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Tariq Ramadan et les altermondialistes.
Bernard-Henri Lévy
Article mis en ligne le 9 octobre 2003
dernière modification le 30 octobre 2003

L’UEJF vous prie de découvrir en exclusivité un texte de BHL publié dans « Le Point », il est important car pour la première fois il lève le voile sur le vrai discours de Tariq Ramadan. 
 

Voici quelques jours que circule sur le net, dans le cadre des listes de discussion préparant le Forum social européen qui doit se tenir à Paris et Saint-Denis le 12 novembre prochain - dans le cadre, autrement dit, des espaces de libre débat de la grande mouvance altermondialiste - un texte sidérant de Monsieur Tariq Ramadan, cet imam genevois devenu, depuis quelques années, l’un des porte-paroles des courants les plus durs de l’islam européen.
 
On y apprend par exemple que les intellectuels français - Bernard Kouchner, André Glucksmann, Pascal Bruckner - qui ont soutenu la guerre américaine en Iraq ne l’ont fait qu’en fonction des « intérêts israéliens ». 

On y découvre que l’écrivain et éditorialiste Alexandre Adler, dont les lecteurs du « Monde » et, aujourd’hui, du « Figaro » connaissent l’indépendance d’esprit ne pense et n’écrit qu’en fonction de la seule grille de lecture de « son attachement à Israël ». 

On y découvre que l’historien du racisme Pierre-André Taguieff qui se trouve - on rougit d’avoir à le préciser - n’être pas juif est représentatif, avec Alain Finkielkraut, d’un groupe d’ « intellectuels juifs » que l’on avait « jusqu’alors considérés comme des penseurs universalistes » et dont les « analyses » seraient « de plus en plus orientées » par le souci « communautaire juif ». 

Et, quant à moi, j’ai la stupeur de lire, dans ce texte toujours, que ma récente « campagne contre le Pakistan » qui semblait à Monsieur Ramadan « comme sortie de nulle part et presque anachronique », trouve sa vraie signification lorsqu’on prend la peine de la « rapprocher » de la « visite historique » d’Ariel Sharon en Inde, pays ennemi du Pakistan - j’ai la stupeur de voir une année d’enquête sur la mort de Daniel Pearl, ce martyr de la liberté de la presse égorgé par un commando de fous de Dieu, réduite au rang de simple marchepied d’une opération diplomatique préparée de longue date par le chef d’un gouvernement dont je n’ai cessé de dire, ici et ailleurs, tout ce qui me sépare. 

Je passe sur l’infamie de ces propositions qui, sous couvert d’une attaque en règle contre l’esprit communautaire, ne font que ressusciter le bon vieux thème du complot juif : Lévy et Adler en ambassadeurs occultes de Sharon - le Protocole des Sages de Sion n’est pas loin. 

Je passe sur le cas de Monsieur Ramadan lui-même, cet intellectuel habile, formé à l’école des Frères Musulmans mais qui avait toujours su, jusqu’ici, dans son expression exotérique et publique, offrir une façade lisse, convenable : avec ce texte, il met bas le masque, il se déshonore. 

Le vrai problème c’est le lieu où cet article, après avoir été refusé par la plupart des grands quotidiens nationaux, a fini par atterrir - le problème c’est l’attitude de ces altermondialistes qui hébergent, qu’on le veuille ou non, un texte nauséabond sans l’avoir, à l’heure où j’écris, en aucune façon désavoué. 

Réflexe libertaire de gens croyant, comme au bon vieux temps, qu’il est interdit d’interdire ? 

Statut hybride de ces sites de libre parole qui, ne sollicitant pas leurs contributions, n’auraient pas non plus de raison de les dénoncer ?
 
Ou bien désir, vieux, lui, comme l’extrême-gauche, de ne pas se couper d’une base - en l’occurrence les banlieues - qui verrait dans Ramadan l’un de ses porte-drapeaux ? 

Toutes les explications sont possibles. 

Mais aucune, cela doit être dit, ne rend ce silence acceptable. 

Aucune raison au monde, aucun calcul d’aucune sorte, ne saurait faire oublier que des déclarations comme celle-là ne sont pas des opinions mais des appels à la haine, des délits. 

Je ne suis pas toujours d’accord, loin s’en faut, avec Messieurs Gresh, Cassen ou Bové. Mais je respecte leur combat. Je reconnais, malgré les différends, leur honnêteté intellectuelle. Qu’ils puissent, sous prétexte de ne pas désespérer le nouveau Billancourt islamiste, cautionner des propos pareils, qu’ils puissent, par ruse ou manœuvre tactique, laisser un seul instant penser à ceux qui les écoutent que l’antisémitisme est une manière comme une autre de dire sa révolte politique, voilà qui serait désastreux, non seulement pour eux, mais pour nous tous. 

Monsieur Ramadan, chers amis altermondialistes, n’est pas, ne peut pas être, des vôtres. 

L’antisémitisme, cher Gresh, cher Bové, n’est pas, ne peut pas redevenir, ce socialisme des imbéciles qui a coûté si cher, vous le savez comme moi, à nos aînés. 

Nous pouvons, c’est parfaitement normal, n’avoir pas toujours le même avis sur telle ou telle question brûlante. Mais il y a une catégorie d’énoncés qui, pour chacun d’entre nous, doit absolument marquer le seuil de l’intolérable : c’est le cas des énoncés racistes (raison pour laquelle j’avais, de mon côté, immédiatement stigmatisé le livre d’Oriana Fallacci) ; mais c’est le cas, au moins autant, des énoncés antisémites (et c’est pourquoi je vous adjure de prendre vos distances, très vite, avec un personnage qui, en accréditant l’idée d’une conspiration des élites aux ordres du sionisme, ne fait que jeter le feu dans les esprits et ouvrir la voie au pire). 

Il y va de votre probité. 

Il y va de nos valeurs démocratiques partagées. 



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