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« Les malheurs des Palestiniens viennent de leur direction politique corrompue et non des colons israéliens, comme l’affirme le leader syndical. »
José Bové en territoires piégés
par Marc Lefevre, Philippe Gumplowicz et Pierre-André Taguieff
Article mis en ligne le 10 juillet 2001
dernière modification le 15 août 2003

José Bové est un veinard. Alors qu’il s’apprête à planter une tente dans les environs de Bethléem, en solidarité avec les paysans palestiniens, au nez et à la barbe des militaires de Tsahal, il croise un groupe de cameramen et de photographes. Sans cette espèce de baraka médiatique qui le protège des avanies des Etats policiers de France et de Navarre, on n’ose imaginer au fond de quelle sinistre geôle de Tel-Aviv il serait allé croupir...

Le sujet ne prête pas à rire longtemps. Qui peut contester les souffrances du peuple palestinien, et en particulier de ses paysans ? Mais José Bové, à la vitesse de la flèche, confond les responsables secondaires et le responsable principal.

Les responsables principaux du marasme actuel des paysans palestiniens ne sont pas les 30 000 colons israéliens fanatiques religieux. Ceux-ci ne représentent que 15 % des 200 000 colons (sur 6 millions d’habitants) installés dans les territoires occupés par Israël depuis la guerre des Six Jours de 1967. En majorité, les colons israéliens savent que, tôt ou tard, ils devront évacuer leurs colonies. Ces 15 % d’irrédentistes, ceux que la gauche israélienne nomme les « colons idéologiques », sont infiltrés par les services de sécurité intérieurs israéliens qui ne toléreront pas que leurs débordements embrasent la région. Ces extrémistes religieux sont honnis par l’immense majorité de la population israélienne qui voit ses filles et ses fils risquer leur vie pour les protéger. Quand viendra le jour de les évacuer, les télévisions occidentales feront part de leurs vociférations à l’opinion internationale, mais personne en Israël ne les soutiendra.

La société palestinienne a des illusions pour toute perspective. S’il n’avait été aveuglé par des idées prédigérées, José Bové aurait pu voir et faire savoir que le peuple palestinien n’a comme issue politique que :

  • une Autorité politique qui fait régner une terreur policière ;
  • une « opposition » représentée par des composantes religieuses fanatiques et extrémistes ;
  • un camp progressiste et laïque palestinien quasiment inexistant, dont les quelques représentants sont muselés, attentistes ou impuissants.

La société palestinienne dans son ensemble est au bord de la guerre civile fratricide et ne maintient sa cohésion que par le développement incontrôlé d’une stratégie de la tension avec Israël. Les derniers attentats barbares, le blocage actuel, les pressions occidentales montrent que cette stratégie ne mène le peuple palestinien nulle part. Sa si courte visite a seulement permis à José Bové de conforter ses préjugés. Qu’il ne soit pas le seul à s’adonner à un tel exercice rituel ne l’excuse en rien.

Faut-il rappeler que les bases d’un accord définitif, pour solde de tout compte, entre Israéliens et Palestiniens, ont été tracées à Taba ?

  • Restitution de plus de 95 % des territoires occupés et compensation territoriale pour la différence ;
  • souveraineté partagée sur Jérusalem et les lieux saints de toutes les religions ;
  • retour limité de réfugiés palestiniens, sans remettre en cause l’identité nationale israélienne.

Yasser Arafat n’a pas su ou n’a pas voulu saisir cette opportunité historique d’une solution pacifique au conflit. Cette solution repose sur le principe « deux Etats pour deux nations », avec une séparation nette permettant à ces deux Etats de se développer indépendamment ; elle laisse aux générations futures le soin de résorber les haines. Cette solution est la seule possible. Yasser Arafat le sait, et Ariel Sharon l’admet également quand les micros sont débranchés. Elle est défendue depuis toujours par le camp israélien progressiste et laïque, ce camp de la paix qui s’est montré capable de rassembler des centaines de milliers de manifestants dans les rues, celui qui se bat tous les jours contre les implantations dans les territoires occupés. Ce camp de la paix défend fermement, en même temps, l’identité nationale juive de son pays et n’acceptera aucun compromis sur cette question.

Le camp des opposants à cette solution des deux Etats, celle que préconisait d’ailleurs le plan de partage de la Palestine mandataire en 1947, regroupe bizarrement, d’un côté les extrémistes religieux des deux bords, de l’autre les tenants du libéralisme économique régional et d’une zone ouverte de libre-échange.

Qu’en pense José Bové ? S’il avait prolongé un peu son séjour, il aurait pu voir que le principal responsable des malheurs actuels du peuple palestinien, c’est sa propre direction politique corrompue, qui maintient son peuple dans la haine de l’Autre et dans l’illusion d’un retour à la mère patrie de 1948. Une direction politique maintenue à bout de bras par les pays occidentaux, en particulier par l’Union européenne et Jacques Chirac, et tolérée comme un moindre mal par Israël, par peur d’une alternative politique encore pire, celle de la mouvance islamique.

Quel paradoxe de voir les ennemis du communautarisme régional en Europe, et du technocratisme de Maastricht - de voir donc certains défenseurs de l’identité des Etats-nations en Europe -, soutenir des positions inverses quand ils traversent la Méditerranée ! On se plaît à imaginer un José Bové affirmant sa solidarité avec les extrémistes de droite allemands, après un voyage éclair en Bohême pour soutenir le retour des Allemands des Sudètes.

Le Moyen-Orient n’a pas besoin de donneurs de leçons qui assènent leurs slogans creux à l’issue d’un voyage express. Le Moyen-Orient a besoin de calme, de raison, de compréhension mutuelle et de tolérance.

Au Moyen-Orient, les mots tuent. La guerre n’est pas un spectacle pour tout le monde.

Marc Lefevre est physicien et directeur de sociétés ; Philippe Gumplowicz est musicologue ; Pierre-André Taguieff est philosophe et politologue.



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