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« le Monde »
Une barrière pour la paix
Nissim Zvili - ambassadeur d’Israël en France
Article mis en ligne le 27 octobre 2003

On a parlé de mur de la honte. On a évoqué un désir d’annexion. On a même employé le mot « apartheid », avec cette complaisance dans la haine et cette bonne foi dans le mensonge dont les Israéliens ont depuis longtemps cessé de s’étonner, sinon de s’indigner.

Si je ne conçois pas l’illusion de convaincre ceux pour qui le ressentiment tient lieu de raisonnement, j’aimerais que, cette fois, l’on juge les choses non pas telles qu’on les croit ni telles qu’on les veut, mais telles qu’elles sont.

Israël a entrepris la construction d’une barrière de sécurité pour honorer le premier de tous les devoirs d’un Etat : protéger ses citoyens, compter sur sa propre puissance, dont il connaît les ressources et dont il mesure les limites, plutôt que sur la bonne volonté des autres, dont on conviendra qu’il lui est permis de douter.

Mais si, en édifiant cette barrière, Israël avait réellement le dessein d’annexer sournoisement la Cisjordanie, il n’aurait pas eu la naïveté d’adopter un tel tracé. Sur les 170 km déjà construits, seul 1,6 pour cent du territoire palestinien sera inclus du côté occidental de cette barrière de protection.

Certes, 1,6 pour cent de territoire, si ce n’est pas assez pour justifier les soupçons qui pèsent sur les intentions d’Israël, c’est assez pour expliquer la colère de ceux qui voient leur ville encerclée, leurs arbres déplacés, leur champ coupé en deux. Mais là encore, il n’est pas honnête de parler, par ignorance ou par malveillance, de domination, de ségrégation, de racisme. Sait-on qu’Israël, dont l’économie traverse une crise comme il n’en avait jamais connue dans sa courte histoire, consacrera 60 millions d’euros à l’indemnisation des Palestiniens qui seront lésés par la construction de cette barrière ? Sait-on que le ministère israélien de l’agriculture a entrepris de replanter les 60 000 oliviers que l’on a dû déplacer ? Sait-on que cette imperméable muraille de Chine, cet infranchissable mur de Berlin sera percé en plus de 40 points et permettra à plusieurs milliers supplémentaires de Palestiniens d’aller cultiver leurs champs ou de travailler en Israël ? Sait-on du reste que l’existence de la barrière rendra inutile le maintien de certains barrages, allégeant ainsi considérablement la vie quotidienne des Palestiniens ? Enfin, sait-on que chaque Palestinien concerné a pu présenter un recours devant la Cour suprême d’Israël, et qu’à certains de ceux qui ont usé de ce droit la Cour a donné raison, menant ainsi à modifier le tracé de la barrière ?

Et si l’on ne sait pas tout cela, de quel droit, au nom de quelles certitudes, sur la foi de quelles informations juge-t-on l’attitude d’un pays démocratique, plus petit que la Bretagne, entouré d’Etats dont certains n’ont pas renoncé à le détruire ?

Je connais le malheur des Palestiniens. Israël souffre de leur souffrance, comme de cette guerre qu’il n’a pas voulue, dans laquelle il n’a rien à gagner, et qu’il mène simplement parce qu’on ne lui en a pas laissé le choix. Je souhaite ardemment et profondément que s’apaise la détresse palestinienne, et que, par la vertu des frontières reconnues et des élections libres, on donne enfin à ce peuple blessé la chance de s’ouvrir d’autres horizons, qu’on lui offre l’occasion de décider souverainement de ce qu’il veut être.

Chacun connaît la seule solution - car il n’y en a qu’une : c’est celle que le gouvernement d’Israël avait proposée en juillet 2000, puis en janvier 2001, à l’Autorité palestinienne : un jour, sur cette terre commune et partagée, il y aura, auprès de l’Etat d’Israël, un Etat arabe de Palestine. C’est, selon l’expression du premier ministre d’Israël, un fait accompli. Les Israéliens veulent la paix, ils aspirent à ne plus être des occupants, ils veulent vivre, tout simplement, et, ne serait-ce qu’au nom de cette revendication après tout légitime, ils ne tiennent pas à différer l’exercice d’une souveraineté palestinienne digne de ce nom.

Alors, pourquoi cette barrière ? Il semble que beaucoup aient oublié de se poser la question. Il faut donc rappeler à ceux qui l’ignoreraient que la population civile de l’Etat d’Israël est victime d’attentats terroristes. Je sais que la liste de nos centaines de morts, sans parler de nos milliers d’amputés, d’aveugles, de paralysés, serait propre à lasser l’attention d’un lecteur pressé. Mais je demande à ce lecteur la grâce d’essayer de comprendre.

Les pertes qu’Israël a subies, si l’on tient compte de l’échelle des populations, c’est 15 fois le 11 septembre 2001. Il y a eu sur le territoire israélien, qui est moins peuplé que la région parisienne, plus de 100 attentats-suicides en trois ans. Les Israéliens que l’on tue ne sont pas des combattants : ce sont pour la plupart des civils qui n’ont pas commis d’autre crime que de vivre où ils vivent. L’article 2 de la charte du Hamas proclame : « Tout juif est une cible et peut être tué. »

Que voulez-vous que fasse mon pays ? Et pourquoi croyez-vous qu’il construise une barrière ? Reconnaître à Israël le droit d’exister, c’est aussi lui accorder le droit de se défendre lorsque des terroristes viennent au c ?ur de ses villes assassiner ses habitants.

Et à ceux qui ont la bienveillance de ne pas tenir cette barrière pour scandaleuse, mais qui la trouvent inutile, je répondrai simplement que, depuis quatre ans qu’une barrière sépare Israël de la bande de Gaza, pas un terroriste - je dis : pas un - n’est venu de Gaza. Le vendredi 3 octobre, à Haïfa, un attentat a tué 21 personnes, dont de nombreux enfants, dans un restaurant du bord de mer. Que l’on considère un instant l’itinéraire de la terroriste, qui venait de Jénine, et l’on constate qu’elle n’aurait pas atteint son but si nous avions terminé la barrière à temps. Eh bien, ne serait-ce qu’au nom des 21 morts de Haïfa, nous la terminerons !

Et j’espère qu’un jour, un jour prochain, nous la détruirons, une fois que sera réalisé l’unique but d’Israël, le seul qui soit conforme à son idéal et à son intérêt : la paix. Mais il n’y a pas de paix sans confiance. Et aujourd’hui, hélas, nous ne pouvons plus avoir confiance. Notre erreur, à Oslo, fut de remettre notre sécurité entre les mains de nos voisins, et de parier sur leur coopération. Aujourd’hui, nous avons le droit et le devoir de nous défendre nous-mêmes. Les accords d’Oslo n’auraient pas conduit à cet échec si de si belles intentions avaient été accompagnées de la construction d’une barrière de protection, permettant ainsi de se protéger des éléments destructeurs palestiniens qui ont réussi à torpiller les efforts de paix.

Alors, faute de mieux, Israël essaie d’établir une paix provisoire qui ne se fonde ni sur des réconciliations spectaculaires ni sur des effusions illusoires, mais sur la sécheresse d’une séparation. Car la paix, c’est d’abord d’arrêter de mourir. Le terrorisme n’a pas laissé à ceux qui veulent la paix d’autre choix que de construire une barrière pour la défendre.



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