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La France, mise sur la touche des négociations au Proche-Orient, ferait mieux d’abandonner ses habits neutres et d’admettre qu’elle a choisi le camp palestinien
Un discret choix proarabe
Alain Pierret - ancien ambassadeur de France en Israël.
Article mis en ligne le 25 août 2001
dernière modification le 1er août 2003

Pour Paris, Tel-Aviv est la capitale d’Israël et Jérusalem-Est fait partie de la capitale d’un futur Etat palestinien.

Au lendemain de son récent passage à Paris, le Premier ministre israélien Ehud Barak avait reproché au président de la République « d’encourager un nouveau terrorisme ». De son côté, un journaliste israélien réputé écrivait « qu’Israël devait aujourd’hui faire tout son possible pour empêcher la France de devenir un médiateur direct dans le conflit ».

En octobre 1989, notre pays exerçait la présidence de ce qui était encore la Communauté européenne. Alors ministre de la Défense, Yitzhak Rabin déclarait que notre position sur le processus de paix était sans importance, « l’Europe n’[étant] pas dans le coup ». Pour bien se faire comprendre, il précisait quelques jours plus tard que « les Français seraient les derniers à qui nous ferions appel ».

Derrière les démentis officiels et les assurances prodiguées, ne serait-il pas opportun de voir enfin ce qu’il en est réellement des bases de la politique française au Proche-Orient, de cet équilibre que réaffirmait le président de la République au lendemain du « caillassage » du Premier ministre, Lionel Jospin, à l’université de Bir Zeit ? En 1979, François Mitterrand est le seul homme politique français à accueillir favorablement le traité de paix égypto-israélien, mais il est dans l’opposition. Une fois au pouvoir, il avance, avec une URSS en voie de décomposition, un projet de conférence internationale avec participation des membres du Conseil de sécurité que les Palestiniens défendent avec enthousiasme et que les Israéliens rejettent tout aussi catégoriquement. Ce sera notre ligne de conduite de 1985 à 1991. Pas question de plaider en faveur d’un dialogue direct entre parties qui conduirait à écarter la France de la table des négociations.

Lorsqu’éclate la crise du Golfe en août 1990, le Premier ministre, Michel Rocard - à Paris -, et des émissaires (MM. Mauroy, Cheysson, Dumas, Pisani, de Beaucé, Vauzelle) - à Tunis - rencontrent à neuf reprises le président de l’OLP, qui avait pris le parti de Saddam Hussein : « Nous entrerons à Jérusalem grâce aux missiles irakiens. » Dans le même temps, Israël est mis en quarantaine ; aucun ministre, dirigeant politique ou diplomate français ne s’y rend. Lorsqu’en février 1991, le Quai d’Orsay commandite un film sur les ambassades dans la guerre, le choix du ministre est simple : l’Egypte, l’Arabie Saoudite et la Jordanie, même l’Algérie et l’Iran, mais pas l’Etat juif, arrosé par les Scud irakiens.

Au lendemain du conflit, les Européens décident de geler leurs relations avec le président de l’OLP. Roland Dumas rencontre pourtant Yasser Arafat. L’entretien a lieu en Libye, chez le colonel Kadhafi, qui, moins d’un an auparavant, avait prêté son concours à une opération de débarquement de commandos palestiniens près de Tel-Aviv.

S’agissant de Jérusalem, la France s’en tient à l’internationalisation de la ville, dans le cadre de l’unicité du corpus separatum. Or, nous avons dédoublé nos implantations administratives et culturelles. Leurs activités donnent d’ailleurs parfois l’impression d’être tournées autant contre Israël qu’en faveur des Palestiniens. En février 1989, une mission parlementaire apprend à ses dépens que les véhicules immatriculés en Israël n’ont pas le droit de stationner dans la cour de la représentation française. Quant à la fête nationale du 14 Juillet, elle est l’objet de deux manifestations, l’une pour les Israéliens, l’autre pour les Palestiniens et les religieux français. Apartheid insupportable, dénoncent les juifs partisans de la paix, favorables au brassage, partisans d’une réception commune.

La France n’a pas protesté lorsque Israël a exclu Bethléem et les villes arabes voisines des limites méridionales de Jérusalem, car cela rendait plus facile ses rapports avec les municipalités palestiniennes. A l’inverse, bien que situés en territoire israélien non contesté, le village arabe d’Abou Gosh et son monastère bénédictin installé auprès d’une église croisée sur un terrain domanial français ont été rattachés en 1949 au consulat général par une « légère dérogation » temporaire. Les « raisons d’ordre purement pratique » alors avancées ont depuis longtemps disparu, mais la situation n’a pas changé. Lorsque le président israélien s’y est rendu en janvier, il n’a pu être accueilli sur cette enclave nationale par le représentant de la France : le monastère n’est pas du ressort de la compétence territoriale de l’ambassade à Tel-Aviv et le consulat général à Jérusalem n’entretient pas de rapports avec les autorités politiques de l’Etat juif.

D’ailleurs, pour la France, Tel-Aviv est la capitale d’Israël, tandis que la vieille ville de Jérusalem est déjà reconnue comme faisant partie de la capitale d’un futur Etat palestinien. Le premier point résulte d’un arrêté conjoint des ministres socialistes des Relations extérieures et de l’Education nationale « relatif à la terminologie des noms d’Etats et de capitales ». Cette décision a été confirmée par leurs successeurs de droite. A Paris ou devant les Nations unies à New York, nos représentants évoquent souvent « le gouvernement de Tel-Aviv », ville qu’il a quittée dès 1949. Interrogé sur cette « erreur » par les journalistes à l’issue de son déplacement à Jérusalem en février 1994, Alain Juppé s’engagea à la faire rectifier au Journal Officiel. La correction ne sera jamais effectuée.

Quant au second, il est lié à la visite « privée » que le chef de l’Etat a effectuée dans la vieille ville de Jérusalem en octobre 1996 et dont on a surtout retenu le caractère médiatique. Si M. Chirac n’était accompagné d’aucun officiel israélien, la présence à ses côtés de Mme Leïla Shahid, déléguée générale de l’Autorité palestinienne en France, eût mérité d’être davantage relevée. En effet, le geste à l’intention des Arabes était clair : « Jérusalem-Est, y compris les quartiers intra-muros, vous appartient. »

L’évolution politique de M. Chirac est d’ailleurs intéressante. Premier ministre d’un gouvernement de cohabitation (1986-1988), il prend le contre-pied des positions que prône le président de la République. « Je ne suis pas partisan d’un Etat palestinien [...]. C’est une formule rhétorique, elle n’est pas réaliste », déclare-t-il à un journaliste israélien, ajoutant qu’il se refuse à rencontrer Yasser Arafat. Elu à la tête de l’Etat, il hésite à se rendre aux funérailles de Yitzhak Rabin en novembre 1995, puis se rapproche du président de l’Autorité palestinienne. En mars 1996, à la suite d’une série d’attentats qui ont fait une soixantaine de morts chez les Israéliens juifs, un sommet antiterroriste se réunit à Charm el-Cheikh. M. Arafat est la première personnalité que le président français tient à rencontrer, avant Shimon Peres.

Cette année, le président de l’Autorité palestinienne a été reçu à l’Elysée dès le 1er juillet, avant tout autre dirigeant étranger, au moment où la France assumait la présidence de l’Union européenne. Deux jours plus tard, le Conseil national palestinien déclarait son intention de proclamer un Etat indépendant le 13 septembre, annonce qui conduisit à la rencontre infructueuse de Camp David 2 et à la montée des tensions. Et, le 4 octobre, on apprenait que M. Chirac avait sermonné M. Barak devant M. Arafat, tandis que la télévision s’étendait complaisamment sur les embrassades franco-palestiniennes.

A tous ces exemples de parti pris s’ajoute le camouflet que ses partenaires majeurs de l’Union européenne ont infligé à la France le 20 octobre à l’Assemblée générale des Nations unies, en se dissociant par leurs votes du texte préparé par la présidence française avec les Palestiniens.

Notre pays restera sur le banc de touche. Il serait plus franc de reconnaître qu’il a choisi son camp. Qu’il en soit fini de l’hypocrisie et du mensonge qui ont (trop) longtemps guidé notre politique proche-orientale. Après tout, les sondages indiquent que l’opinion publique penche dans le même sens. Ou faudrait-il se demander, comme on l’a affirmé pour M. Sharon parcourant l’esplanade du Temple/des Mosquées, si le président de la République n’est pas, lui aussi, mû par des considérations électoralistes ?



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