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« On peut demander beaucoup aux Israéliens, mais pas de se suicider ! » Ouest-France
« Il n’y a pas eu de pédagogie de la paix »
lan Greilsamer
Article mis en ligne le 19 décembre 2003
dernière modification le 20 décembre 2003

Professeur de sciences politiques à l’université religieuse Bar-Ilan de Tel-Aviv, Ilan Greilsamer est l’une des figures du camp de la paix en Israël. Il soutient le plan de paix de Genève. Et appelle à briser les tabous de part et d’autre.

Après trois ans d’attentats et de représailles, beaucoup reprochent à Ariel Sharon de n’avoir aucun plan de paix pour sortir de l’impasse. C’est votre avis ?

Sharon représente un groupe important de la société israélienne qui croit que les Arabes n’accepteront jamais de vivre en paix avec un État juif en terre d’Islam. Pour cette partie de la droite et l’extrême droite, lorsque les Palestiniens négocient et font des avances de paix, ils n’ont d’autre but que de renforcer leur position pour ensuite mieux détruire Israël. Une autre partie de la société israélienne juge, au contraire, que l’on peut, par des concessions, parvenir à la paix. Ces deux camps ont toujours existé. Au milieu se trouvent 60 % des Israéliens, qui fluctuent. Ils ont soutenu les accords d’Oslo en 1993. L’Intifada de 2000 les a poussés dans les bras d’Ariel Sharon, dont la thèse repose sur des faits troublants : c’est au lendemain des accords d’Oslo de 1993 que Yasser Arafat a commencé à emmagasiner des armes. Je me situe dans le camp de la paix, tout en étant très critique envers Arafat et ses sbires, qui sont extrêmement corrompus et en qui on ne peut guère avoir confiance. Malheureusement, il n’y a pas d’alternative !

Que cache le mur construit entre Israël et la Cisjordanie, qui pénètre profondément en territoire palestinien ? S’agit-il seulement de bloquer les terroristes ou bien cette clôture préfigure-t-elle, dans l’esprit du gouvernement Sharon, la future frontière avec une Palestine réduite au minimum ?

Il faut distinguer le principe du mur et son application. La droite s’est emparée d’une excellente idée - la séparation physique des Israéliens et des Palestiniens - venue de la gauche. Les kamikazes et les voitures piégées passeront moins facilement. Le problème, c’est l’application de cette idée. La gauche aurait souhaité que le tracé du mur épouse la ligne de cessez-le-feu de 1967. La droite le fait pénétrer profondément en territoire palestinien pour englober un maximum d’implantations juives. Mais il ne faut pas dramatiser. Ce ne sont pas des constructions définitives. Cette clôture peut-être démantelée rapidement. Il suffirait pour cela d’un changement de gouvernement.

Le plan de paix dévoilé le 1er décembre à Genève par Yossi Beilin, une figure de la gauche israélienne, et l’ex-ministre palestinien, Yasser Abed Rabbo, peut-il relancer le processus de paix ?

C’est une initiative très positive car elle force les deux côtés à bouger. Ariel Sharon s’agite parce qu’il ne peut pas laisser le terrain à l’opposition : il évoque une rencontre avec Ahmed Qoreï (le Premier ministre palestinien) et de douloureuses concessions, même s’il reste vague sur leur nature. Yasser Arafat, après des tergiversations, a fini par envoyer un représentant à Genève. Et cela incite les Américains et les Européens à accroître leur pression sur le gouvernement.

Et sur le fond : ce plan peut-il réussir là où les négociations de Camp David à l’été 2000 ont échoué ?

Il lui manque un élément fondamental : dans le texte publié à Genève, les Palestiniens ne renoncent pas, noir sur blanc, au retour en Israël des réfugiés de 1948. Il y a, aujourd’hui, un million d’Arabes en Israël qui ont une démographie beaucoup plus dynamique que celle des cinq millions de juifs. Si vous y ajoutez un, deux ou trois millions de réfugiés, cela signifie, à court terme, la fin de l’État juif. On peut demander beaucoup aux Israéliens, mais pas de se suicider ! Là-dessus, il y a, en Israël, un consensus de l’extrême droite à l’extrême gauche. De leur côté, les Israéliens devront renoncer aux implantations juives dans les territoires occupés et revenir, moyennant quelques petits arrangements, à la ligne de cessez-le-feu de 1967. C’est le prix de la paix.

Les réfugiés, les colonies. On touche là deux tabous. Croyez-vous que les populations soient prêtes à les briser ?

La grosse difficulté, c’est qu’il n’y a jamais eu de pédagogie de la paix. Lorsque Yasser Arafat et Yitzhak Rabin se sont serré la main sur la pelouse de la Maison-Blanche, en 1993, cela n’a été suivi d’aucun effort pour expliquer que les Israéliens ne sont pas Satan et que les Palestiniens ne sont pas mauvais. L’une des grandes raisons de l’échec d’Oslo est là : les élites portent la lourde responsabilité de ne pas avoir préparé les populations à la paix et à ce qu’elle implique de concessions. Côté palestinien, les manuels scolaires dépeignent toujours l’Israélien sous les traits du diable ! En Israël, l’opinion peut évoluer rapidement. S’il se passe six mois sans attentats, alors les gens vont commencer à réfléchir de façon rationnelle et le camp de la paix aura une chance de se reconstituer.



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