau destin du monde, il se prŽoccupe de son sort.

 

Nousretrouvons des Žchos lointains de ce Giono-lˆ chez des ÇantiracistesÈ quireprochent aux Juifs de faire bande ˆ part et de souligner la spŽcificitŽ delĠantisŽmitisme. Les Juifs, disent-ils, ne seraient-ils pas bien avisŽs deconfondre leurs soucis et ceux de tous les opprimŽs?

 

Concrtement,on attend aujourdĠhui des Juifs quĠils oublient et laissent oublier un faitpourtant lourd de signification: dans la France de 2005, malgrŽ la forte baissedes incidents antisŽmites, les Juifs ont subi ˆ eux seuls plus de la moitiŽ desviolences racistes. En dĠautres termes, compte tenu de leur faible nombre, lesJuifs sont dix fois plus exposŽs ˆ la violence raciste que les autres groupes(noirs, musulmans, etc.). Cumulards.

 

Jedis bien: violence raciste. Pas seulement les incivilitŽs, les tracts et lesgraffitis: les violences, cĠest-ˆ-dire Çles actes contre les personnes et lesbiens prŽsentant un degrŽ de gravitŽ certainÈ. Et mme les blessŽs par suite deviolences racistes – lˆ aussi, les Juifs restent souverainement dominants.Faut-il le dissimuler? Ou ne devrait-on pas, plut™t, sĠinterroger sur une telledisproportion?

 

Ilest vrai que les violences racistes nĠŽpuisent pas la question du racisme enFrance. Il y a un autre racisme, qui sĠexprime notamment par les refusdĠembauche et les discriminations au logement, sur lequel on dispose de peu dedonnŽes mais dont les Juifs semblent relativement moins affectŽs. Les deuxracismes sont Žgalement condamnables, et tous deux doivent tre Žgalementcombattus. Cela ne justifie pas que lĠon tente, comme certains, de contournerlĠobstacle de lĠantisŽmitisme. Ni que lĠon Žvite de sĠinterroger sur la rŽticencede certains ÇantiracistesÈ ˆ reconna”tre les violences qui visent les Juifs(peut-tre parce que, parmi les auteurs identifiŽs de ces violences, beaucoupappartiennent ˆ des minoritŽs elles-mmes sujettes au racisme).

 

Etpuis, il y a le sondage commanditŽ par la Commission nationale consultative desdroits de lĠhomme (CNCDH), dont les rŽsultats semblent plaider pour une approcheglobale du phŽnomne raciste, dans la mesure o le concept commun dĠÇethnocentrismeÈpermettrait de dŽcrire les diverses formes de prŽjugŽs visant des individus.Une pareille approche nĠest certainement pas sans mŽrite, et nous serons lesderniers ˆ nier la nŽcessitŽ dĠune mobilisation citoyenne contre toutes lesdiscriminations.

 

Cependant,on ne doit pas se dissimuler quĠun sondage produit toujours ce quĠon y a mis.Le refus obstinŽ de la CNCDH de laisser poser Çdes questions qui f‰chentÈlimite, par force, la signification des rŽsultats.

 

Ainsi,la question-type sur Çle pouvoir juifÈ, qui un peu partout dans le monde sert ˆmesurer lĠantisŽmitisme, nĠest pas posŽe dans les sondages de la CNCDH. Et queserait-ce si on laissait poser des questions sur, disons, Çle pouvoir sionisteÈ,ou Çle lobby pro-israŽlienÈÉ

 

Ily a fort ˆ parier que des barrires, qui ne tiennent que par les conventions dulangage et la loi du Çpolitiquement correctÈ, sauteraient alors, et quĠon dŽcouvriraitdes manifestations dĠhostilitŽ aux Juifs dans des secteurs inattendus delĠopinion – tout comme, en dĠautres temps, la polŽmique staliniennecontre le ÇsionismeÈ rencontra une large audience dans des milieux pourtantformellement opposŽs au racisme et ˆ lĠantisŽmitisme. Des questions de cetordre nĠayant pas ŽtŽ posŽes dans les sondages officiels, nous en sommes rŽduitsaux conjectures.

 

Certainsse satisfont de cet Žtat des choses, car ils craignent les effets en cha”ne quirŽsulteraient dĠune libŽration des tabous. Je les comprends. Mais je ne suispas sžr quĠils aient raison. Casser le thermomtre, parce quĠon nĠaime pas cequĠil nous indiquerait, nĠest jamais une bonne approche des problmes.

 

LĠantisŽmitismeest parmi nous. Il nĠest pas majoritaire, loin de lˆ, et les comparaisonsinternationales montrent quĠˆ tout prendre la France nĠest pas si mal lotie.Mais il est lˆ: ˆ gauche et ˆ droite, chez les ChrŽtiens et chez les Musulmans,chez les Blancs et chez les Noirs, chez les riches et chez les pauvres, chezles conservateurs et chez les rŽvolutionnaires. Virus mutant par excellence, ilprend des formes multiples allant du discours conspirationniste ˆ la prŽdicationreligieuse, de lĠaffirmation politique au dŽguisement culturel, de la diatribe enflammŽeˆ la suggestion discrte.

 

LesantisŽmites ne se connaissent pas tous, ne se concertent pas, et se combattentsouvent par ailleurs. Mais ils se citent les uns les autres et, mme sĠils nelĠavouent pas, leurs thŽmatiques sĠenrichissent mutuellement. Les statistiquesdes violences antijuives, et les actes tragiques qui parfois Žmergent de cettemasse indistincte, ne sont que la partie visible dĠune rŽalitŽ socialeinfiniment plus complexe. Identifier cette rŽalitŽ, lĠanalyser et la combattre,nĠest pas une forme de ÇnarcissismeÈ juif. CĠest, au contraire, unecontribution nŽcessaire ˆ la paix civique.

 

 

 

 

 

 

 

SouvenirsdĠavant-guerre

 

parArnold Mandel

 

Articleparu dans LĠArche nĦ111 (mai 1966)

 

 

----------------------------------------------------------------

 

Extrait de LĠArche nĦ 577, mai 2006

 

 

NumŽro spŽcimen sur demande ˆ info@arche-mag.com

 

 

Reproduction autorisŽe sur internet avec les mentions ci-dessus

 

---------------------------------------------------------------

 

 

ËGenve est mort tout rŽcemment le publiciste JosuŽ JŽhouda qui, durant des annŽescritiques de lĠentre-deux guerres, fonda puis dirigea la Revue Juive de Genve.Cette publication fut, pendant longtemps, la seule revue juive de langue franaiseet la lecture de la collection complte est intŽressante ˆ maints Žgards.

 

LaRevue Juive de Genve Žtait basŽe sur la formule de la ÇsynthseÈ et sondirecteur pensait que le juda•sme pouvait sĠamŽnager en aperus synthŽtiquesentre lĠesprit moderne et la tradition juive, lĠun et lĠautre de ces ŽlŽments ŽtantdŽfinis, en lĠoccurrence, de manire assez vague ou pas dŽfinis du tout.

 

Quandon demandait ˆ JosuŽ JŽhouda ce que cĠŽtait, selon lui, la tradition juive, ilrŽpondait invariablement ÇmonothŽisme!È. Quand on lui disait: Çet encoreÈ, iltapait du poing sur la table et rŽpŽtait: ÇmonothŽisme!È. Les Juifs – ycompris les collaborateurs de la revue – demeuraient sceptiques quant aucaractre exhaustif de cette dŽfinition ˆ lĠhaleine courte. Mais les pasteursprotestants, dans les parages, se montraient nettement pour.

 

Vinrentles jours sombres de 1938, la montŽe des pŽrils, lĠantisŽmitisme croissant, mmeen France et dans les pays de langue franaise. Tout ÇmonothŽismeÈ cessant, laRevue Juive de Genve se mit en qute de dŽclarations antiracistes dĠhommes dequalitŽ. Sur la place de Paris, lĠauteur de ces lignes fut chargŽ de stimuleret de recueillir des professions de foi qui feraient enfin monter lĠŽcarlate dela honte aux faces sans vergogne des Hitler, Streicher, GÏbbels.

 

ÇNotrecorrespondant particulierÈ se rendit aussit™t au nĦ1 de la rue Vaneau. Lˆhabitait AndrŽ Gide. Celui-ci, sans difficultŽ aucune, approuva la Revue Juivede Genve dĠtre contre le racisme et lĠantisŽmitisme, comme il lĠŽtait lui-mme.Ce fut, dans cet ordre dĠidŽes, lĠultime manifestation dĠune vigueur gidienne.Car, par la suite, il ne fit jamais le moindre geste ni le moindre pas dans cesens.

 

LĠauteurdramatique Lenormand me reut dans la chambre ˆ coucher de sa maman. Ë un impŽrieuxcoup de tŽlŽphone (probablement dĠun fournisseur rŽclamant le paiement dĠunenote), il rŽpondit, hautain et agacŽ, quĠil nĠavait pas le temps Žtant, pour lemoment, interviewŽ par Çun grand journaliste ŽtrangerÈ. Puis il me dŽclara que,pour son thŽ‰tre, il avait besoin de lĠŽlŽment pathŽtique juif, comme il avaitbesoin du ngre et de la nŽgritude. Que pensait-il de lĠantisŽmitisme de CŽline(Bagatelles pour un massacre venait de para”tre)? Lenormand mit son index surles lvres et murmura: ÇJe ne dirai jamais de mal dĠun confrreÈ. Je lui fisalors remarquer quĠaprs tout, Hitler aussi Žtait un ÇconfrreÈ, ayant Žcrit unlivre nommŽ Mein Kampf. Dans son grand dodo dŽfait, la vieille dame – MmeLenormand mre – Žclata dĠun rire sardonique. CĠŽtait assez sinistre.

 

M.de Montherlant mĠŽvita le dŽrangement. Il rŽpondit par lettre dactylographiŽe,disant en substance quĠayant connu plusieurs ma”tresses juives, il nĠeut jamaisquĠˆ se louer de leurs services.

 

LaRevue publia tous ces tŽmoignages dĠhumanitarisme. Puis ce fut la guerre et ilnĠy eut plus de Revue Juive de Genve.

 

Danssa jeunesse, JosuŽ JŽhouda avait ŽtŽ lĠami et le compagnon de Pana•t Istrati.Avec JŽhouda, Istrati Žcrivit un roman Çjuif juifÈ: La famille Perlmuter.

 

Onsait que Pana•t Istrati, retournŽ dans sa Roumanie, finit en antijuif venimeux.CĠŽtait avant-hier, et tous ces personnages font partie dŽjˆ dĠun jeu dĠombres.Mais nous nĠavons pas encore achevŽ de rŽgler nos comptes avec les spectres. Detemps ˆ autre, en songe, jĠaperois Pana•t Istrati. Je lui pose alors laquestion: ÇPourquoi diable, toi, es-tu devenu antisŽmite?È Or, ds quĠil ouvrela bouche, sĠapprtant ˆ me rŽpondre, immanquablement je mĠŽveille. 

 

 

 

 

 

LĠassassinatdĠIlan Halimi: ÇCĠest un complot sionisteÈ

 

 

----------------------------------------------------------------

 

Extrait de LĠArche nĦ 577, mai 2006

 

 

NumŽro spŽcimen sur demande ˆ info@arche-mag.com

 

 

Reproduction autorisŽe sur internet avec les mentions ci-dessus

 

---------------------------------------------------------------

 

 

LĠenlvementet lĠassassinat dĠIlan Halimi ne sont pas ce que vous croyez. CĠest un complotsioniste visant ˆ faire Žchouer le projet dĠabrogation de la loi qui rŽprime lenŽgationnisme, dite Çloi GayssotÈ. Heureusement que nous avons en Francequelques valeureux combattants du nŽgationnisme, comme Robert Faurisson, RogerGaraudy, Pierre Guillaume et Serge Thion (ce dernier est un ancien militantdĠextrme gauche et ancien chercheur au CNRS, dont il a ŽtŽ licenciŽ parcequĠau lieu de travailler sur le Cambodge il publiait des textes antisŽmites etnŽgationnistes), pour dŽjouer les plans sionistes et faire conna”tre la vŽritŽsur lĠimposture du prŽtendu Holocauste.

 

Onapprend tout cela dans un article signŽ du pseudonyme ÇSerge NoithÈ (o a-t-iltrouvŽ cela, on se le demande), intitulŽ ǂa sent le CarpentrasÈ, datŽ du 26 fŽvrier2006 et publiŽ successivement sur le site islamiste Quibla.net et surdieudo.net/2007, le site de campagne de DieudonnŽ, candidat ˆ la prŽsidence dela RŽpublique.

 

LĠarticlecommence par cette phrase: ÇAujourdĠhui les rues de Paris sentent furieusementle Carpentras.È Pour qui ne lĠaurait pas compris, Carpentras cĠest laprofanation du cimetire juif qui, en 1990, avait Žmu la France entire. OrlĠaffaire de Carpentras, rŽvle lĠauteur, Žtait Çune provocation grotesqueÈ quiavait dŽbouchŽ sur Çune grande communion nationale de prosternation devant lĠƒtoilede DavidÈ. En vŽritŽ, les auteurs de la profanation Žtaient ÇmanipulŽs par la SŽcuritŽMilitaireÈ. Les Franais ÇsĠŽtaient fait rouler dans la farine par Joxe,ministre socialiste de lĠIntŽrieur, par les organisations sionistes et par lapresse qui avait suivi le mouvement, comme toujoursÈ. Ë quelles fins? ÇLe rŽsultatle plus durable de cette esbroufe avait ŽtŽ le passage sans douleur et sans rŽelleopposition de la loi Gayssot.È Pour ce qui est du lien entre la loi Gayssot etla SŽcuritŽ Militaire, peut-tre ÇSerge NoithÈ en sait-il le secret mais il nele partage pas avec les lecteurs de Quibla et de Dieudo.net.

 

Retourˆ Paris, en 2006. ÇLĠaffaire du jeune homme enlevŽ, torturŽ et tuŽ par desvoyous, sent le Carpentras ˆ plein nez.È Les auteurs de la manipulation sont ÇlesŽlŽments les plus extrŽmistes de la droite hypersioniste ˆ ParisÈ. Pourquoi? Lˆencore, ÇSerge NoithÈ a la rŽponse. ÇNe cherchons pas loin: un fort vent decontestation de la loi Gayssot sĠest levŽ en dŽcembre dernier. Elle a subi uneavalanche de discrŽdits. On la classe dŽsormais dans ces lois liberticidesquĠil faut abroger! Il fallait sĠattendre ˆ une rŽaction de la part de ceux ˆqui elle fournit un Žnorme privilge dĠimpunitŽ.È

 

LĠarticlede ÇSerge NoithÈ para”t, rappelons-le, le 26 fŽvrier 2006, cĠest-ˆ-dire le jourmme o une marche a lieu ˆ Paris et dans plusieurs villes de province ˆ la mŽmoiredĠIlan Halimi. Et ÇSerge NoithÈ dĠalerter ses lecteurs: ÇRegardez bien la ttede ceux qui vont dŽfiler aujourdĠhui: ce sont ceux qui cherchent ˆ dŽtruire noslibertŽs.È Un dessin?

 

 

 

 

 

 

 

OlĠon apprend que les militants juifs de Mai 68 Žtaient, en rŽalitŽ, des agentsisraŽliens dŽguisŽs

 

----------------------------------------------------------------

 

Extrait de LĠArche nĦ 577, mai 2006

 

 

NumŽro spŽcimen sur demande ˆ info@arche-mag.com

 

 

Reproduction autorisŽe sur internet avec les mentions ci-dessus

 

---------------------------------------------------------------

 

 

Noslecteurs ont dŽjˆ fait la connaissance dĠune dame qui signe Leila Salem. Elleavait publiŽ sur plusieurs sites internet un article o, sous couvert de dŽnoncerÇla concentration capitaliste dans les mŽdiasÈ, elle se livrait ˆ unecompilation de patronymes Žtrangement ÇciblŽsÈ – ˆ commencer par unRedstsone dont elle tenait absolument ˆ nous informer quĠil Žtait ÇnŽ RothsteinÈ(voir LĠArche nĦ576, avril 2006).

 

LeilaSalem est revenue le 18 mars 2006, avec un article intitulŽ ÇRecette pour dŽtruirela dŽmocratieÈ. PubliŽ dĠabord sur le site Çrouge brunÈ Oulala.net, il estrepris le mme jour par le site ÇLa Banlieue sĠexprimeÈ, qui relve de lamouvance DieudonnŽ, puis le lendemain 19 mars par un autre site de la mmemouvance, ÇLes OgresÈ, et, toujours le 19 mars, par un site ÇrougeÈ m‰tinŽ de ÇbrunÈnommŽ Bellaciao.

 

Cetarticle, bien que trs long et plut™t ennuyeux, contient des passages ÇexplosifsÈ.QuelquĠun a dž sĠapercevoir que lĠauteure Žtait allŽe trop loin, car lĠarticlea vite ŽtŽ effacŽ des sites en question. Vite, mais pas assez vite pour quĠilnĠen reste pas des tŽmoignages. Voici donc ce que Leila Salem a Žcrit, ce queplusieurs sites ont publiŽ, et ce que des milliers dĠinternautes ont lu (etlisent encore, car lĠarticle a ŽtŽ copiŽ sur des sites militants qui nĠont pascompris la consigne du silence donnŽe entre-temps).

 

LĠauteurepart dĠun constat: suite aux attentats du 11-Septembre, Çun climat dŽlŽtre crŽŽet entretenu par des Žlus, des grands mŽdias et des intellectuels a permis lamutation du racisme anti-arabe en un racisme honorable qui sĠexprime ˆ hautevoix et sans aucun complexeÈ. Principaux coupables: les Çnouveaux rŽactionnairesÈ,encore nommŽs ÇnŽo-conservateursÈ. Ceux-ci Çsont pour la plupart dĠentre euxsionistes et anciens trotskistesÈ. Comment agissent-ils? Lisons Leila Salem. ÇPourasseoir leur idŽologie, ce groupuscule opaque sĠest retranchŽ dans desofficines obscures et opre sous lĠŽgide de think tanks aux noms fallacieuxafin de mieux tromper lĠadversaire; puis ˆ lĠaide dĠun crayon et dĠun papier,il a ŽchafaudŽ un plan et ŽlaborŽ une stratŽgie globale pour propager lĠidŽeselon laquelle lĠarabe ou le musulman, identifiŽ avec le terrorismeinternational, est une menace sans prŽcŽdent pour les ƒtats-Unis en particulieret le monde occidental en gŽnŽral.È

 

Mais,dans le cas de la France, Çcomment expliquer raisonnablement cette mutation idŽologiqueradicale lorsquĠon sait que ces intellectuels sont presque tous issus de lagauche et que parmi eux beaucoup furent les hŽrauts du vent de libertŽ de mai68 voire les meneursÈ? Leila Salem nous propose une rŽponse, rhŽtoriquementformulŽe sur le mode interrogatif: ÇSe peut-il que lĠengagement en mai 68 deces intellectuels viscŽralement proches dĠIsra‘l nĠŽtait pas sincre et nĠavaitpour seul but que lĠutilisation de la colre et de lĠŽnergie des rŽvoltŽs pourmettre KO De Gaulle et promouvoir leurs intŽrts et ceux dĠIsra‘l?È

 

SeulelĠextrme droite osait le dire en 1968, mais aujourdĠhui on peut lĠŽcrire surlĠinternet ÇalternatifÈ: les militants juifs de Mai 68 Žtaient, en rŽalitŽ, desagents israŽliens dŽguisŽs. Ils avaient vingt ans ˆ peine mais ils avaient,sans doute, ŽtŽ džment formŽs dans les Žcoles du Mossad. En tout cas, le faitest lˆ: sĠils militaient au sein des organisations trotskistes ou mao•stes, cĠŽtaitˆ seule fin de servir les intŽrts de lĠƒtat dĠIsra‘l.

 

DĠailleurs,explique Leila Salem, Çle mme phŽnomne sĠest produit aux ƒtats-UnisÈ. De quoisĠagit-il? Des futurs ÇnŽo-conservateursÈ, qui lorsquĠils Žtaient de jeunemilitants de gauche ont pris une part active au combat des Noirs pour lĠŽgalitŽcivique. CĠŽtaient des conspirateurs, eux aussi, comme Çde nombreux Afro-amŽricainsÈen ont fait le constat: Çils ont utilisŽ la colre et lĠŽnergie des noirs pourarriver au pouvoir et non pour amŽliorer les conditions de vie des Afro-amŽricainsÈ.Pour davantage dĠŽclaircissements ˆ ce sujet, et une application de ce principeau cas franais, lire les sites de la mouvance DieudonnŽ.

 

Nousvous Žpargnerons la suite de lĠarticle, qui est un ÇcopiŽ-collŽÈ de diverstextes conspirationnistes o lĠombre du Mossad semble Žternellement planer surla France. Un passage mŽrite cependant dĠtre notŽ ici: il a trait au ÇmilliardaireGeorges [sic] SorosÈ. Leila Salem ne sait pas Žcrire le prŽnom anglais deGeorge Soros, mais elle sait recopier les attaques douteuses visant cet hommedont les Çmachinations financires sont en partie responsables de ladestruction du systme socialiste en Europe de lĠEst et dans lĠancienne URSSÈ,dont les ÇopŽrations financires sont dĠune amoralitŽ absolueÈ, et qui, selon Çunactiviste Tha•È anonyme, est Çun DraculaÈ qui Çsuce le sang du peupleÈ.

 

Icivient, fort ˆ propos, une citation de lĠancien premier ministre de Malaisie,Mahathir Mohamad, aprs une chute de la monnaie malaise en 1997: ÇNous nevoulons pas dire quĠil sĠagit dĠun complot des Juifs, mais cĠest bien un Juifqui a provoquŽ la chute de notre monnaie et il se trouve que le financierGeorge Soros est un Juif.È Pour enfoncer le clou, Leila Salem ajoute une autrecitation de Mahathir affirmant que non seulement Çles Juifs veulent dŽpouillerles PalestiniensÈ mais quĠÇils sĠen prennent aussi ˆ notre paysÈ.

 

Lemessage a ŽtŽ reu cinq sur cinq, si lĠon en juge par le commentaire dĠunlecteur postŽ ds le 21 mars sur Oulala.net. On y apprend que si Çles musulmansÈont eu des ÇtortsÈ, cĠest pour Çne pas avoir compris que les sionistes ŽtaientanimŽs par la haine ˆ leur ŽgardÈ et Çavoir des dirigeants corrompus, imposŽspar ces mmes sionistesÈ. Suit un rŽsumŽ de la thse conspirationniste bienconnue sur les attentats du 11-Septembre: ÇLes attentats nĠont ŽtŽ quĠun prŽtexte,quĠune manipulation pour faire accepter lĠimage que lĠon veut donner desmusulmans et ainsi justifier le conflit des civilisations. Le but ŽtantdĠasseoir la domination sioniste sur le monde.È

 

Encoreune remarque. Les articles de Leila Salem, comme beaucoup dĠarticles diffusŽssur internet, contiennent des Çliens hypertexteÈ. CĠest-ˆ-dire quĠen cliquantsur un mot au milieu de lĠarticle on est renvoyŽ ˆ une autre adresse contenantdes informations complŽmentaires. Or le prŽsent article de Leila Salem contientun paragraphe sur ÇlĠaffaire des caricatures, une manipulation nŽoconservatriceÈ.On y retrouve la thse conspirationniste selon laquelle lĠaffaire descaricatures de Mahomet est le fruit dĠun Çplan machiavŽliqueÈ concoctŽ par quivous savez, le principal agent des ÇmarionnettistesÈ Žtant Daniel Pipes –Çun journaliste, un Žcrivain, un militant sioniste et un nŽoconservateur amŽricainÈdont Leila Salem tient ˆ faire savoir quĠil est nŽ ˆ Boston Çde parents juifsqui ont quittŽ la Pologne pour les USA en 1939È. Pipes Ça rencontrŽ au cours delĠŽtŽ 2005 Flemming Rose, responsable de la page ÒKultureÓ du quotidien danoisJyllands-Posten, et lui a suggŽrŽ de publier des caricatures sur lĠislamÈ. Ceparagraphe est enrichi dĠun Çlien hypertexteÈ qui renvoie ˆ un article portantexactement le mme titre, publiŽ par le site internet dĠextrme droite GŽostratŽgie.comet signŽ de Gilles Munier, un vieux militant fasciste devenu agent dĠinfluencedu gouvernement de Saddam Hussein (et rŽcemment mis en examen, dans le cadredes rŽvŽlations sur la corruption dĠhommes politiques par les pŽtro-dollarsirakiens). Tout se tient.

 

Ëpropos de Çliens hypertexteÈ: si lĠon clique sur le nom de lĠauteur, qui se prŽsentesur Bellaciao comme une militante dĠAttac, on voit appara”tre une adresse decourrier Žlectronique commenant par Çleila_palestine_libreÈ.

 

 

 

 

 

 

 

Çĉtresans destinÈ, un film qui donne au cinŽma toute sa dignitŽ

 

parAnne-Marie Baron

 

----------------------------------------------------------------

 

Extrait de LĠArche nĦ 577, mai 2006

 

 

NumŽro spŽcimen sur demande ˆ info@arche-mag.com

 

 

Reproduction autorisŽe sur internet avec les mentions ci-dessus

 

---------------------------------------------------------------

 

 

 

ImreKertŽsz, Prix Nobel de littŽrature en 2002, dit quĠÇon ne peut pas filmer laShoahÈ. Il a donc tenu ˆ Žcrire lui-mme le scŽnario qui adapte son roman ĉtresans destin pour Lajos Koltai, lĠun des plus grands chefs opŽrateurs hongrois(MŽphisto, Colonel Redl), dont la lumire est lĠŽlŽment naturel. Il sĠassuraitainsi de la fidŽlitŽ du film au texte, cĠest-ˆ-dire ˆ son expŽrience vŽcue etau ton sur lequel il avait choisi de la communiquer.

 

Premierouvrage de KertŽsz publiŽ en 1975, ĉtre sans destin est un Çroman de formation ˆlĠenversÈ, qui raconte ˆ la premire personne lĠexpŽrience dĠun jeune Juifhongrois dans les camps de concentration allemands, puis son retour ˆ la vie,aprs la libŽration. Ë quatorze ans, Gyuri Koves, dit ÇGyurkaÈ, est arrtŽ parun policier hongrois dans un autobus, non loin de Budapest. Aprs une longueattente avec dĠautres adolescents, il est emmenŽ vers une destination encoreinconnue et difficile ˆ prononcer: Auschwitz-Birkenau.

 

TransfŽrŽˆ Buchenwald, puis ˆ Zeitz, il conna”t la faim, le froid, le travail forcŽ, ladŽshumanisation, le dŽsespoir. Trs malade, il fr™le la mort jusquĠˆ ce que lecamp soit finalement libŽrŽ par les AmŽricains. Sur le chemin du retour versBudapest, sa ville natale, toujours vtu de sa veste rayŽe, Gyurka ressentlĠindiffŽrence hostile de la population. Ses anciens voisins, gnŽs ds quĠil Žvoqueson expŽrience et ses souvenirs du camp, le pressent de tout oublier. CĠestalors quĠil conna”t la pire solitude.

 

Commentmettre en scne un tel roman, dont la voix narrative est si personnelle et leton si incroyablement dŽtachŽ? Certes, la reprŽsentation cinŽmatographique– qui a ŽtŽ, ds les premiers films sur la Shoah, lĠobjet dĠune longuepolŽmique entre les partisans du rŽalisme et ceux de lĠanti-rŽalisme, entre lestenants du documentaire et ceux de la fiction – ne peut faire problmeici. Car si lĠapproximation, lĠesthŽtisme et la complaisance ont toujours ŽtŽconsidŽrŽs comme indŽcents, il est impossible de faire un reproche de ce genre ˆce film tirŽ dĠune expŽrience vŽcue retracŽe avec une prŽcision absolue.

 

DĠailleursKertŽsz, conscient du risque, a tenu ˆ se prŽmunir contre tout reproche dansune remarque capitale du scŽnario – publiŽ par les Žditions Actes Sud– sur lĠinterdit de la reprŽsentation: ÇIl est impossible dĠimaginer ladestruction industrielle de six millions dĠhommes, et il ne faut pas la rendreimaginable. Leurs souffrances sont indescriptibles et inimaginables.[É] Si, ˆnotre tour, nous transgressons cet interdit, nous ne pouvons le justifier quepar la fiabilitŽ du tŽmoignage. Nous signalons que notre objectif nĠest pas deproduire une reprŽsentation de lĠHolocauste, mais de suivre le cheminementdĠune ‰me, et celui-ci passe inŽvitablement par lĠunivers concentrationnaire.Renonant ˆ lĠillusion dĠauthenticitŽ – car il est impossible dĠtreauthentique –, nous nous efforcerons au moins dĠtre fidle, noustendrons vers cette solennitŽ austre et rŽservŽe qui, nous lĠespŽrons, sied audeuil de millions dĠhommes.È

 

Deplus, une lumineuse prŽface distingue soigneusement film et roman en cestermes: ÇSi le travail du romancier consiste ˆ crŽer son propre univers clos ˆlĠaide de moyens linguistiques, celui du scŽnariste revient en quelque sorte ˆremettre un chque en blanc au metteur en scne et ˆ ses collaborateurs afinquĠils le libellent avec leur art et leur savoir-faire.È Assumant cette sortede schizophrŽnie qui consiste ˆ jouer ˆ la fois les r™les de romancier et de scŽnariste,Imre KertŽsz avoue que, curieusement, Çen tant que scŽnariste, lĠŽcrivain sesurprend ˆ tre plus disert et plus personnel; il peut accorder davantage deplace ˆ certains dŽtails autobiographiques, ˆ des souvenirs ou ˆ des anecdotesquĠen tant quĠŽcrivain il a ŽvitŽs avec la plus grande rigueurÈ. On ne peutpourtant pas dire que le film soit dŽpourvu dĠune telle rigueur.

 

Certainesscnes du roman ont ŽtŽ condensŽes, mais ses partis pris sont clairs: rŽcit linŽairesans flash back et sans images dĠarchives, voix off pour le rŽcitautobiographique, dialogues brefs, point de vue purement subjectif du jeunenarrateur avec quelques rares images objectives, restriction de champ ˆ cequĠil voit et presque rien dĠautre. Tout le travail de lĠimage va dans ce sens:la taille des plans indique le degrŽ dĠattention du garon; les mouvements decamŽra, sa position physique. Tout est rapprochŽ, les dŽtails dŽmesurŽmentgrossis par ses yeux ŽcarquillŽs. Ë mesure quĠil sĠachemine de lĠŽtat dĠtrehumain regardant droit devant lui ˆ celui dĠobjet transportŽ, manipulŽ,brutalisŽ, la perspective change jusquĠˆ donner des images filmŽes ˆ ras deterre ou ˆ lĠenvers. PlongŽes ou contre-plongŽes. Plus ou moins floues, plus oumoins absurdes et incomprŽhensibles. On entend comme lui des bribes dedialogues. La durŽe des plans mesure lĠintensitŽ des expŽriences ou la prŽcisiondes souvenirs. ÇTout est un peu lacunaire, un peu grossi, un peu tragique, unpeu comique, dĠabord alerte, puis, ˆ mesure quĠil se fatigue, de plus en plusgrisÈ, Žcrit Imre KertŽsz.

 

LĠextraordinairetravail de Lajos Koltai sur la couleur traduit lĠassombrissement progressif delĠunivers de Gyurka, qui perd peu ˆ peu toute nuance, mme de sŽpia, poursĠenfoncer dans un noir et gris tragique. LĠenfant est ici la mesure de touteschoses. Il observe avec intŽrt et dŽtachement, comme sĠil nĠŽtait pas concernŽ,dans une sorte de rve ŽveillŽ. Ce quĠil retient de chaque expŽrience est limitŽ,dŽsensibilisŽ, dŽpourvu de sens. Rumeurs, cris et chuchotements, saccades,saccages.

 

OnlĠaura compris, le rŽalisme devient tout ˆ fait secondaire. Les accessoires delĠŽpoque, ˆ peine perceptibles, sont sans importance. De toutes faons, ÇlĠabsurditŽde ces objets et vtements dŽpasse lĠimagination des accessoiristesÈ. Painboueux, gamelle, latrines, misre, puanteur, Žpuisement, abjection, autant de dŽfisˆ toute reprŽsentation. ÇLĠimage est comme un long soupir plaintif.È

 

Pourtanttout a commencŽ par jeu, ou comme un jeu. De la main chaude ou des osselets pourtromper lĠattente qui suit la rafle aux fantoches menaants, comment lesenfants peuvent-ils prendre au sŽrieux ces adultes ridicules qui aboient? Leburlesque lĠemporte. Btise policire, grotesque bureaucratique, brutalitŽ imbŽcile.ÇMon personnage, dit KertŽsz, est un enfant mais a nĠest pas parce que jĠen Žtaisun moi-mme. Il est un enfant parce que lĠinfantilisation est caractŽristiquede toute dictature.È Chaplin, Lubitsch, Benigni ont fait le mme constat. Ducoup, chaque personnage est un type de comŽdie, une allŽgorie – LĠExpert,Joli CÏur. Ë partir du wagon, cĠest ˆ peine plus sŽrieux; la vie devient uncombat soumis ˆ des rgles de survie aussi strictes que celles dĠun jeu. LadignitŽ, ÇcĠest aussi important que le pain et la soupeÈ.

 

Desrites sĠinstallent. Gyurka a mme son plat prŽfŽrŽ, son heure prŽfŽrŽe. La prireest lĠidŽe fixe ˆ laquelle on sĠaccroche pour survivre. Et lĠŽchelle des peinesimpose une idŽe centrale, la relativitŽ de chaque douleur et la primautŽ de lafaim. Puis cĠest le jeu de la mort. Tout le monde joue. Il faut de la chance,mais pas de gagnants. Seuls quelques rares cris de rŽvolte se font entendre: ÇPourquoiest-ce quĠon a ŽtudiŽ le latin? Les maths? Pendant tout ce temps, on aurait dž Žtudierseulement Auschwitz. Ils nous auraient bien expliquŽ: ÒMon garon, quand tuseras grand, tu seras emmenŽ ˆ Auschwitz, et lˆ on te poussera dans une chambreˆ gazÉÓÈ

 

Desmoments de gr‰ce se dessinent, blagues, solidaritŽ, dŽvouement. Les relationshumaines sont comme ŽpurŽes. Comme si par lĠhumour de lĠabsurde le refus de sepenser en victimes rejoignait lĠŽternel fatalisme du peuple errant. Momentsintenses, dĠun lyrisme retenu, sur la musique inspirŽe dĠEnio Morricone. Artoptique des costumes rayŽs, symphonie humaine et chorŽgraphie des rangŽesdĠhommes alignŽs.

 

Ilfaut parler de chef-dĠÏuvre pour ce film, qui donne au cinŽma toute sa dignitŽ.Car, on ne le rŽpŽtera jamais assez, seul lĠart peut transcender lĠhorreur. Auxcostumes prs, Dante reconna”trait ici son univers, plus onirique que rŽaliste,plus stylisŽ et symbolique que naturaliste. Imposant lĠŽpique et le tragiquesans aucun apitoiement, Imre KertŽsz est arrivŽ au but quĠil avait fixŽ ˆ LajosKoltai: un film ˆ la hauteur de ce quĠil relate.