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Le poison de l’extrémisme
Par Dalil BOUBAKEUR * et Bernard KANOVITCH ** - Le Figaro
Article mis en ligne le 18 novembre 2003

Dalil Boubakeur, Recteur de l’Institut musulman de la mosquée de Paris et président du Conseil français du culte musulman, et Bernard Kanovitch, membre du Comité directeur du Crif et président de la commission chargée des relations avec les musulmans, dénoncent « les extrémistes qui utilisent le conflit israélo-palestinien et les difficultés d’intégration et d’émancipation des musulmans de France pour imposer leur modèle de société », et dont « les victimes sont les juifs et les musulmans modérés qui souhaitent non seulement la paix au Proche-Orient mais également l’harmonie entre leurs communautés au sein de la société française ».

Les paroles de haine et le passage à l’acte des fondamentalistes monopolisent en France l’espace publique et médiatique. Des propos de Mohamad Mahatir à ceux de Tariq Ramadan, des attentats d’Istanbul à ceux des banlieues parisiennes, aucune place n’est laissée à la majorité des musulmans qui souhaitent célébrer en ce mois de ramadan le retour vers Dieu et la tolérance envers autrui.

Le ramadan n’est-il pas le mois du pardon des offenses, tout autant que les solennités de Yom Kippour sont un appel à la repentance des fidèles ?
Au-delà de cette violence, nous pensons que ce qui nous unit, dans l’histoire du judaïsme et de l’islam, est plus important que ce qui nous divise. Les juifs ont dans l’ensemble vécu en paix et heureux en terre d’islam pendant des siècles. La communauté juive turque, frappée tout récemment par les attentats meurtriers d’Istanbul, est un exemple de l’accueil favorable réservé par les musulmans aux juifs expulsés d’Espagne par Isabelle la Catholique à la fin du XVe siècle.

Aujourd’hui, loin de rechercher la paix entre Israéliens et Arabes ou le règlement des problèmes économiques et sociaux affectant les musulmans de France, les extrémistes utilisent le conflit israélo-palestinien et les difficultés d’intégration et d’émancipation des musulmans de France pour imposer leur modèle de société.

De toute évidence, les victimes en sont les juifs et les musulmans modérés qui souhaitent non seulement la paix au Proche-Orient mais également l’harmonie entre leurs communautés au sein de la société française. Faut-il rappeler que les juifs sont présents sur le territoire de France depuis près de 2 000 ans, et citoyens français depuis plus de 200 ans ?
Cette communauté s’est développée par vagues successives d’immigration, la dernière provenant des pays du Maghreb. « La loi du pays c’est la loi » : fidèles à ce principe talmudique, les juifs de France ont su adopter les valeurs d’une société française tolérante et laïque. Cette évolution s’est faite bien évidemment par l’organisation de structures communautaires, le Consistoire sous Napoléon puis le Conseil représentatif (Crif) pendant l’occupation allemande, mais surtout sous l’impulsion de ses élites.

La présence musulmane sur le sol français est plus récente. L’islam de France vient de se doter avec l’aide des pouvoirs publics d’un Conseil français du culte musulman chargé de l’organisation du culte. Cette institution est un formidable outil de gestion et de transparence pour la communauté musulmane dans son ensemble. Nous pensons que l’histoire démontrera que les musulmans de France, à l’image de leurs compatriotes juifs, ont la capacité de s’émanciper et de s’intégrer dans une société française républicaine, laïque et moderne.

La France, qui accueille sur son sol les plus importantes communautés juives et musulmanes en Europe, se verra-t-elle devenir, comme certains le prédisent, le terrain clos du règlement de compte de son arriéré colonialiste au Maghreb et du conflit israélo-arabe ? Non. La France doit devenir un modèle de coexistence et de relations fraternelles entre juifs et musulmans. Ce chemin implique le rejet sans faille par la société française dans son ensemble des prédicateurs et prophètes de malheur.

Il reviendra aux politiques, aux médias et en dernier recours aux citoyens français de fixer les principes à ne pas transgresser. La France ne saurait rester impassible devant les agissements des fondamentalistes que les médias appellent pudiquement « communautarisme ». Pour vivre en France, il n’est pas aujourd’hui de problème plus important à résoudre.


  • Recteur de l’Institut musulman de la mosquée de Paris et président du Conseil français du culte musulman.
    ** Membre du comité directeur du Crif et président de la commission chargée des relations avec les musulmans.
    Ils viennent de publier L’Appel au dialogue. Juifs et Musulmans de France (Editions 1, 2003).


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