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Cet article présente pour la première fois une argumentation claire et sans faille sur le problème des réfugiés palestiniens et leur contrepartie les juifs expulsés, enfuis et interdits des pays arabes. Il rétablit la réalité et pose le problème du rapport du monde arabe avec la vérité et avec les non-musulmans.
Le péché originel des états arabes
Shmuel Trigano - Professeur des Universités
Article mis en ligne le 4 juin 2001
dernière modification le 28 juillet 2003

Le débat sur la revendication par les Palestiniens du droit au retour dans le territoire de l’Etat d’Israël de 3 700 000 réfugiés (en 1948, l’UNRWA en dénombrait 540 000 et, en 1988, 2 125 000) est l’occasion d’une étrange amnésie qui obscurcit les données fondamentales du conflit israélo-arabe.

L’idée que la naissance d’Israël a été l’occasion d’une injustice dont les Palestiniens ont été les victimes semble communément acceptée, qu’on l’excuse par la culpabilité européenne (la Shoa dont le monde arabe n’est pas responsable) ou qu’on l’accuse de pur et simple effet du colonialisme. L’existence de l’Etat d’Israël serait ainsi entachée d’un « péché originel » que nul ne contesterait. Il se trouve même des Israéliens pour le dire… Ce jugement est cependant décliné selon deux modalités. L’une se veut justicière : les millions de réfugiés doivent rentrer en Israël. L’autre se veut humanitaire et juge impossible ce retour car infuser 3.700 000 Palestiniens dans un Etat d’Israël qui compte 5 000 000 de Juifs, équivaudrait à sa dénaturation.

Le subterfuge est en effet « hénaurme » : Yasser Arafat obtiendrait ainsi deux Etats palestiniens qui auraient , tous les deux, Jérusalem pour capitale. C.Q.F.D. Le but de guerre de l’ex O.L.P., la « Palestine laïque et démocratique » serait -il devenu le but de paix (sic) de l’Autorité palestinienne ?

Poser le débat dans les termes du « droit au retour » fait violence à la vérité historique. Le monde arabe n’est en aucune façon une victime innocente dans ce conflit face à une culpabilité congénitale d’Israël. On occulte en effet dans ce rapport truqué l’expérience et l’histoire d’une majorité de la population israélienne, les Juifs originaires des pays arabes, comme s’ils n’existaient pas, comme si leur destin pesait moins que celui des Palestiniens ou d’autres Israéliens…

Se rend-on compte qu’il n’y a pour ainsi dire plus de Juifs dans le monde arabe et se demande -t-on pour quelle raison ?

En 1945, il y en avait environ 900 000 , d’établissement bien plus ancien que la conquête arabe. Il ne sont plus aujourd’hui que quelques dizaines de milliers (surtout au Maroc et dans un pays islamique comme l’Iran). Plus de 600 000 ont trouvé refuge en Israël et 260 000 en Europe et dans les Amériques. Bien avant le départ des puissances coloniales et la création de l’Etat d’Israël, la xénophobie des mouvements nationalistes arabes les avait engagés au départ.

Une série de pogroms avaient éclaté dans plusieurs capitales : en Irak en 1941 (le Farhoud, c’est à dire le pogrom), à Tripoli en Lybie en 1945, en Syrie en 1944 (la majeure partie des Juifs quitta alors le pays), à Alep et Aden en 1947. En 1948, la guerre décrétée sur l’Etat d’Israël au lendemain de sa proclamation - et perdue - par six Etats arabes, devait conduire à une aggravation de la condition juive . De 1948 à 1949, des centaines de Juifs furent internés dans des camps en Egypte. En 1956, la nationalité égyptienne fut retirée aux « sionistes » (définis « non une religion mais le lien matériel et spirituel entre les sionistes et Israël »). En 1957, leurs biens furent mis sous séquestre.

En Irak, en 1948, le sionisme fut rangé dans la catégorie des crimes d’opinion, passibles de sept ans de prison et d’une amende. En 1950, ils y furent privés de leur nationalité et, en 1951, dépouillés de leurs biens. Cette même année, la synagogue de Baghdad où les Juifs s’enregistraient pour l’émigration fut la cible d’un attentat.

Dans la péninsule arabique, même expulsion par la violence et l’intimidation. Dès le début du XX° siècle, l’exclusion avait durement frappé les Juifs yéménites (16 000 émigrèrent de 1919 à 1948). La mise en pratique de la loi islamique pronant l’islamisation forcée des orphelins poussa définitivement les Juifs du Yémen sur les voies de l’exode qui les conduisirent vers Israël. Les Juifs du Najran, région voisine annexée par l’Arabie saoudite, se joignirent à eux (43 000 Juifs en 1948-1949). Victimes d’un subterfuge du pouvoir , ils furent dépouillés de tous leurs biens.

Quant aux Juifs d’A.F.N., le pouvoir français les avaient libérés de la condition opprimée du dhimmi*, que ce soit en leur accordant la citoyenneté ou en neutralisant le dispositif islamique de la condition juive. Son retrait , à la suite de l’Indépendance, signifiait unanimement pour les Juifs la fin de leur liberté., en 1963, sous Boumedienne qu’il fallait avoir un père et des grands parents paternels de statut personnel musulman pour être algérien, alors qu’il n’y avait quasiment plus de non- musulmans … Ils partirent en masse dans les années 1950-1960 .

Ainsi, 129 539 Juifs d’Irak, 37 395 Juifs d’Egypte, 50 619 Juifs du Yemen et d’Aden, 8523 Juifs de Syrie, 4032 Juifs du Liban, 35 802 de Lybie, 52118 de Tunisie, 24 067 Juifs d’Algérie, 266 304 Juifs du Maroc trouvèrent refuge en Israël, pour la plus grande part entre 1948 et 1958 et en moindre mesure de 1970 à 1980, témoins du « péché originel » des Etats-nations arabes qui se livrèrent à une véritable purification ethnique quand ils se constituèrent. Celle ci n’est bien évidemment pas dénuée de lien avec la guerre de 1948. En 1949, une réunion de diplomates arabes à Beyrouth prona l’expulsion des Juifs de leur pays en représailles de l’exode palestinien…

Tous ces éléments montrent s’il en était besoin l’importance critique de l’histoire des Juifs du monde arabe dans la réalité du conflit israélo-arabe. Vue dans cette lumière, la création d’Israël (où ils constituent une majorité) au cœur du monde arabe apparaît moins comme une solution humanitaire en faveur des rescapés de la Shoa que comme le fruit de la lutte pour la libération et l’autodétermination d’une minorité opprimée du monde arabe.

La situation est concrètement comparable à celle des Palestiniens car il y a eu de facto un échange de populations entre 600 000 Juifs déplacés des pays arabes et 540 000 Palestiniens déplacés après la création d’Israël . Ces 600 000 Juifs ont été dépouillés de tous leurs biens et ont vécu dans des camps de transit (maabarot), camps de cabanes de bois et de tentes à même la terre, avant de s’installer plus durablement dans le territoire israélien. Jusqu’à ce jour, ils souffrent dans leur condition économique, politique et culturelle des conséquences de ce déplacement.

On comprend que les Palestiniens occultent pour les besoins de leur cause cette dimension du conflit, génante pour leur apologie. Elle ne cesse cependant pas d’exister. On comprend moins comment le leadership israélien, tout spécialement la gauche, y soit resté insensible. Sans doute par ethnocentrisme ?

Quant aux Etats arabes, ils sont doublement responsables d’une telle situation, car après avoir expulsé leurs résidents juifs, ils n’ont pas pour autant intégré les réfugiés palestiniens mais au contraire les ont transformé en arme contre Israël.

C’est le seul problème de réfugiés de l’histoire contemporaine qui n’a pas trouvé de solution dans une époque où l’on a dénombré soixante millions de réfugiés. Je ne veux ici qu’évoquer les 1 300 000 Grecs chassés de Turquie et les 400 000 Turcs expulsés de Grèce , dans les années 1920, ou les 13 000 000 de personnes déplacées entre l’Inde et le Pakistan. Entend-on parler d’eux aujourd’hui ? Entend-on parler des réfugiés juifs du monde arabe ? Comment 540 000 réfugiés Palestiniens n’ont-ils pas trouvé leur place ? Alors que tous les réfugiés du monde dépendaient du Haut Commissariat pour les réfugiés, ils ont même bénéficié d’une agence spéciale de l’O.N.U. , l’UNRWA, entretenant une bureaucratie de 17 000 employés et ayant englouti jusqu’en 1986, 2 939 774 915 dollars de frais pour lesquels les Etats arabes ont toujours très peu cotisé…

Cette histoire occultée et refoulée pose en vérité au monde arabe une plus grande question : celle de son rapport à l’autre, d’extrême actualité alors que la démocratie y est toujours orpheline. Les intellectuels progressistes arabes tombent des nues lorsque l’on soulève devant eux leproblème du statut des non musulmans dans leurs sociétés. Le tiers-mondisme a accrédité le mythe de la tolérance du monde arabo-islamique. Habituée à voir dans les non-musulmans (Juifs et chrétiens) des « protégés » (dhimmis), la conscience arabe contemporaine ne s’est jamais rendu compte de leur condition dominée.

Tous les Etats arabes ont adopté l’islam comme religion d’Etat et l’opinion arabe - pas seulement les fondamentalistes, très clairs sur ce point - continue à voir les Juifs (en l’occurrence les Israéliens) dans ce prisme du dhimmi, qui ne touche pas que les Juifs (voire par exemple le destin plus que difficile des chrétiens en Egypte , au Soudan, en Irak, aux Philippines, sans parler de la récente guerre civile libanaise…). L’Etat d’Israël ne peut qu’incarner à ses yeux la révolte sacrilège et intolérable du dhimmi, qu’il faut réprimer avec la dernière énergie.

La démocratie ne naitra dans le monde rarabe que lorsqu’il aura fait le point de son rapport à l’autre. En l’occurrence, il s’agirait aussi de son rapport aux deux monothéïsmes qui l’ont précédé et auxquels il doit beaucoup. Le conflit autour de ce que les journalistes appellent « l’esplanade des mosquées » - et qui est avant tout le « mont Moria » de la Bible - est très symbolique : s’il y eût un jour une mosquée sur cette montagne c’est parce que deux temples judaïques y avaient été élevés, dès la plus haute antiquité. Ce n’est pas seulement le problème de la coexistence avec des non-musulmans que pose l’existence d’Israël au monde arabe, c’est aussi celui de son rapport à sa propre identité.

  • Lors de l’islamisation des pays conquis, les peuples monothéïstes vaincus, et qui s’étaient soumis sans combattre, se sont vu reconnaitre la « protection », le droit de culte et une semi-autonomie communautaire mais au prix de la « dépropriation » de leurs propriétés - dont ils devenaient les métayers-, du paiement d’une taxe capitale et en fonction d’un code de comportement discriminatoire et infériorisant.


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